Loi du 8 mai 2009 sur l'assistance, la protection et la sécurité des victimes de la traite des êtres humains et modifiant le Nouveau Code de procédure civile.

Nous Henri, Grand-Duc de Luxembourg, Duc de Nassau,

Notre Conseil d'Etat entendu;

De l'assentiment de la Chambre des Députés;

Vu la décision de la Chambre des Députés du 24 mars 2009 et celle du Conseil d'Etat du 31 mars 2009 portant qu'il n'y a pas lieu à second vote;

Avons ordonné et ordonnons:

Art. 1er. Définitions

Aux fins de la présente loi, on entend par

«traite des êtres humains»: tout fait incriminé par les articles 382-1 et 382-2 du Code pénal;

«victime»: toute personne physique qui peut être considérée sur base d'indices comme une victime présumée de la traite des êtres humains;

«services d'assistance aux victimes de la traite des êtres humains», ci-après dénommés «services d'assistance»: tout organisme de droit public ou privé dont l'objet consiste à assister, guider et conseiller des personnes victimes de la traite des êtres humains, notamment, en recherchant activement leur contact.

Art. 2. Mesures d'assistance et de protection des victimes

(1)En vue de leur rétablissement physique, psychologique et social, les victimes se voient accorder:

a)un hébergement, une assistance sociale et socio-éducative, une assistance matérielle et financière, une assistance médicale, psychologique ou thérapeutique, selon leurs besoins;
b)une assistance linguistique, le cas échéant;
c)une assistance judiciaire conformément aux conditions de la législation afférente.

(2)L'assistance financière peut être accordée pour des motifs réels et sérieux tenant au rétablissement physique, psychologique ou social de la victime.

(3)La victime citoyenne de l'Union européenne ou assimilée, bénéficiaire d'une assistance financière, est censée remplir la condition visée à l'article 6 (1) point 2 de la loi sur la libre circulation des personnes et l'immigration.

(4)Un règlement grand-ducal précise les conditions et détermine les modalités d'application des paragraphes (1) point a) et (2) ci-dessus.

Art. 3. Tutelle des victimes mineures non accompagnées

Au cas où une victime mineure en provenance d'un autre Etat membre de l'Union européenne, d'un Etat assimilé ou d'un pays tiers n'est pas accompagnée et prise en charge par un majeur responsable d'elle selon la loi qui soit en mesure de veiller à sa sécurité et à sa protection, elle est représentée par un tuteur aussi longtemps que cette situation perdure ou jusqu'à ce qu'elle soit prise en charge par une autorité de son pays d'origine chargée d'agir dans son intérêt supérieur.

Art. 4. Exercice d'une activité salariée par certaines victimes et accès à la formation

La victime citoyenne de l'Union européenne soumise au régime prévu à l'article 6, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, peut exercer une activité salariée, conformément aux conditions fixées à l'article 42, paragraphe (1), points 3 et 4 de la loi précitée.

Art. 5. Conditions d'exercice des activités et prestations des services d'assistance

Les services d'assistance doivent posséder un agrément en application de la loi du 8 septembre 1998 réglant les relations entre l'Etat et les organismes oeuvrant dans les domaines social, familial et thérapeutique (ASFT). Outre les conditions prévues à l'article 2 de la loi précitée, les services d'assistance doivent garantir que leurs activités s'effectuent en collaboration avec la Police, les instances judiciaires et autres instances étatiques compétentes, compte tenu de la spécificité des rôles qui leur sont respectivement dévolus, ainsi que dans le respect de la volonté et de la dignité de la personne protégée.

Toute personne qui, à un titre quelconque, participe aux activités d'un service d'assistance, obtient ou reçoit communication de données personnelles, est tenue au secret professionnel aux conditions et sous les peines de l'article 458 du Code pénal.

Art. 6. Avertissement d'un service d'assistance et informations données par la Police

Lorsque la Police dispose d'indices qu'une personne est victime, elle en prévient dans les meilleurs délais un service d'assistance et met celui-ci en mesure de prendre contact avec elle dans le plus court délai. Sans préjudice des informations visées à l'article 92 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, la Police informe la victime sur les différentes possibilités de se constituer partie civile et sur le déroulement de la procédure pénale.

Art. 7. Missions du service d'assistance

Lors de son premier contact avec la victime, le service d'assistance l'informe sur ses droits, sur les procédures judiciaires et administratives, et sur les prestations mises à sa disposition. Le service d'assistance l'accompagne dans ses démarches en vue de son rétablissement physique, psychologique et social dans le respect de sa volonté.

Art. 8. Collaboration entre services de police et services d'assistance

La Police et les services d'assistance collaborent afin d'assurer une protection effective et appropriée des victimes contre des représailles ou intimidations possibles, notamment durant le délai de réflexion, au cours des enquêtes, des poursuites et des procédures judiciaires à l'encontre des auteurs. A cet effet, ils échangent, le cas échéant, dans la mesure nécessaire, les informations qu'ils détiennent qui permettent d'évaluer la situation de danger dans laquelle se trouve la victime.

Art. 9. Formation

Le personnel de la Police spécialisé dans la prévention ou la lutte contre la traite, le personnel des services de l'immigration et des services d'assistance sont tenus de suivre des cours de formation dispensés à leur attention et axés sur l'identification des victimes, les droits de la personne humaine et la protection des victimes contre les trafiquants.

Art. 10. Comité de suivi de la lutte contre la traite des êtres humains

Il est créé un comité de suivi de la lutte contre la traite des êtres humains, chargé de la mise en place du suivi et de la coordination des activités de prévention et de l'évaluation du phénomène de la traite.

Le comité centralise et analyse les données statistiques qui lui sont transmises, surveille et évalue la mise en œuvre de la législation pertinente en matière de traite.

Le comité soumet au Gouvernement toutes les propositions qu'il juge utiles.

Le comité est composé de représentants des instances publiques compétentes pour la mise en œuvre de la présente loi ainsi que de représentants des services d'assistance et des associations agréées.

Un règlement grand-ducal précise sa composition et détermine son organisation, son fonctionnement ainsi que l'indemnité à allouer aux membres de la commission.

Art. 11. Statistiques

La Police, le ministère public, les juridictions répressives, les services d'assistance et les associations agréées en vertu de l'article 1er de la loi sur l'assistance, la protection et la sécurité des victimes de la traite des êtres humains, ainsi que les instances étatiques impliquées dans la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains établissent chaque année des statistiques ventilées par sexe, âge, Etat de provenance, mécanisme de traite et d'exploitation utilisé concernant les cas de traite des êtres humains. Les statistiques visées comprennent, notamment, le nombre de plaintes, de poursuites, de condamnations, de mesures de protection des victimes et de mesures d'assistance aux victimes. Les données statistiques sont continuées au comité de suivi de la lutte contre la traite des êtres humains, créé en application de l'article 10.

Art. 12. Disposition modificative

Dans le nouveau Code de procédure civile, deuxième partie, livre Ier, à la suite du titre VII bis est inséré un titre VII ter, intitulé «De l'intervention de justice dans certains cas de violence», libellé comme suit:
«     
Titre VII ter.- De l'intervention de justice dans certains cas de violence

Art. 1017.13

Lorsqu'une personne tente d'intimider une victime de la traite des êtres humains, un témoin, un collaborateur d'un service d'assistance ou d'une association visée à l'article 1er de la loi sur l'assistance, la protection et la sécurité des victimes de la traite des êtres humains, un membre de la famille ou une connaissance des personnes désignées ci-avant ou lorsqu'elle se prépare à commettre un acte de représailles contre l'une de ces personnes, le président du tribunal d'arrondissement prononce à son encontre, à la requête de la personne concernée, l'une ou plusieurs des interdictions et injonction suivantes:

l'interdiction de se rendre en certains lieux;
l'interdiction de prendre contact, de quelque façon que ce soit, avec la personne à protéger;
l'interdiction de détenir ou de porter une arme et l'injonction de remettre contre récépissé les armes éventuelles auprès d'un service de police désigné.

Art. 1017.14

La demande est formée au greffe par requête faite par l'intéressé ou par son mandataire. Sont applicables les dispositions de l'article 1017-2 alinéas 2 à 4 et des articles 1017-3 à 1017-6.

Les parties peuvent se faire assister ou représenter par un collaborateur d'un service d'assistance aux victimes de la traite des êtres humains ou par un collaborateur d'une association agréée en vertu de l'article 1er de la loi sur l'assistance, la protection et la sécurité des victimes de la traite des êtres humains, qui, s'il n'est avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial.

     »

Art. 13. Intitulé

La référence à la présente loi peut se faire sous une forme abrégée en recourant à l'intitulé suivant: «Loi du 8 mai 2009 sur l'assistance, la protection et la sécurité des victimes de la traite des êtres humains».

Mandons et ordonnons que la présente loi soit insérée au Mémorial pour être exécutée et observée par tous ceux que la chose concerne.

La Ministre de l'Egalité des chances,

Marie-Josée Jacobs

Palais de Luxembourg, le 8 mai 2009.

Henri

Doc. parl. 5874; sess. ord. 2007-2008 et 2008-2009