Arrêté grand-ducal du 25 mai 1944 modifiant les dispositions des articles 5 à 7 du Code d'Instruction criminelle dans le but d'assurer la juste répression de crimes et délits commis en dehors du territoire.

Nous CHARLOTTE, par la grâce de Dieu

Grand-Duchesse de Luxembourg, Duchesse de Nassau, etc., etc., etc.;

Vu les articles 5, 6 et 7 du Code d'Instruction Criminelle;

Vu les lois du 28 septembre 1938 et du 29 août 1939 portant extension du pouvoir exécutif;

Considérant que, par suite de la situation extraordinaire dans laquelle se trouve le Grand-Duché de Luxembourg depuis l'invasion allemande, les dispositions des articles 5, 6 et 7 du Code d'Instruction Criminelle ne sont pas suffisantes pour assurer une juste répression des crimes et délits commis hors du territoire national; qu'il échet de combler cette lacune en étendant en conséquence la compétence de nos tribunaux répressifs;

Considérant que, l'arrêté ayant pour but d'assurer plus efficacement la répression d'actes déjà punissables, il échet d'en étendre l'application également aux infractions commises avant son entrée en vigueur;

Considérant que l'occupation du territoire, perpétrée en violation du Droit des Gens et des Traités, rend impossible la procédure législative normale;

Considérant que cette situation, due au fait de l'agresseur, ne saurait ni enlever au Gouvernement le droit ni le dispenser du devoir de défendre l'existence de l'Etat et d'en assurer la continuité;

Sur le rapport et après délibération du Gouvernement en Conseil;

Avons arrêté et arrêtons:

ARTICLE PREMIER:

Jusqu'à disposition contraire, les articles 5, 6 et 7 du Code d'Instruction Criminelle sont modifiés resp. complétés de la façon suivante:
«     

Art. 5.

Tout Luxembourgeois qui, hors du territoire du Grand-Duché s'est rendu coupable d'un crime puni par la loi luxembourgeoise, peut être poursuivi et jugé dans le Grand-Duché.

Tout Luxembourgeois qui, hors du territoire du Grand-Duché s'est rendu coupable d'un fait qualifié délit par la loi luxembourgeoise, peut être poursuivi et jugé dans le Grand-Duché...

Toutefois, sauf en ce qui concerne les crimes et délits commis en temps de guerre, qu'il s'agisse d'un crime ou d'un délit, aucune poursuite n'aura lieu lorsque l'inculpé jugé en pays étranger du chef de la même infraction, aura été acquitté.

Il en sera de même lorsque, après y avoir été condamné, il aura subi ou prescrit sa peine, ou qu'il aura été gracié.

Toute détention subie à l'étranger par suite de l'infraction qui donne lieu à la condamnation dans le Grand-Duché, sera imputée sur la durée des peines emportant privation de la liberté.

En cas de délit commis contre un particulier luxembourgeois ou étranger, la poursuite ne peut être intentée qu'à la requête du Ministère public; elle doit être précédée d'une plainte soit de la partie offensée ou de sa famille, soit d'une dénonciation officielle à l'autorité luxembourgeoise par l'autorité du pays où le délit a été commis, soit, si l'infraction commise à l'étranger l'a été en temps de guerre contre un ressortissant d'un pays allié du Luxembourg, au sens de l'art. 117 al. 2 du Code pénal (arrêté grand-ducal du 14 juillet 1943), par l'autorité du pays dont l'étranger lésé est ou était ressortissant.

L'étranger coauteur ou complice d'un crime commis hors du territoire du Grand-Duché par un Luxembourgeois pourra être poursuivi au Grand-Duché, conjointement avec le Luxembourgeois inculpé ou après la condamnation de celui-ci.

Sauf dans les cas prévus à l'art. 7 ci-après et dans ceux d'un crime ou délit commis en temps de guerre, à l'étranger, par un Luxembourgeois contre un ressortissant luxembourgeois ou d'un pays allié, la poursuite des infractions prévues par le présent article n'aura lieu que si l'inculpé est trouvé, soit dans le Grand-Duché, soit en pays ennemi, ou si le Gouvernement obtient son extradition.

Art. 6.

L'inculpé sera poursuivi et jugé d'après les dispositions des lois luxembourgeoises.

Art. 7.

Tout étranger qui hors du territoire du Grand-Duché, se sera rendu coupable, soit comme auteur, soit comme complice:

(1)d'un crime contre la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique; de contrefaçon du sceau de l'Etat, de monnaies nationales ayant cours, de papiers nationaux, de billets de banque autorisés par la loi;
(2)En temps de guerre, d'une infraction d'enlèvement de mineurs; d'attentat à la pudeur et de viol; de prostitution ou de corruption de la jeunesse; d'homicide ou de lésions corporelles volontaires; d'attentat à la liberté individuelle commis envers un Luxembourgeois ou un ressortissant d'un pays allié, pourra être poursuivi et jugé d'après les dispositions des lois luxembourgeoises, s'il est trouvé soit dans le Grand-Duché, soit en pays ennemi, ou si le Gouvernement obtient son extradition.
     »

ARTICLE DEUX. Mesure transitoire.

Les dispositions qui précèdent sont applicables alors même que l'infraction aurait été commise avant l'entrée en vigueur du présent arrêté.

ARTICLE TROIS.

Notre Ministre de la Justice est chargé de l'exécution du présent arrêté qui entre en vigueur le jour de sa publication au Mémorial.

Le Ministre d'Etat,

Président du Gouvernement,

P. Dupong.

Le Ministre des Affaires Etrangères,

Jos. Bech.

Le Ministre du Travail,

P. Krier.

Le Ministre de la Justice,

V. Bodson.

Londres, le vingt-cinq mai 1944.

Charlotte.