Loi du 25 juillet 2002 concernant l’incapacité de travail et la réinsertion professionnelle.



Nous Henri, Grand-Duc de Luxembourg, Duc de Nassau;

Notre Conseil d’Etat entendu;

De l’assentiment de la Chambre des Députés;

Vu la décision de la Chambre des Députés du 10 juillet 2002 et celle du Conseil d’Etat du 19 juillet 2002 portant qu’il n’y a pas lieu à second vote;

Avons ordonné et ordonnons :

Chapitre 1.

-Le reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail

Art. 1er.

Le travailleur salarié, affilié au titre de l’article 171, alinéa 1, sous 1), 5), 8), 11) et 12) du Code des assurances sociales et remplissant les conditions de stage prévues à l’article 186 du même code, qui n’a pas été reconnu invalide au sens de l’article 187 du Code des assurances sociales mais qui, par suite de maladie prolongée, d’infirmité ou d’usure présente une incapacité pour exercer son dernier poste de travail, bénéficie soit d’un reclassement interne, soit d’un reclassement externe.

Le reclassement interne consiste dans un reclassement au sein de l’entreprise, éventuellement à un autre poste ou à un autre régime de travail. Le reclassement externe consiste dans un reclassement sur le marché du travail.

Art. 2.

(2)

Sont à considérer nuls et sans effet le licenciement notifié par l’employeur, ou le cas échéant, la convocation à l’entretien préalable du travailleur, à partir du jour de la notification à l’employeur de la décision de l’obligation de procéder au reclassement interne jusqu’à l’expiration du douzième mois qui la suit.

Dans les quinze jours qui suivent la résiliation du contrat, le salarié bénéficiant d’une mesure de reclassement peut demander, par simple requête, au président de la juridiction du travail qui statue d’urgence et comme en matière sommaire, les parties entendues ou dûment convoquées, de constater la nullité du licenciement et d’ordonner son maintien, ou, le cas échéant, sa réintégration conformément aux dispositions de l’article 29, paragraphe (4) de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail. L’ordonnance du président de la juridiction du travail est exécutoire par provision; elle est susceptible d’appel qui est porté par simple requête, dans les quarante jours à partir de la notification par la voie du greffe, devant le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail. Il est statué d’urgence, les parties entendues ou dûment convoquées.

Toutefois, les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à l’échéance du contrat de travail à durée déterminée ou à la résiliation du contrat de travail pour motifs graves procédant du fait ou de la faute du salarié.

(3)

Au cas où le reclassement interne comporte une diminution de la rémunération, l’assuré a droit à une indemnité compensatoire représentant la différence entre l’ancienne rémunération et la nouvelle rémunération. Doivent être compris dans l’ancienne rémunération servant au calcul de l’indemnité compensatoire, les indemnités pécuniaires de maladie ainsi que les primes et les suppléments courants, à l’exclusion toutefois des rémunérations pour heures supplémentaires et de toutes indemnités pour frais accessoires exposés. La gratification et le treizième mois sont mis en compte à raison d’un douzième par mois. L’ancienne rémunération prise en compte ne peut dépasser le maximum cotisable prévu à l’article 241, alinéa 3 du Code des assurances sociales.

L’indemnité compensatoire est payée par le Fonds pour l’emploi. L’indemnité compensatoire est soumise aux charges sociales et fiscales généralement prévues en matière de salaires et traitements.

Art. 3.

(1)

Sans préjudice des dispositions de l’article 2 paragraphe (1), la commission mixte, prévue à l’article 10, peut dispenser l’employeur du reclassement interne s’il rapporte la preuve qu’un tel reclassement lui causerait des préjudices graves.

(3)

Toutefois, le contrat de travail peut être résilié d’un commun accord si le travailleur est tenu de suivre des mesures de réhabilitation ou de reconversion pendant la période de protection contre le licenciement suite au refus de l’employeur d’opérer le reclassement interne.

Dans ce cas, l’employeur est tenu au versement d’une indemnité correspondant aux salaires du travailleur pendant la partie de la période de protection contre le licenciement restant à courir tout comme au versement d’une prime correspondant aux indemnités prévues par la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail.

En outre, l’employeur est tenu de verser la taxe de compensation prévue au paragraphe (2) ci- dessus.

En cas de reprise par le travailleur d’un emploi auprès d’un nouvel employeur, l’ancien employeur est tenu au versement unique d’une indemnité équivalant à douze mois de salaire au travailleur ou, le cas échéant, à la partie de la période de protection contre le licenciement restant à courir.

Art. 4.

Si un employeur, qui ne relève pas de l’obligation de reclassement prévue à l’article 2, paragraphe (1), procède au reclassement interne d’un travailleur visé à l’article 1er, l’indemnité compensatoire est due d’après les modalités prévues par l’article 2, paragraphe (3).

Art. 5.

En cas de reclassement externe, opéré par le Service des travailleurs à capacité de travail réduite de l’Administration de l’emploi, l’indemnité compensatoire est due d’après les modalités prévues par l’article 2, paragraphe (3). Toutefois, les indemnités de chômage éventuellement versées avant le reclassement externe ne sont pas prises en considération pour le calcul de l’ancienne rémunération.

(2)

Si, au terme de la durée légale du paiement de l’indemnité de chômage, le travailleur visé à l’article 1er n’a pu être reclassé sur le marché du travail ordinaire, il bénéficie d’une indemnité d’attente, dont le montant correspond à la pension d’invalidité à laquelle il aurait eu droit. L’indemnité d’attente est à charge de l’organisme d’assurance pension compétent.

Pendant la durée du bénéfice de l’indemnité d’attente, le bénéficiaire doit rester inscrit comme demandeur d’emploi auprès du Service des travailleurs à capacité réduite de l’Administration de l’emploi et être disponible pour le marché du travail.

Les articles 187, alinéa 5, 188, 189, 192, 193, alinéa 2 et 194 et pour autant que de besoin les autres dispositions du livre III du Code des assurances sociales sont applicables à l’indemnité d’attente.

Art. 6.

Il ne peut être procédé à un nouveau reclassement d’un travailleur endéans l’année suivant la décision d’un premier reclassement.

Art. 7.

(2)

Les mesures prévues par la loi modifiée du 12 novembre 1991 sur les travailleurs handicapés sont applicables aux bénéficiaires d’un reclassement interne ou externe.

(3)

Les dispositions de la loi du 24 décembre 1996 portant introduction d’une bonification d’impôt sur le revenu en cas d’embauchage de chômeurs s’appliquent aux contribuables qui ont procédé au reclassement interne d’un travailleur ou embauché dans leur entreprise un bénéficiaire d’un reclassement externe.

Art. 8.

L’assuré peut, sans préjudice de l’application des mesures prévues dans le cadre de la présente loi, exercer les voies de recours contre la décision prise sur base de l’article 187 du Code des assurances sociales. L’exercice d’un tel recours ne cause pas préjudice en ce qui concerne son aptitude au travail ou sa disponibilité pour le marché du travail au regard de l’article 13 de la loi modifiée du 30 juin 1976 portant 1. création d’un fonds pour l’emploi; 2. réglementation de l’octroi des indemnités de chômage complet ou de la loi du 29 avril 1999 portant création d’un droit au revenu minimum garanti et au regard de l’article 6 b) de la loi du 29 avril 1999 portant création d’un droit à un revenu minimum garanti.

Art. 9.

Aux fins de l’application des articles 1 à 8 de la présente loi, les travailleurs frontaliers sont assimilés aux travailleurs résidents.

Chapitre 2.

-La commission mixte

Art. 10.

Il est institué une commission mixte auprès du ministre ayant dans ses attributions le Travail et l’Emploi. Elle décide le reclassement interne ou externe des travailleurs.

La commission mixte se compose :

-de deux délégués représentant les assurés;
-de deux délégués des employeurs;
- d’un délégué du Contrôle médical de la sécurité sociale;
-d’un délégué de la Direction de la santé, division de la santé au travail;
-d’un délégué du ministre ayant dans ses attributions le Travail et l’Emploi;
-d’un délégué de l’Administration de l’emploi.

Le mode de désignation et d’indemnisation des membres, les règles de fonctionnement et les délais de procédure de la commission sont déterminés par règlement grand-ducal.

La commission mixte peut s’adjoindre des experts.

La commission est assistée dans sa mission par une cellule administrative.

Art. 11.

La commission mixte, saisie par le médecin de travail compétent statue endéans les trente jours de sa saisine sur les demandes qui lui sont présentées en vue du reclassement soit interne, soit externe d’un travailleur

La commission mixte peut prescrire des mesures de réhabilitation ou de reconversion en vue du reclassement d’un travailleur.

Art. 12.

Chapitre 3.

-Modifications du Code des assurances sociales

Art. 13.

L’article 14 du Code des assurances sociales est complété par l’alinéa 2 libellé comme suit :
«     

La caisse de maladie doit faire procéder au plus tard dans un délai comprenant le mois de la survenance de l’incapacité de travail et les trois mois subséquents à un examen médical de l’assuré par le Contrôle médical de la sécurité sociale qui détermine si l’incapacité de travail pour cause de maladie persiste.

     »

Les alinéas 2 et 3 actuels deviennent les alinéas 3 et 4 nouveaux.

Art. 14.

L’article 15 du Code des assurances sociales est complété par un alinéa 3 :
«     

L’indemnité pécuniaire découlant d’une activité exercée avant la constatation de l’incapacité d’exercer le dernier poste de travail prend fin le jour de la notification de la décision de la commission mixte sur le reclassement en application de la loi du 25 juillet 2002 concernant l’incapacité de travail et la réinsertion professionnelle.

     »

Art. 15.

L’article 55 du Code des assurances sociales est modifié comme suit :

a) L’alinéa 2, deuxième tiret prend la teneur suivante :
«     

-

de prendre les décisions individuelles, sans préjudice de l’article 55, alinéas 4 et 5 en matière de prestations à l’exclusion de celles concernant les prestations prises directement en charge par l’Union des caisses de maladie;

     »
b)A la suite de l’alinéa 4 actuel, il est inséré un alinéa 5 nouveau ayant la teneur suivante :

« Toute décision de suspension, de réduction ou de suppression de l’indemnité pécuniaire de maladie fait l’objet d’une décision conjointe du président et du vice-président du comité. En cas de désaccord entre le président et le vice-président, le comité directeur statuera endéans la huitaine. Cette décision est acquise à défaut d’un recours introduit par l’intéressé devant le Conseil arbitral des assurances sociales endéans les quinze jours à partir de la notification de la décision. Le Conseil arbitral statue endéans les trente jours de la saisine. Le jugement est exécutoire par provision. Il est susceptible d’appel endéans les quinze jours à partir de la notification du jugement. Le Conseil supérieur des assurances sociales statue endéans les trente jours de la saisine. Les articles 83, 293 et 294 sont applicables par analogie ».

Les alinéas 5 et 6 actuels deviennent les alinéas 6 et 7 nouveaux.

Art. 16.

L’article 187 du Code des assurances sociales est complété par les alinéas 2 à 4 nouveaux libellés comme suit :
«     

Les critères pour l’appréciation médicale de l’état d’invalidité peuvent être précisés par règlement grand-ducal, le Collège médical, le Contrôle médical de la sécurité sociale et la Direction de la santé, service de la santé au travail, demandés en leurs avis.

Si le Contrôle médical de la sécurité sociale constate que les conditions prévues à l’alinéa 1 du présent article ne sont pas remplies, il saisit le médecin du travail compétent en application de la loi modifiée du 17 juin 1994 concernant les services de santé au travail, qui apprécie endéans les quinze jours si l’assuré est incapable d’exercer son dernier poste de travail, auquel cas, l’assuré peut bénéficier des mesures prévues au chapitre 1 de la loi du 25 juillet 2002 concernant l’incapacité de travail et la réinsertion professionnelle.

Si le médecin du travail estime que l’intéressé est capable d’exercer son dernier poste ou régime de travail, il retourne le dossier avec son avis motivé au Contrôle médical de la sécurité sociale.

     »

L’alinéa 2 actuel devient l’alinéa 5 nouveau.

Art. 17.

A la suite de l’article 318, le Code des assurances sociales est complété par un article 318 bis ayant la teneur suivante :
«     

Art. 318 bis.

Les décisions prises en application des articles 9 à 16, 97, alinéa 2, sous 2° et 3°, 187 du présent code ainsi que celles prises en application de la loi du 25 juillet 2002 concernant l’incapacité de travail et la réinsertion professionnelle sont communiquées en copies à l’employeur par simple lettre à la poste.

     »

Chapitre 4.

-Modifications de la législation sur le contrat de travail

Art. 18.

A l’article 32 de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, il est ajouté un nouveau point 3) qui prend la teneur suivante:

«3)

pour le travailleur qui présente une incapacité d’exercer son dernier poste de travail, le jour de la notification de la décision de la commission mixte retenant un reclassement externe ou en cas de recours introduit par le travailleur conformément à l’article 12 de la loi du 25 juillet 2002 concernant l’incapacité de travail et la réinsertion professionnelle, le jour de la confirmation de la décision de la commission mixte ».

Art. 19.

L’article 35, paragraphe (3), point 2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail est modifié comme suit :
«     

2)

pour une période de vingt-six semaines au plus à partir du jour de la survenance de l’incapacité de travail de l’employé privé; l’employé privé a droit, pour la fraction du mois de la survenance de l’incapacité de travail et les trois mois subséquents, au maintien intégral de son traitement et des autres avantages résultant de son contrat de travail.

     »

Art. 20.

Le contrat de travail du salarié est suspendu pendant la période se situant entre le jour de la saisine de la commission mixte par le médecin du travail en application de l’article 11 de la loi du 25 juillet 2002 concernant l’incapacité de travail et la réinsertion professionnelle et le jour de la notification de la décision de la commission mixte. En cas de recours introduit par le travailleur conformément à l’article 12 de la présente loi, le contrat de travail reste suspendu jusqu’au jour où le recours est définitivement vidé.

Art. 21.

Les dispositions de l’article 37 de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail ne s’appliquent pas en cas de reclassement interne au sens de la présente loi.

Art. 22.

Chapitre 5.

-Modifications de la législation fiscale

Art. 23.

L’article 3 de la loi modifiée du 24 décembre 1996 portant introduction d’une bonification d’impôt sur le revenu en cas d’embauchage de chômeurs est complété par un quatrième alinéa nouveau qui prend la teneur suivante:
«     

Par dérogation à l’alinéa qui précède, l’employeur qui a procédé à un reclassement du travailleur au titre de la loi du 25 juillet 2002 concernant l’incapacité de travail et la réinsertion professionnelle peut bénéficier du cumul de la bonification d’impôt et d’une des mesures prévues par la loi modifiée du 12 novembre 1991 sur les travailleurs handicapés.

     »

Chapitre 6.

-Modifications de la législation sur le chômage

Art. 24.

L’article 2, paragraphe (1) de la
loi modifiée du 30 juin 1976 portant 1. création d’un fonds pour l’emploi; 2. réglementation de l’octroi des indemnités de chômage complet est complété par les numéros suivants :
«     

35.

de l’octroi d’une indemnité compensatoire visée à l’article 2, paragraphe (3) de la loi du 25 juillet 2002 concernant l’incapacité de travail et la réinsertion professionnelle

36.

de l’octroi aux employeurs des aides prévues à l’article 7, paragraphes (2) et (3) de la loi du 25 juillet 2002 concernant l’incapacité de travail et la réinsertion professionnelle

37.

la prise en charge des frais résultant de l’application des mesures de réhabilitation ou de reconversion prévues à l’article 11 de la loi du 25 juillet 2002 concernant l’incapacité de travail et la réinsertion professionnelle.

     »

A l’article 25 de la même loi, le paragraphe 2 est abrogé et au paragraphe 3, le bout de phrase » des dispositions des paragraphes 1. et 2. « est à remplacer par :  « des dispositions du paragraphe 1er » .

Chapitre 7.

-Modifications de la législation portant sur l’organisation et le fonctionnement de l’Administration de l’emploi et portant création d’une Commission nationale de l’emploi

Art. 25.

(1)

L’article 2 paragraphe (2) de la
loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’Administration de l’emploi et portant création d’une Commission nationale de l’emploi est complété par le point i) suivant :
«     

i)

assurer l’orientation, la formation, le placement, la rééducation, le reclassement externe des travailleurs à capacité de travail réduite.

     »

(2)

Est ajouté un nouvel article 28 bis qui prend la teneur suivante:
«     

Article 28 bis:

(1)

Le Service des travailleurs à capacité de travail réduite est intégré comme service à l’Administration de l’emploi.

(2)

L’orientation, la formation, le placement, la rééducation, le reclassement externe sont assurés par le service des travailleurs à capacité de travail réduite.

     »

Le Ministre de la Santé
et de la Sécurité sociale,

Carlo Wagner

Le Ministre du Travail
et de l’Emploi,

François Biltgen

Le Ministre des Finances,

Jean-Claude Juncker

Le Ministre du Trésor,
et du Budget,

Luc Frieden

Cabasson, le 25 juillet 2002.

Henri

Doc. parl. 4872; sess. ord. 2001-2002.