Loi du 26 juin 2019 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.
Chapitre 1er
— Objet et champ d’applicationChapitre 2
— Obtention, utilisation et divulgation de secrets d’affairesChapitre 3
— Mesures, procédures et réparationsSection 1ère
— CompétenceSection 2
— Mesures provisoires et conservatoiresSection 3
— Actions civiles et mesures résultant d’une décision judiciaire quant au fondSection 4
— Dispositions applicables à toutes les procédures relatives à l’obtention, utilisation et à la divulgation illicite d’un secret d’affairesNous Henri, Grand-Duc de Luxembourg, Duc de Nassau,
Notre Conseil d’État entendu ;
De l’assentiment de la Chambre des Députés ;
Vu la décision de la Chambre des Députés du 19 juin 2019 et celle du Conseil d’État du 25 juin 2019 portant qu’il n’y a pas lieu à second vote ;
Avons ordonné et ordonnons :
Chapitre 1er
-Objet et champ d’applicationArt. 1er. Objet et champ d’application
(1)
Sous les conditions et dans les limites fixées par la présente loi, les secrets d’affaires sont protégés contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.(2)
Les dispositions de la présente loi ne portent pas atteinte à :a) | l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information établi dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Constitution, y compris le respect de la liberté et du pluralisme des médias ; |
b) | l’application de règles de l’Union européenne et du droit national exigeant des détenteurs de secrets d’affaires qu’ils révèlent, pour des motifs d’intérêt public, des informations, y compris des secrets d’affaires, au public ou aux autorités administratives ou judiciaires pour l’exercice des fonctions de ces autorités ; |
c) | l’application de règles de l’Union européenne et du droit national obligeant ou autorisant les institutions et organes de l’Union européenne ou les autorités publiques nationales à divulguer des informations communiquées par des entreprises que ces institutions, organes ou autorités détiennent en vertu des obligations et prérogatives établies par le droit de l’Union européenne ou le droit national et conformément à celles-ci ; |
d) | l’autonomie des partenaires sociaux et leur droit de conclure des conventions collectives, conformément au droit de l’Union européenne et au droit national et pratiques nationales. |
(3)
Les dispositions de la présente loi ne peuvent pas être interprétées comme permettant de restreindre la mobilité des travailleurs. En particulier, en ce qui concerne l’exercice de cette mobilité, les dispositions de la présente loi ne permettent aucunement :a) | de limiter l’utilisation par les travailleurs d’informations qui ne constituent pas un secret d’affaires tel qu’il est défini à l’article 2, point 1° ; |
b) | de limiter l’utilisation par les travailleurs de l’expérience et des compétences acquises de manière honnête dans l’exercice normal de leurs fonctions ; |
c) | d’imposer aux travailleurs dans leur contrat de travail des restrictions supplémentaires autres que celles imposées conformément au droit de l’Union européenne ou au droit national. |
Chapitre 2
-Obtention, utilisation et divulgation de secrets d’affairesArt. 3. Obtention, utilisation et divulgation licites de secrets d’affaires
(1)
L’obtention d’un secret d’affaires est considérée comme licite lorsque le secret d’affaires est obtenu par l’un ou l’autre des moyens suivants :a) | une découverte ou une création indépendante ; |
b) | l’observation, l’étude, le démontage ou le test d’un produit ou d’un objet qui a été mis à la disposition du public ou qui est de façon licite en possession de la personne qui obtient l’information et qui n’est pas liée par une obligation juridiquement valide de limiter l’obtention du secret d’affaires ; |
c) | l’exercice du droit des travailleurs ou des représentants des travailleurs à l’information et à la consultation, conformément au droit de l’Union européenne et au droit national et pratiques nationales ; |
d) | toute autre pratique qui, eu égard aux circonstances, est conforme aux usages honnêtes en matière commerciale. |
(2)
L’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires est considérée comme licite dans la mesure où elle est requise ou autorisée par le droit de l’Union européenne ou le droit national.Art. 5. Dérogations
Une demande ayant pour objet l’application des mesures, procédures et réparations prévues par les dispositions de la présente loi sera rejetée lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation alléguée du secret d’affaires a eu lieu dans l’une ou l’autre des circonstances suivantes :
a) | pour exercer le droit à la liberté d’expression et d’information établi dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Constitution, y compris le respect de la liberté et du pluralisme des médias ; |
b) | pour révéler une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale, à condition que le défendeur ait agi dans le but de protéger l’intérêt public général ; |
c) | la divulgation par des travailleurs à leurs représentants dans le cadre de l’exercice légitime par ces représentants de leur fonction conformément au droit de l’Union européenne ou au droit national, pour autant que cette divulgation ait été nécessaire à cet exercice ; |
d) | aux fins de la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national. |
Chapitre 3
-Mesures, procédures et réparationsSection 1ère
-CompétenceArt. 6. Compétence
(1)
Les demandes introduites sur base de la présente loi visant à obtenir une décision au fond quant à l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicite d’un secret d’affaires sont portées, quelle que soit la valeur de la demande, devant le tribunal d’arrondissement, siégeant en matière commerciale, ci-après désigné par « tribunal ».(2)
Les demandes introduites sur base de la présente loi visant à obtenir une mesure provisoire et conservatoire quant à l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicite d’un secret d’affaires sont portées, quelle que soit la valeur de la demande, devant le président du tribunal d’arrondissement.Section 2
-Mesures provisoires et conservatoiresArt. 7. Mesures et conditions d’octroi
(1)
Le détenteur d’un secret d’affaires peut saisir le président du tribunal d’arrondissement afin d’obtenir une ordonnance de référé à l’encontre du contrevenant supposé visant à :a) | la cessation ou, selon le cas, l’interdiction de l’utilisation ou de la divulgation du secret d’affaires à titre provisoire ; |
b) | l’interdiction de produire, d’offrir, de mettre sur le marché ou d’utiliser des biens en infraction, ou d’importer, d’exporter ou de stocker des biens en infraction à ces fins ; |
c) | la saisie ou la remise des biens soupçonnés d’être en infraction, y compris de produits importés, de façon à empêcher leur entrée ou leur circulation sur le marché. |
(2)
Le président du tribunal d’arrondissement ou le juge qui le remplace prend en considération, lorsqu’il décide s’il est fait droit à la demande ou si celle-ci est rejetée, et qu’il évalue son caractère proportionné, les circonstances particulières de l’espèce, y compris, s’il y a lieu :a) | la valeur ou d’autres caractéristiques du secret d’affaires ; |
b) | les mesures prises pour protéger le secret d’affaires ; |
c) | le comportement du défendeur lors de l’obtention, de l’utilisation ou de la divulgation du secret d’affaires ; |
d) | l’incidence de l’utilisation ou de la divulgation illicite du secret d’affaires ; |
e) | les intérêts légitimes des parties et l’incidence que l’octroi ou le refus de ces mesures pourrait avoir sur les parties ; |
f) | les intérêts légitimes des tiers ; |
g) | l’intérêt public ; et |
h) | la sauvegarde des droits fondamentaux. |
(4)
L’ordonnance peut intervenir indépendamment de l’action publique.Section 3
-Actions civiles et mesures résultant d’une décision judiciaire quant au fondArt. 10. Injonctions et mesures correctives
(1)
Lorsque le tribunal constate qu’il y a eu obtention, utilisation ou divulgation illicite d’un secret d’affaires, il peut, à la demande du demandeur, ordonner à l’encontre du contrevenant l’une ou plusieurs mesures suivantes :a) | la cessation ou, selon le cas, l’interdiction de l’utilisation ou de la divulgation du secret d’affaires ; |
b) | l’interdiction de produire, d’offrir, de mettre sur le marché ou d’utiliser des produits en infraction, ou d’importer, d’exporter ou de stocker des produits en infraction à ces fins ; |
c) | l’adoption de mesures correctives appropriées en ce qui concerne les biens en infraction ; |
d) | la destruction de tout ou partie de tout document, objet, matériau, substance ou fichier électronique qui contient ou matérialise le secret d’affaires ou, selon le cas, la remise au demandeur de tout ou partie de ces documents, objets, matériaux, substances ou fichiers électroniques. |
(2)
Les mesures correctives visées au paragraphe 1er, lettre c), comprennent :a) | le rappel des biens en infraction se trouvant sur le marché ; |
b) | la suppression du caractère infractionnel du bien en infraction ; |
c) | la destruction des biens en infraction ou, selon le cas, leur retrait du marché, à condition que ce retrait ne nuise pas à la protection du secret d’affaires en question. |
(3)
Lorsque le tribunal ordonne de retirer du marché des biens en infraction, il peut, à la demande du détenteur du secret d’affaires, ordonner que ces biens soient remis audit détenteur ou à des organisations caritatives.(4)
Les mesures visées au paragraphe 1er, lettres c) et d), sont mises en œuvre aux frais du contrevenant, à moins que des raisons particulières ne s’y opposent. Ces mesures sont sans préjudice des éventuels dommages et intérêts dus au détenteur du secret d’affaires en raison de l’obtention, de l’utilisation ou de la divulgation illicite du secret d’affaires.Section 4
-Dispositions applicables à toutes les procédures relatives à l’obtention, utilisation et à la divulgation illicite d’un secret d’affairesArt. 13. Publication des décisions judiciaires
(1)
Le tribunal saisi d’une demande relative à l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicite d’un secret d’affaires peut ordonner, à la demande du demandeur et aux frais du contrevenant, des mesures appropriées pour la diffusion de l’information concernant la décision, y compris sa publication intégrale ou partielle.(2)
Toute mesure visée au paragraphe 1er protège le caractère confidentiel des secrets d’affaires conformément à l’article 14.(3)
Lorsqu’il décide d’ordonner ou non une mesure visée au paragraphe 1er et qu’il évalue son caractère proportionné, le tribunal prend en considération, le cas échéant, la valeur du secret d’affaires, le comportement du contrevenant lors de l’obtention, de l’utilisation ou de la divulgation du secret d’affaires, l’incidence de l’utilisation ou de la divulgation illicite du secret d’affaires et la probabilité que le contrevenant continue à utiliser ou divulguer de façon illicite le secret d’affaires.Le tribunal prend également en considération le fait que les informations relatives au contrevenant seraient ou non de nature à permettre l’identification d’une personne physique et, dans l’affirmative, le fait que la publication de ces informations serait ou non justifiée, notamment au regard du préjudice éventuel que cette mesure pourrait causer à la vie privée et la réputation du contrevenant.
Le Ministre de l’Économie, Étienne Schneider | Palais de Luxembourg, le 26 juin 2019. Henri |
Doc. parl. 7353 ; sess. ord. 2017-2018 et 2018-2019 ; Dir. (UE) 2016/943. |