Loi du 6 décembre 1976 sur la réhabilitation des condamnés.


Chapitre Ier. - Dispositions générales
Chapitre II. - La réhabilitation de droit
Chapitre III. - La réhabilitation judiciaire
Chapitre IV. - Les effets de la réhabilitation

Nous JEAN, par la grâce de Dieu, Grand-Duc de Luxembourg, Duc de Nassau,

Notre Conseil d'Etat entendu;

De l'assentiment de la Chambre des Députés;

Vu la décision de la Chambre des Députés du 28 octobre 1976 et celle du Conseil d'Etat du 4 novembre 1976 portant qu'il n'y a pas lieu à second vote;

Avons ordonné et ordonnons:

Chapitre Ier. - Dispositions générales

Art. 1er.

Toute personne condamnée par un tribunal luxembourgeois à une peine criminelle, correctionnelle ou de police peut être réhabilitée.

Art. 2.

La réhabilitation est soit acquise de plein droit, soit accordée sur demande par arrêt de la chambre des mises en accusation.

Chapitre II. - La réhabilitation de droit

Art. 3.

Elle est acquise de plein droit au condamné qui n'a, dans les délais ci-après déterminés, dans le pays ou à l'étranger subi aucune condamnation nouvelle à l'emprisonnement où à une peine plus grave pour crime ou délit, pour des faits prévus par les lois pénales luxembourgeoises:

a) pour toute condamnation à des peines de police ainsi que pour toute condamnation à l'amende, après un délai de cinq ans;
b) pour la condamnation unique à une peine d'emprisonnement ne dépassant pas six mois, après un délai de dix ans;
c) pour la condamnation unique à une peine d'emprisonnement ne dépassant pas deux ans ou les condamnations multiples dont l'ensemble ne dépasse pas un an, après un délai de quinze ans;
d) pour la condamnation unique à une peine privative de liberté supérieure à deux ans ou pour les condamnations multiples dont l'ensemble ne dépasse pas deux ans, après un délai de vingt ans.

Les condamnations dont la confusion a été ordonnée sont, pour l'application des dispositions qui précèdent, considérées comme constituant une condamnation unique.

Les délais ci-avant précisés commencent à courir, en cas de condamnation à l'amende, du jour du payement de celle-ci ou de l'expiration de la contrainte par corps ou de la prescription accomplie et, en cas de condamnation à une peine privative de liberté, du jour de l'expiration de la peine subie ou de la prescription accomplie.

La remise totale ou partielle d'une peine par voie de grâce équivaut à son exécution totale ou partielle.

Art. 4.

En cas de contestation sur la réhabilitation de droit, ou sur les inscriptions au casier judiciaire, l'intéressé ou, s'il est interdit judiciaire ou aliéné interné, son représentant légal, présentera requête à la Chambre des mises en accusation.

Le président de la chambre des mises en accusation communiquera la requête au procureur général d'Etat. La chambre des mises en accusation statuera sur la demande, le procureur général d'Etat, la partie ou son conseil entendus, par un arrêt rendu en chambre du conseil. Cet arrêt est susceptible d'un recours en cassation.

Le greffier avisera le procureur général d'Etat, la partie et son conseil, huit jours à l'avance, par lettre recommandée, du jour, de l'heure et du lieu de la séance.

Chapitre III. - La réhabilitation judiciaire

Art. 5.

La réhabilitation judiciaire ne peut être demandée en justice que par le condamné lui-même.

S'il est interdit judiciaire ou aliéné interné la demande est introduite par son représentant légal.

La demande doit porter sur l'ensemble des condamnations prononcées qui n'ont été effacées ni par une réhabilitation antérieure, ni par l'amnistie.

Art. 6.

La demande en réhabilitation ne peut être formée qu'après un délai de cinq ans pour les condamnés à une peine criminelle et de trois ans pour les condamnés à une peine correctionnelle.

Ce délai court, pour les condamnés à une amende, du jour où la condamnation est devenue irrévocable; pour les condamnés à une peine privative de liberté avec sursis, du jour où la condamnation est devenue irrévocable, lorsque la mesure du sursis n'est pas devenue caduque pendant le délai d'épreuve; pour les condamnés à une peine privative de liberté, du jour de leur libération définitive ou du jour de leur libération conditionnelle, lorsque celle-ci n'a pas été suivie de révocation pendant le délai d'épreuve prévu à l'article 100 du code pénal; pour les condamnés dont la peine privative de liberté a été remise conditionnellement par voie de grâce, du jour de l'arrêté grand-ducal lorsque la mesure de grâce n'est pas devenue caduque pendant le délai d'épreuve.

Art. 7.

Les condamnés qui sont en état de récidive légale, ceux qui, après avoir obtenu la réhabilitation, ont encouru une nouvelle condamnation à une peine criminelle, ceux qui condamnés contradictoirement ou par contumace à une peine criminelle, ont prescrit contre l'exécution de la peine, ne sont admis à demander leur réhabilitation qu'après un délai de dix ans écoulés depuis leur libération ou depuis la prescription.

Néanmoins, les récidivistes qui n'ont subi aucune peine criminelle et les réhabilités qui n'ont encouru qu'une condamnation à une peine correctionnelle sont admis à demander la réhabilitation après un délai de six années écoulées depuis leur libération.

Sont également admis à demander la réhabilitation, après un délai de six années écoulées depuis la prescription, les condamnés contradictoirement ou par défaut à une peine correctionnelle qui ont prescrit contre l'exécution de la peine.

La réhabilitation sera refusée aux condamnés contradictoirement aux condamnés par contumace ou par défaut, s'ils ont encouru pendant les délais de la prescription une condamnation pour fait qualifié crime ou délit.

Art. 8.

Le condamné doit être libéré de l'amende.

Il doit également être libéré des restitutions, des dommages-intérêts et des frais auxquels il a été condamné et, s'il est banqueroutier frauduleux, il doit être libéré du passif de la faillite, en principal, intérêts et frais.

Toutefois, la Cour peut dispenser des conditions énoncées à l'alinéa 2 le condamné qui justifie s'être trouvé dans l'impossibilité de se libérer, soit en raison de son indigence, soit en raison de toute autre cause qui ne lui est pas imputable.

Elle peut aussi dans ces cas et sans préjudice des droits des créanciers fixer la partie des restitutions, des dommages-intérêts, des frais de justice et du passif dont le condamné doit être libéré avant qu'il puisse être admis à la réhabilitation.

En cas de condamnation solidaire, elle fixe la part des frais de justice, des dommages-intérêts et du passif qui doit être payée par le demandeur.

Art. 9.

Le condamné adresse la demande en réhabilitation au procureur d'Etat de l'arrondissement dans lequel il réside.

Lorsque le condamné réside à l'étranger, la demande est adressée au procureur d'Etat de l'arrondissement de Luxembourg.

La demande précise:

la date de la condamnation;
les lieux où le condamné a résidé depuis la condamnation.

Art. 10.

Le procureur d'Etat s'entoure de tous renseignements utiles aux différents lieux où le condamné à pu séjourner.

Il se fait délivrer

une expédition des jugements de condamnation;
un extrait du registre des punitions et récompenses des lieux de détention où la peine a été subie constatant quelle a été la conduite du condamné.
un relevé Intégral des condamnations inscrites au casier judiciaire.

Il transmet ces pièces avec son avis au procureur général d'Etat.

Art. 11.

Dans les deux mois de la réception de la demande le procureur général d'Etat soumet le dossier de la procédure avec ses conclusions à la chambre des mises en accusation qui procède et statue à huis clos.

Si le procureur général d'Etat estime que la comparution du requérant n'est pas indispensable et qu'il y a lieu de faire droit à la demande, la Cour peut accorder la réhabilitation sans autres formalités.

Dans les autres cas, le procureur général d'Etat, le requérant et, le cas échéant, son conseil sont entendus.

Le dossier est mis à la disposition du requérant et, le cas échéant, de son conseil pendant cinq jours au moins.

Le requérant comparaît sur citation donnée par le procureur général d'Etat huit jours francs avant la date fixée.

Si après la comparution, la Cour juge une enquête nécessaire, elle indique les faits sur lesquels celle-ci portera, désigne les témoins et fixe le jour pour l'audition de ceux-ci.

Immédiatement après l'audition des témoins, le procureur général d'Etat, le requérant et, le cas échéant, son conseil sont entendus à nouveau.

Les témoins sont appelés à la diligence du procureur général d'Etat. Leur comparution, leur audition et leurs indemnités seront réglées comme celles des témoins en matière correctionnelle.

La Cour statue dans les deux mois par un arrêt rendu en chambre du conseil. Cet arrêt est susceptible d'un pourvoi en cassation.

Le requérant doit comparaître en personne à chaque audience, sauf à celle où l'arrêt est prononcé.

Il peut toujours être assisté d'un conseil.

S'il fait défaut sans justifier d'une excuse légitime, la Cour rejette la demande.

S'il justifie de pareille excuse, la Cour statue, le cas échéant, après l'audition du conseil, ou remet la cause.

Art. 12.

En cas de rejet de la demande, une nouvelle demande ne peut être formée avant l'expiration d'un délai de deux années, à moins que le rejet de la première ait été motivé par l'insuffisance des délais d'épreuve. En ce cas, la demande peut être renouvelée dès l'expiration de ces délais.

Si la Cour prononce la réhabilitation, un extrait de l'arrêt est, à la diligence du procureur général d'Etat, transcrit en marge des arrêts ou jugements définitifs prononcés à charge du condamné.

Le réhabilité peut se faire délivrer sans frais une expédition de l'arrêt de réhabilitation.

Art. 13.

Les frais de la procédure en réhabilitation sont à charge de l'Etat. Ils sont réglés comme en matière correctionnelle.

Chapitre IV. - Les effets de la réhabilitation

Art. 14.

La réhabilitation fait cesser pour l'avenir, dans la personne du condamné, tous les effets de la condamnation, sans préjudice des droits acquis aux tiers, notamment: elle fait cesser, dans la personne du condamné, les incapacités qui résultaient de la condamnation; elle empêche que la condamnation serve de base à la récidive, fasse obstacle à la condamnation conditionnelle, ou soit mentionnée dans les extraits du casier judiciaire.

La réhabilitation ne restitue pas au condamné les titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont il a été destitué; elle ne relève pas le condamné de l'indignité successorale; elle n'empêche ni l'action en divorce ou en séparation de corps, ni l'action en dommages-intérêts fondées sur les faits ayant donné lieu à la condamnation.

Art. 15.

Les condamnations, visées dans l'article 1er de la présente loi, seront effacées des registres du casier judiciaire lorsque la réhabilitation légale ou judiciaire sera acquise au condamné.

Les condamnations, prononcées par les tribunaux étrangers, seront effacées des registres du casier judiciaire lorsque pendant le temps d'épreuve fixé par l'article 3 de la présente loi, le délinquant n'aura subi, dans le pays ou à l'étranger, aucune condamnation nouvelle à l'emprisonnement ou à une peine plus grave pour crime ou délit, pour des faits prévus par les lois pénales luxembourgeoises.

Art. 16.

La loi du 5 décembre 1911 portant réhabilitation de droit des condamnés à des peines correctionnelles ou à des peines de police, modifiée par la loi du 11 avril 1950, et l'alinéa 2 de l'article 5 de la loi du 5 juin 1973 sur la condamnation conditionnelle et le régime de la mise à l'épreuve, sont abrogés.

Mandons et ordonnons que la présente loi soit insérée au Mémorial pour être exécutée et observée par tous ceux que la chose concerne.

Le Ministre de la Justice,

Robert Krieps

Château de Berg, le 6 décembre 1976.

Jean

Doc. parl. N° 1718, sess. ord. 1972-1973, 1975-1976 et 1976-1977.