Loi du 26 mai 2000 concernant la protection contre le harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail et portant modification de différentes autres lois.



Nous JEAN, par la grâce de Dieu, Grand-Duc de Luxembourg, Duc de Nassau,

Notre Conseil d’Etat entendu;

De l’assentiment de la Chambre des Députés;

Vu la décision de la Chambre des Députés du 6 avril 2000 et celle du Conseil d’Etat du 2 mai 2000 portant qu’il n’y a pas lieu à second vote;

Avons ordonné et ordonnons :

Art. 1er.

Aux fins de la présente loi on entend par travailleurs tous les salariés tels que définis à l’article 1er de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, ainsi que les stagiaires, les apprentis et les élèves et étudiants occupés pendant les vacances scolaires.

Art. 2.

Constitue un harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail au sens de la présente loi tout comportement à connotation sexuelle ou tout autre comportement fondé sur le sexe dont celui qui s’en rend coupable sait ou devrait savoir qu’il affecte la dignité d’une personne au travail, lorsqu’une des trois conditions suivantes est remplie:

1)le comportement est intempestif, abusif et blessant pour la personne qui en fait l’objet;
2)le fait qu’une personne refuse ou accepte un tel comportement de la part de l’employeur, d’un travailleur, d’un client ou d’un fournisseur est utilisé explicitement ou implicitement comme base d’une décision affectant les droits de cette personne en matière de formation professionnelle, d’emploi, de maintien de l’emploi, de promotion, de salaire ou de toute autre décision relative à l’emploi;
3)un tel comportement crée un climat d’intimidation, d’hostilité ou d’humiliation à l’égard de la personne qui en fait l’objet.

Le comportement visé peut être physique, verbal ou non-verbal.

L’élément intentionnel du comportement est présumé.

Art. 3.

Le harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail, tel que défini à l’article 2 de la présente loi, à l’article 10, paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat et à l’article 12, paragraphe 3 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, est considéré comme contraire au principe de l’égalité de traitement au sens des dispositions de la loi du 8 décembre 1981 relative à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail.

Art. 4.

(1)

L’employeur et le travailleur doivent s’abstenir de tout fait de harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail, de même que tout client ou fournisseur de l’entreprise.

(2)

Par ailleurs, l’employeur est obligé de veiller à ce que tout harcèlement sexuel dont il a connaissance cesse immédiatement. En aucun cas, les mesures destinées à mettre fin au harcèlement sexuel ne peuvent être prises au détriment de la victime du harcèlement.

(3)

L’employeur est encore tenu de prendre toutes les mesures de prévention nécessaires pour assurer la protection de la dignité de toute personne à l’occasion des relations de travail. Ces mesures doivent comprendre des mesures d’information.

Art. 5.

(1)

Le travailleur ne peut faire l’objet de représailles en raison de ses protestations ou refus opposés à un acte ou comportement de harcèlement sexuel de la part de son employeur ou tout autre supérieur hiérarchique, de collègues de travail ou de personnes extérieures en relation avec l’employeur.

(2)

De même aucun travailleur ne peut faire l’objet de représailles pour avoir témoigné des agissements définis à l’article 1er ou pour les avoir relatés.

(3)

Toute disposition ou tout acte contraire aux deux paragraphes qui précèdent, et notamment tout licenciement en violation de ces dispositions, est nul de plein droit.

En cas de résiliation du contrat de travail le travailleur peut demander dans les quinze jours qui suivent la notification de la résiliation, par simple requête au président de la juridiction du travail qui statue d’urgence, les parties entendues ou dûment convoquées, de constater la nullité du licenciement et d’ordonner son maintien, ou le cas échéant sa réintégration conformément aux dispositions de l’article 29, paragraphe (4) de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail. L’ordonnance du président de la juridiction du travail est exécutoire par provision; elle est susceptible d’appel qui est porté par simple requête, dans les quarante jours à partir de la notification par la voie du greffe, devant le magistrat présidant la Chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail. Il est statué d’urgence, les parties entendues ou dûment convoquées.

Les convocations par voie de greffe prévues à l’alinéa qui précède contiendront à peine de nullité les mentions prescrites à l’article 80 du nouveau code de procédure civile.

Art. 6.

(1)

Le/la délégué-e chargé-e de veiller à l’égalité entre femmes et hommes, ou à son défaut, la délégation du personnel, s’il en existe, est chargé-e de veiller à la protection du personnel salarié contre le harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail. A cet effet, il/elle peut proposer à l’employeur toute action de prévention qu’il/elle juge nécessaire.

(2)

La délégation du personnel, et le/la délégué-e chargé-e de veiller à l’égalité entre femmes et hommes, s’il en existe, sont habilité-e-s à assister et à conseiller le travailleur qui fait l’objet d’un harcèlement sexuel. Ils/elles sont tenu-e-s de respecter la confidentialité des faits dont ils/elles ont connaissance à ce titre, sauf à en être dispensé-e-s par la personne harcelée.

Le travailleur qui fait l’objet d’un harcèlement sexuel a le droit de se faire accompagner et assister par un-e délégué-e dans les entrevues avec l’employeur, ou le représentant de celui-ci, qui ont lieu dans le cadre de l’enquête sur le harcèlement sexuel.

Art. 7.

Le travailleur victime d’un acte de harcèlement sexuel peut refuser de poursuivre l’exécution du contrat de travail et résilier le contrat de travail sans préavis pour motif grave avec dommages et intérêts à charge de l’employeur dont la faute, appréciée par référence à l’article 4 ci-dessus, a occasionné la résiliation immédiate.

Art. 8.

L’Inspection du Travail et des Mines est chargée de veiller à l’application des dispositions de la présente loi.

Dispositions modificatives.

Art. 9.

La loi modifiée du 30 juin 1976 portant 1. création d’un fonds pour l’emploi; 2. réglementation de l’octroi des indemnités de chômage complet est amendée comme suit:

L’article 14, paragraphe 2, alinéa premier prend la teneur suivante:

«Dans les cas d’un licenciement pour motif grave ou d’une démission motivée par un acte de harcèlement sexuel, le demandeur d’emploi peut, par voie de simple requête, demander au président de la juridiction du travail compétente d’autoriser l’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet en attendant la décision judiciaire définitive du litige concernant la régularité ou le bien-fondé de son licenciement ou de sa démission.»

La première phrase de l’article 14, paragraphe 5, alinéa premier, est remplacée comme suit:

«Le jugement ou l’arrêt déclarant abusif le licenciement du travailleur ou justifiée la démission motivée par un acte de harcèlement sexuel condamne l’employeur à rembourser au fonds pour l’emploi les indemnités de chômage par lui versées au travailleur pour la ou les périodes couvertes par les salaires, traitements ou indemnités que l’employeur sera tenu de verser en application du jugement ou de l’arrêt.»

Le premier alinéa de l’article 14, paragraphe 6 prend la teneur suivante:

«Le jugement ou l’arrêt déclarant justifié le licenciement du travailleur ou non justifiée la démission du travailleur motivée par un acte de harcèlement sexuel condamne ce dernier à rembourser au fonds pour l’emploi, le cas échéant de façon échelonnée, tout ou partie des indemnités de chômage lui versées par provision.»

Art. 10.

Est ajouté au paragraphe (3) de l’article 4 de la loi du 12 juin 1965 concernant les conventions collectives de travail un nouveau point 5 qui est rédigé comme suit:

«5. l’inscription d’une déclaration de principe concernant le harcèlement sexuel et des sanctions disciplinaires qui peuvent être prises.»

Art. 11.

A l’article 942 du nouveau code de procédure civile est ajouté un troisième alinéa qui est rédigé comme suit:

«Le président du tribunal de travail a le pouvoir d’enjoindre à l’employeur de mettre fin, dans le délai qu’il fixe, à tout agissement qu’il reconnaît comme constituant un harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail au sens de l’article 2 de la loi du ... concernant la protection contre le harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail et portant modification de différentes autres lois.»

Art. 12.

L’article 1er , point a) de la loi modifiée du 4 avril 1974 portant réorganisation de l’Inspection du Travail et des Mines est modifié comme suit:
«a)d’assurer l’application des dispositions légales, réglementaires, administratives et conventionnelles relatives aux conditions du travail et à la protection des travailleurs salariés dans l’exercice de leur profession, telles que les dispositions relatives à la durée du travail, aux salaires, à la sécurité, à l’hygiène et au bien-être, à l’emploi des enfants et des adolescents, à l’égalité de traitement entre femmes et hommes, à la protection contre le harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail, et d’autres matières connexes, dans la mesure où le personnel de l’Inspection du Travail et des Mines est chargé d’assurer l’application desdites dispositions.»

Art. 13.

La loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat est modifiée et complétée comme suit:

A l’article 10, il est ajouté un nouveau paragraphe 2, l’actuel paragraphe 2 devenant un nouveau paragraphe 3. Le nouveau paragraphe 2 aura la teneur suivante:

«2.

Le fonctionnaire doit s’abstenir de tout fait de harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail.

Constitue un harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail au sens de la présente loi tout comportement à connotation sexuelle ou tout autre comportement fondé sur le sexe dont celui qui s’en rend coupable sait ou devrait savoir qu’il affecte la dignité d’une personne au travail, lorsqu’une des trois conditions suivantes est remplie:

a)le comportement est intempestif, abusif et blessant pour la personne qui en fait l’objet;
b)le fait qu’une personne refuse ou accepte un tel comportement de la part d’un collègue ou d’un usager est utilisé explicitement ou implicitement comme base d’une décision affectant les intérêts de cette personne en matière professionnelle;
c)un tel comportement crée un climat d’intimidation, d’hostilité ou d’humiliation à l’égard de la personne qui en fait l’objet.

Le comportement peut être physique, verbal ou non-verbal.

L’élément intentionnel du comportement est présumé.»

Le paragraphe 4 de l’article 32 est remplacé comme suit :

«4.

L’Etat protège le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire contre tout outrage ou attentat, toute menace, injure ou diffamation dont lui-même ou les membres de sa famille vivant à son foyer seraient l’objet en raison de sa qualité ou de ses fonctions ainsi que contre tout acte de harcèlement sexuel. Dans la mesure où il l’estime nécessaire, l’Etat assiste l’intéressé dans les actions que celui-ci peut être amené à intenter contre les auteurs de tels actes.»

Il est ajouté à l’article 32 un nouveau paragraphe 7 libellé comme suit:

«7.

Les mesures d’exécution du présent article peuvent être fixées par règlement grand-ducal.»

Art. 14.

La loi modifiée du 24 décembre 1985 concernant le statut général des fonctionnaires communaux est modifiée et complétée comme suit:

A l’article 12, il est ajouté un nouveau paragraphe 3 ainsi libellé:

«3.

Le fonctionnaire doit s’abstenir de tout fait de harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail.

Constitue un harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail au sens de la présente loi tout comportement à connotation sexuelle ou tout autre comportement fondé sur le sexe dont celui qui s’en rend coupable sait ou devrait savoir qu’il affecte la dignité d’une personne au travail, lorsqu’une des trois conditions suivantes est remplie:

a)le comportement est intempestif, abusif et blessant pour la personne qui en fait l’objet;
b)le fait qu’une personne refuse ou accepte un tel comportement de la part d’un collègue ou d’un usager est utilisé explicitement ou implicitement comme base d’une décision affectant les intérêts de cette personne en matière professionnelle;
c)un tel comportement crée un climat d’intimidation, d’hostilité ou d’humiliation à l’égard de la personne qui en fait l’objet.

Le comportement peut être physique, verbal ou non-verbal.

L’élément intentionnel du comportement est présumé.»

Le paragraphe 4 de l’article 36 est remplacé comme suit :

«4.

La commune protège le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire contre tout outrage ou attentat, toute menace, injure ou diffamation dont lui-même ou les membres de sa famille vivant à son foyer seraient l’objet en raison de sa qualité ou de ses fonctions ainsi que contre tout acte de harcèlement sexuel. Dans la mesure où elle l’estime nécessaire, la commune assiste l’intéressé dans les actions que celui-ci peut être amené à intenter contre les auteurs de tels actes.»

Il est ajouté à l’article 36 un nouveau paragraphe 7 libellé comme suit :

«7.

Les mesures d’exécution du présent article peuvent être fixées par règlement grand-ducal.»

Mandons et ordonnons que la présente loi soit insérée au Mémorial pour être exécutée et observée par tous ceux que la chose concerne.

La Ministre de la Promotion Féminine,

Marie-Josée Jacobs

Le Ministre de l’Intérieur,

Michel Wolter

Le Ministre du Trésor et du Budget,
Ministre de la Justice

Luc Frieden

Le Ministre du Travail et de l’Emploi,

François Biltgen

Le Ministre de la Fonction Publique
et de la Réforme Administrative,

Lydie Polfer

Château de Fischbach, le 26 mai 2000.

Pour le Grand-Duc:
Son Lieutenant-Représentant

Henri

Grand-Duc héritier

Doc. parl. n° 4432; sess. ord. 1997-1998, 1998-1999 et 1999-2000.