Institut Luxembourgeois de Régulation. Règlement 08/133/ILR du 18 juillet 2008 portant sur la définition des marchés pertinents de la fourniture en gros d'accès à large bande (marché 12), l'identification des opérateurs puissants sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre.


Section Ier. – Définition du marché pertinent et identification des opérateurs puissants
Section II. – Détermination des obligations de gros appropriées
Section III. – Disposition finale

L'Institut Luxembourgeois de Régulation,

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre»);

Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive «accès»);

Vu les lignes directrices 2002/C 165/03 de la Commission des Communautés européennes du 11 juillet 2002 sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques;

Vu la recommandation C(2003)497 de la Commission des Communautés européennes du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive «cadre» (recommandation «marchés pertinents»);

Vu la recommandation C(2003)2647 de la Commission des Communautés européennes du 23 juillet 2003 concernant les notifications, délais et consultations prévus à l'article 7 de la directive «cadre» (recommandation «notification»);

Vu la loi du 30 mai 2005 sur les réseaux et les services de communications électroniques (ci-après: la loi de 2005),

Vu la consultation publique de l'Institut Luxembourgeois de Régulation relative à l'analyse du marché pertinent de la fourniture en gros d'accès à la large bande lancée le 23 mai 2006 et clôturée le 14 juillet 2006;

Vu les réponses à la consultation publique susvisée;

Vu la demande d'avis au Conseil de la Concurrence du 22 mai 2006;

Vu l'avis du Conseil de la Concurrence du 27 juin 2006;

Les commentaires des autorités réglementaires nationales de l'Union européenne ayant été demandés;

Vu les commentaires de la Commission européenne en date du 30 octobre 2006;

Considérant:

que les articles 17 à 22 du Titre III de la loi du 30 mai 2005 sur les réseaux et les services de communications électroniques désignent l'Institut Luxembourgeois de Régulation pour analyser les marchés énumérés par la Commission européenne comme marchés pertinents pour une régulation ex ante, pour déterminer les entreprises disposant éventuellement d'une puissance sur ces marchés et pour définir les obligations ex ante susceptibles de remédier aux problèmes concurrentiels envisagés;
que les articles 30 à 35 de la loi du 30 mai 2005 sur les réseaux et les services de communications électroniques déterminent les obligations que l'Institut peut imposer aux opérateurs identifiés comme puissants;
que la motivation retenue dans le document de la consultation publique de l'Institut Luxembourgeois de Régulation relative à l'analyse des marchés de la fourniture en gros d'accès à large bande lancée le 23 mai 2006 et clôturée le 14 juillet 2006 sert, notamment, de justification du présent règlement;
qu'une orientation vers les coûts, telle que suggérée par la Commission européenne a comme principal objectif d'éviter des tarifs de gros excessivement élevés mais qu'en l'absence d'un modèle de coûts approprié pour la détermination des tarifs orientés sur les coûts pour services émergents, le risque d'un effet de ciseaux ne peut être exclu et que partant une approche de «retail minus» semble dans un premier temps mieux adaptée;
que l'obligation d'une offre de gros «naked DSL», telle que suggérée par la Commission européenne peut s'avérer appropriée dans la mesure où des offres de voix sur Internet ou de voix sur large bande se développent, ce qui est à confirmer dans une prochaine analyse du marché;
que les services IPTV ne font pas partie du périmètre de ce marché, mais sont, le cas échéant, traités dans le marché des Services de radiodiffusion, destinés à livrer un contenu radiodiffusé aux utilisateurs finaux (marché 18);

Dans sa réunion du 18 juillet 2008, la direction de l'Institut a arrêté le règlement suivant relatif au marché de la fourniture en gros d'accès à large bande:

Section Ier. – Définition du marché pertinent et identification des opérateurs puissants

Art. 1er.

La dimension géographique du marché de la fourniture en gros d'accès à large bande est nationale.

Art. 2.

Le marché pertinent est le marché national de la fourniture en gros d'accès à large bande. Les services destinés à livrer un contenu diffusé aux utilisateurs finaux ne font pas partie de ce marché.

Art. 3.

L'Entreprise des Postes et Télécommunications a une position dominante individuelle sur le marché de la fourniture en gros d'accès à large bande et est identifiée comme puissante sur le marché.

Section II. – Détermination des obligations de gros appropriées

Art. 4.

(1)

L'opérateur identifié comme puissant sur le marché est soumis à l'obligation concernant l'accès et l'interconnexion qui découle de l'article 34 de la loi de 2005 qui consiste en l'obligation d'accorder aux entreprises notifiées (ci-après: les bénéficiaires) l'accès à un débit binaire dans des conditions satisfaisantes.

(2)

En vertu de cette obligation, l'opérateur identifié comme puissant sur le marché devra notamment:

a)

négocier de bonne foi avec les bénéficiaires qui demandent un accès;

Pendant les négociations d'accès les parties devront avoir un comportement juste et raisonnable. Seules des contraintes techniques dûment justifiées ou la nécessité de garantir l'intégrité du réseau peuvent motiver un refus de l'opérateur identifié comme puissant sur le marché d'accorder un accès à un débit binaire.

L'obligation de négociation de bonne foi vaut également pour des demandes éventuelles de la part des bénéficiaires d'adaptations de l'offre de gros de l'opérateur identifié comme puissant sur le marché.

b)

ne pas retirer l'accès aux ressources lorsqu'il a déjà été accordé;

L'opérateur identifié comme puissant sur le marché ne peut retirer l'accès qu'en cas de violation manifeste des obligations du demandeur d'accès (i.e. inexécution du contrat et/ou défaut de paiement) et ce après consultation préalable de l'Institut.

c)

accorder un accès ouvert aux interfaces techniques appropriées;

L'opérateur identifié comme puissant sur le marché doit assurer l'accès ouvert aux interfaces techniques, aux protocoles ou autres technologies essentielles pour l'interopérabilité des services en respectant un principe de neutralité technologique et de non-discrimination.

d)

fournir une possibilité de colocalisation ou d'autres formes de partage des ressources;

Il s'agit de permettre aux bénéficiaires d'installer leurs propres équipements dans les locaux de l'opérateur identifié comme puissant sur le marché pour avoir un raccordement physique au réseau de celui-ci.

e)

fournir l'accès à des systèmes d'assistance opérationnelle;

L'opérateur identifié comme puissant sur le marché doit fournir l'accès à des systèmes d'assistance opérationnelle ou à des systèmes logiciels similaires nécessaires pour garantir l'existence d'une concurrence loyale dans la fourniture des services.

L'offre d'accès de l'opérateur identifié comme puissant à un débit binaire devra prendre en considération les évolutions techniques, y compris l'augmentation du débit nécessaire pour le transport des flux à très haut débit. L'évolution de ces offres devra ainsi permettre aux opérateurs alternatifs de proposer des offres de détail équivalentes à celles de l'opérateur puissant sur le marché. En vertu du présent règlement, l'opérateur identifié comme puissant n'est pas obligé d'offrir l'accès à son propre service de transport de signaux en mode multicast (broadcast).

Art. 5.

(1)

L'opérateur identifié comme puissant sur le marché est soumis à l'obligation de non-discrimination qui découle de l'article 32 de la loi de 2005 qui consiste en l'obligation d'appliquer des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres entreprises fournissant des services équivalents.

(2)

En vertu de cette obligation, l'opérateur identifié comme puissant sur le marché est notamment obligé:

a) de fournir ses services de manière non discriminatoire;
b) de fournir à tous les bénéficiaires une qualité de service équivalente à celle dont il bénéficie lui-même pour offrir ses propres services;
c) d'appliquer des prix de gros pour la fourniture des services identiques aux prix pratiqués pour ses transferts internes ou offerts à ses filiales ou partenaires;
d) Par ailleurs, toutes les nouvelles offres de détail d'accès haut débit de l'opérateur identifié comme puissant sur le marché (ADSL2, ADSL2+, etc.) doivent donner lieu à la commercialisation d'offres de gros à un débit binaire correspondant, de manière à ce que ces offres permettent la réplication des offres de détail de l'opérateur identifié comme puissant sur le marché au même moment par ses concurrents.

Art. 6.

(1)

L'opérateur identifié comme puissant sur le marché est soumis à l'obligation de transparence qui découle de l'article 31 de la loi de 2005 qui consiste en l'obligation de communication/publication de toutes les informations contractuelles liées à la fourniture des services d'accès au réseau.

(2)

En vertu de cette obligation, l'opérateur identifié comme puissant sur le marché est notamment obligé:

a)

de publier une offre de référence contenant des conditions contractuelles minimales, ainsi que les prestations techniques et tarifaires. Cette offre doit être suffisamment précise pour que le bénéficiaire n'ait pas à payer pour des éléments ou des ressources de réseau qui ne sont pas nécessaires pour la fourniture de ses services.

Une première offre de référence doit être publiée et soumise à l'Institut endéans les 60 jours de la publication du présent règlement.

Cette offre ainsi que ses modifications subséquentes sont soumises à l’approbation préalable de l’Institut qui prendra sa décision après une consultation publique. L’offre peut énumérer les points qui peuvent faire l’objet d’une adaptation (p.ex. augmentation de la bande passante sans augmentation du prix) sans pour autant faire l’objet d’une modification au sens de la présente.

L’offre doit contenir un contrat standard à l’intention du bénéficiaire.

Par ailleurs, l’Institut recevra la communication des contrats ou modifications de contrats signés en externe et avec des filiales et/ou succursales sous 10 jours.

Les conditions qui doivent être incluses dans l’offre de référence sont, en particulier:

l’accès aux réseaux et aux services à haut débit;
les délais et les procédures de raccordement (livraison, réparation en cas de panne, etc.);
la fourniture des installations et des équipements (interfaces, etc.);
les conditions de souscription (informations préalables, etc.);
les responsabilités de l’entreprise;
l’engagement sur les niveaux de service (service level agreement);
l’indicateur de qualité du service.
b) de communiquer toute modification de ses prix et services à l’Institut et aux opérateurs alternatifs 30 jours avant la disponibilité opérationnelle et commerciale.

Art. 7.

(1)

L’opérateur identifié comme puissant sur le marché est soumis à l’obligation de séparation comptable découlant de l’article 33 de la loi de 2005 qui consiste en l’obligation d’organiser une comptabilité séparée de telle manière que les résultats d’exploitation relatifs au service d’accès dégroupé apparaissent séparément de ceux relatifs à l’exploitation des services d’interconnexion et des autres activités.

(2)

L’Institut spécifiera le format et les méthodologies comptables à utiliser dans une décision séparée.

(3)

En attendant la publication de cette décision séparée, la décision 02/50/ILR du 6 mai 2002 sur les principes directeurs de séparation comptable reste d’application.

Art. 8.

(1)

L’opérateur identifié comme puissant sur le marché est soumis aux obligations de contrôle des prix et aux obligations relatives au système de comptabilisation des coûts découlant de l’article 35 de la loi de 2005.

(2)

Les prix de gros sont déterminés par l’opérateur identifié comme puissant sur le marché sur base d’un modèle «retail minus» qui permettra de s’assurer qu’il ne pratique pas des tarifs d’éviction, ni d’effets de ciseaux tarifaires entre les marchés de gros et les marchés de détail. Le «minus» à appliquer doit comprendre tous les éléments de coûts évitables. La détermination du «minus» doit être économiquement démontrée par l’opérateur identifié comme puissant sur le marché, auquel incombe la fourniture de la preuve.

(3)

Lorsqu’il est constaté que les prix établis en vertu du paragraphe (2) ne sont pas conformes aux exigences fixées à l’article 35(1) de la loi de 2005, l’Institut peut prendre en compte les prix en vigueur sur les marchés concurrentiels comparables tout en tenant compte de la situation du marché national.

Section III. – Disposition finale

Art. 9.

Le présent règlement avec son annexe sera publié au Mémorial.