Règlement grand-ducal du 24 novembre 2000 concernant l'utilisation de fertilisants azotés dans l'agriculture.

Nous Henri, Grand-Duc de Luxembourg, Duc de Nassau;

Vu la loi modifiée du 29 juillet 1993 concernant à la protection et la gestion de l'eau;

Vu la directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles;

Vu l'avis de la Chambre d'Agriculture;

Vu l'article 2 (1) de la loi du 12 juillet 1996 portant réforme du Conseil d'Etat et considérant qu'il y a urgence;

Sur le rapport de Notre Ministre de l'Environnement, de Notre Ministre de l'Agriculture, de la Viticulture et du Développement Rural, de Notre Ministre de l'Intérieur et de Notre Ministre de la Justice et après délibération du Gouvernement en Conseil;

Arrêtons:

Art. 1er.

-OBJET

Le présent règlement vise à

- réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles;
- prévenir toute nouvelle pollution de ce type.

Art. 2.

-DEFINITIONS

Au sens du présent règlement, on entend par:

a) «fertilisants azotés»: les fertilisants organiques et les fertilisants minéraux azotés;
b) «fertilisants organiques»: toute substance organique, contenant un ou des composés azotés épandue sur les sols afin d'améliorer la croissance de la végétation, notamment les effluents d'élevage – y compris les jus d'ensilage – les résidus des élevages piscicoles, les boues d'épuration et le compost;
c) «fertilisants minéraux azotés»: toute substance minérale, contenant un ou des composés azotés qui est fabriquée selon un processus industriel, et qui est épandue sur les sols afin d'améliorer la croissance de la végétation;
d) «composés azotés»: toute substance contenant de l'azote, à l'exception d'azote moléculaire gazeux;
e) «effluents d'élevage»: les déjections animales sous forme de fumier, de lisier et de purin, même s'ils ont subi une transformation;
f)

«boues d'épuration»: le mélange de résidus organiques et d'une proportion variable d'eau provenant des stations d'épuration, utilisés comme fertilisant organique.

Sont visées les boues d'épuration liquides ainsi que les boues d'épuration déshydratées c.-à-d. les boues qui présentent une teneur en matière sèche supérieure à 25 %.

g) «compost»: le produit organique stable et riche en composés humiques, issu de la fermentation lente d'un mélange de résidus organiques;
h) «épandage»: l'apport au sol de matières par projection à la surface du sol, injection, enfouissement ou brassage avec les couches superficielles du sol;
i) «fumier»: le mélange de litières et de déjections animales, ayant un rapport existant entre les quantités de carbone (C) et d'azote (N) supérieure à 10;
j) «lisier»: le mélange de matières fécales, d'urine et d'eau ainsi que la biomasse d'origine agricole ou non agricole, ayant subi une transformation dans une station de biogaz;
k) «purin»: les déjections sous forme d'urine y compris les eaux de suintement des dépôts de fumier et les jus d'ensilage;
l)

«jachère»: les terrains agricoles qui ne sont pas mis en culture, à des fins alimentaires et industrielles pendant au moins une période de végétation entière;

«jachère spontanée»: jachère à couverture végétale spontanée;

«jachère verte»: jachère à couvert végétal ensemencé par l'agriculteur;

«jachère noire»: jachère sans couvert végétal;

«jachère pluriannuelle»: jachère qui s'étend sur plusieurs années consécutives;

m) «sols couverts»: prairies, pâturages, cultures arables d'hiver, cultures dérobées et jachères vertes; au sens du présent règlement, la notion de sol couvert se rapporte également à la période de 5 jours précédant le semis.

Art. 3.

-ANNEXES

Font partie intégrante du présent règlement les annexes suivantes:

– Annexe I:

Quantités maximales de fumure azotée en application de l'article 6A

– Annexe II:

Quantités maximales de fumure azotée en application de l'article 6B.

Art. 4.

-COMPETENCES

Aux fins d'application du présent règlement, sont compétentes, conformément à leurs attributions légales respectives et sans préjudice de l'article 7,

- L'Administration des Services Techniques de l'Agriculture pour la mise en oeuvre des dispositions des articles 5 et 9:
- l'Administration de l'Environnement pour la mise en oeuvre des dispositions des articles 6 et 8.

Le contrôle de l'exécution des dispositions précitées est assuré par les fonctionnaires désignés à cet effet par la loi modifiée du 29 juillet 1993 concernant la protection et la gestion de l'eau.

Art. 5.

-GUIDE DES BONNES PRATIQUES AGRICOLES

En vue d'atteindre les objectifs visés par le présent règlement, les ministres ayant dans leurs attributions l'agriculture et l'environnement établissent ou font établir un guide des bonnes pratiques agricoles.

Ce guide sera mis à la disposition de tous les exploitants agricoles.

Le guide comprend:

- le code de bonnes pratiques agricoles dont question à la directive 91/676/CEE;
- le programme d'action dont question à la directive 91/676/CEE;
- des recommandations et informations sur la mise en oeuvre pratique des dispositions du présent règlement.

Art. 6.

-INTERDICTIONS ET RESTRICTIONS

A.

Interdictions et restrictions applicables sur l'ensemble du territoire

1) Il est interdit de pratiquer l'épandage de fertilisants azotés
sur des jachères noires;
sur des jachères pluriannuelles;
sur des jachères spontanées;
sur les sols gelés en profondeur qui sont susceptibles d'engendrer des écoulements superficiels en dehors de la zone d'épandage avant le dégel;
sur les sols détrempés, inondés ou enneigés notamment lorsque leur capacité d'absorption est dépassée;
à une distance de moins de 50 mètres des puits, captages et réservoirs d'eau potable pour les fertilisants organiques et de moins de 10 mètres des puits et captages d'eau potable pour les fertilisants minéraux azotés;
à une distance de moins de 10 mètres des cours d'eau et des plans d'eau pour les fertilisants organiques. Pour les fertilisants minéraux azotés, l'épandage doit se faire de façon à ce que l'épandage soit dirigé en sens opposé de la rive du cours d'eau. Tout rejet de fertilisants azotés dans le cours d'eau est interdit.
2) Il est interdit de pratiquer l'épandage de lisier, de purin et de boues d'épuration liquides pendant la période du 15 octobre au 1er mars sur les sols non couverts;
3) Il est interdit de pratiquer l'épandage de lisier, de purin et de boues d'épuration liquides pendant la période du 15 octobre au 15 février sur les sols couverts autres que les prairies et pâturages. Les prairies et pâturages ayant reçu un épandage de fertilisants organiques pendant la période du 15 octobre au 15 février ne peuvent être labourées avant le 15 février de l'année en cours.
4) La quantité totale de lisier, de purin et de boues d'épuration liquides épandue pendant la période du 1er septembre au 1er mars ne doit pas représenter plus de 80 kg d'azote par hectare.
5) L'épandage de lisier, de purin et de boues d'épuration liquides sur des sols en pente doit être réalisé de telle sorte qu'il n'y ait pas de ruissellement en dehors du champ d'épandage, en tenant compte notamment
de la nature et du travail du sol;
du sens d'implantation de la couverture végétale;
des conditions climatiques correspondant aux périodes d'épandage possibles;
de la nature des fertilisants.

Sur des terrains à pente moyenne supérieure à 8 % et non couverts de végétation, l'épandage de lisier, de purin et de boues d'épuration liquides est interdit sauf s'il est suivi d'une incorporation dans les meilleurs délais et au plus tard 48 heures après son application.

6) Les épandages de fertilisants azotés ne sont permis que pour couvrir les besoins physiologiques des végétaux en veillant à limiter les pertes d'éléments nutritifs et en tenant compte des disponibilités d'azote présentes dans le sol.

La quantité de fertilisants organiques épandus par an et par hectare ne doit pas représenter plus de 170 kg d'azote, sauf pour les cultures protéagineuses et les cultures pures de légumineuses pour lesquelles la limite est de 85 kg d'azote.

La quantité de fertilisants minéraux azotés épandus par an et par hectare ne doit pas dépasser les quantités de fumure azotée maximales telles que définies au tableau reproduit en annexe I, en fonction de la nature et du rendement des cultures et en tenant compte des spécificités locales et des conditions agroclimatiques de l'année.

En cas de combinaison de fertilisants organiques et minéraux, la fumure azotée minérale maximale doit être réduite en fonction de la quantité de fertilisants organiques épandues en tenant compte de la nature du fertilisant organique, du mode d'épandage, du type de culture et de la période d'épandage tels que décrits dans le guide des bonnes pratiques agricoles.

Si l'exploitant agricole n'a pas à sa disposition suffisamment de terrains où l'épandage de fertilisants organiques est permis, il devra s'assurer la disponibilité de champs appartenant à d'autres exploitants à condition que ces champs se prêtent à l'épandage.

B.

Interdictions et restrictions spéciales applicables dans les zones de protection des eaux destinées à l'alimentation humaine.

1) Dans les zones de protection immédiate, l'épandage de fertilisants azotés est interdit.
2) Dans les zones de protection rapprochée et éloignée, il est interdit de pratiquer l'épandage
de fumier, de compost et de boues d'épuration déshydratées pendant la période du 1er août au 1er février. Sur les sols couverts, cette interdiction s'applique du 1er octobre au 1er février.
de tout autre fertilisant organique pendant la période du 1er août au 1er mars. Sur les sols couverts, à l'exception des cultures de blé d'hiver, de triticale d'hiver et de seigle d'hiver, cette interdiction s'applique du 1er octobre au 1er mars.
3) Il est interdit de pratiquer l'épandage de fertilisants organiques lors du changement d'affectation de pâturages et de prairies permanentes ou temporaires ou lors de retournement de cultures pures de légumineuses.
4) La quantité totale de lisier, de purin de boues d'épuration liquides épandue pendant la période du 1er août au 1er octobre ne doit pas représenter plus de 80 kg d'azote par hectare.
5) Les sols couverts ayant reçu un épandage de fertilisants organiques pendant la période du 1er août au 1er octobre ne peuvent être labourés avant le 1er décembre de l'année en cours.
6) La quantité de fertilisants organiques épandus par an et par hectare ne doit pas représenter plus de 130 kg d'azote, sauf pour les cultures protéagineuses et les cultures pures de légumineuses pour lesquelles l'épandage de fertilisants organiques est interdit.

La quantité de fertilisants minéraux azotés épandus par an et par hectare ne doit pas dépasser les quantités de fumure azotée maximales telles que définies au tableau reproduit en annexe II, en fonction de la nature et du rendement des cultures et en tenant compte des spécificités locales et des conditions agroclimatiques de l'année.

En cas de combinaison de fertilisants organiques et minéraux, la fumure azotée minérale maximale doit être réduite en fonction de la quantité de fertilisants organiques épandues en tenant compte de la nature du fertilisant organique, du mode d'épandage, du type de culture et de la période d'épandage tels que décrits dans le guide des bonnes pratiques agricoles.

Art. 7.

-DÉROGATIONS

1)

En cas de situation climatique exceptionnelle, les ministres ayant dans leurs attributions l'agriculture et l'environnement peuvent déroger aux périodes d'interdiction d'épandage dont question à l'article 6 et prescrire les conditions d'épandage appropriées.

2)

En cas d'événements extraordinaires affectant une exploitation agricole, les ministres ayant dans leurs attributions l'agriculture et l'environnement ou leurs délégués peuvent sur demande spéciale de l'exploitant agricole concerné, déroger aux périodes d'interdiction d'épandage visées à l'article 6 et prescrire les conditions et modalités suivants lesquelles l'épandage pourra avoir lieu.

Art. 8.

-STOCKAGE

Les exploitants agricoles doivent disposer pour eux-mêmes ou s'assurer la disponibilité d'équipements appropriés servant au stockage et à l'épandage des effluents d'élevage.

Les équipements nouveaux ou à moderniser doivent garantir le stockage de lisier et de purin pour une période minimale de 6 mois consécutifs.

Art. 9.

-PLANS D'ÉPANDAGE

Les exploitants agricoles qui envisagent d'utiliser, dans des quantités supérieures à 500 kg d'azote par an, des fertilisants organiques non produits sur leurs propres exploitations sont tenus d'établir ou de faire établir un plan d'épandage des composés azotés utilisés annuellement sur leurs exploitations.

Le projet de plan d'épandage est soumis à l'approbation préalable de l'administration des Services Techniques de l'Agriculture.

Art. 10.

-SANCTIONS PÉNALES

Sous réserve d'autres dispositions plus sévères, les infractions aux dispositions des articles 6, 7, 8 et 9 du présent règlement sont punies des peines prévues par la loi modifiée du 29 juillet 1993 concernant la protection et la gestion de l'eau.

Art. 11.

-ABROGATION

Le règlement grand-ducal du 20 septembre 1994

- concernant l'utilisation de fertilisants organiques dans l'agriculture
- modifiant le règlement grand-ducal modifié du 14 avril 1990 relatif aux boues d'épuration est abrogé, à l'exception de l'article 10..

Art. 12.

-EXÉCUTION

Notre ministre de l'Environnement, Notre ministre de l'Agriculture, de la Viticulture et du Développement Rural, Notre ministre de l'Intérieur et Notre ministre de la Justice sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent règlement qui sera publié au Mémorial.

Le ministre de l'Environnement,

Charles Goerens

Le ministre de l'Agriculture,

de la Viticulture

et du Développement Rural,

Fernand Boden

Le ministre de l’Intérieur,

Michel Wolter

Le ministre de la Justice,

Luc Frieden

Palais de Luxembourg, le 24 novembre 2000.

Henri