Loi du 18 avril 1984 relative à la délégation et à la déchéance de l'autorité parentale et à la tutelle aux prestations sociales.

Nous JEAN, par la grâce de Dieu, Grand-Duc de Luxembourg, Duc de Nassau;

Notre Conseil d'Etat entendu;

De l'assentiment de la Chambre des Députés;

Vu la décision de la Chambre des Députés du 14 mars 1984 et celle du Conseil d'Etat du 22 mars 1984 portant qu'il n'y a pas lieu à second vote;

Avons ordonné et ordonnons:

Art. Ier.

Il est introduit au titre IX du livre 1er du Code civil un chapitre III intitulé «De la délégation de l'autorité parentale», comprenant les dispositions suivantes:
«     

Art. 387-1.

Aucune renonciation, aucune cession portant sur l'autorité parentale, ne peut avoir d'effet, si ce n'est en vertu d'un jugement dans les cas déterminés ci-dessous et lorsque cette renonciation ou cette cession n'est pas contraire aux intérêts de l'enfant.

Art. 387-2.

Un tribunal peut, quand il est appelé à statuer sur la garde ou l'éducation d'un enfant mineur, avoir égard aux pactes que les père et mère ont pu librement conclure entre eux à ce sujet, à moins que l'un d'eux ne justifie de motifs graves qui l'autoriseraient à révoquer son consentement.

Art. 387-3.

Les pères et mère, ensemble ou séparément, le tuteur autorisé par le conseil de famille, ou l'administrateur public peuvent, quand ils ont remis l'enfant mineur à un particulier digne de confiance ou à un établissement agréé à cette fin par arrêté grand-ducal, renoncer en tout ou en partie à l'exercice de leur autorité.

En ce cas, délégation totale ou partielle, de l'autorité parentale résulte du jugement qui est rendu par le tribunal civil d'arrondissement sur la requête conjointe des délégants ou du délégataire.

La même délégation peut être décidée à la seule requête du délégataire lorsque les parents se sont désintéressés de l'enfant depuis plus d'un an.

Art. 387-4.

La délégation de l'autorité parentale peut aussi avoir lieu quand le mineur a été recueilli sans l'intervention des père et mère ou du tuteur. Mais il faut, dans ce cas, que le particulier ou l'établissement, après avoir recueilli l'enfant, en ait fait la déclaration au procureur d'Etat du lieu.

Cette déclaration est faite dans les huit jours.

Le procureur d'Etat, dans le mois qui suit, en donne avis aux père et mère ou au tuteur. La notification qui leur est ainsi faite ouvre un nouveau délai de trois mois à l'expiration duquel, faute par eux de réclamer l'enfant, ils sont présumés renoncer à exercer sur lui leur autorité.

Le particulier ou l'établissement qui a recueilli l'enfant peut alors présenter une requête au tribunal afin de se faire déléguer totalement ou partiellement l'autorité parentale.

Art. 387-5.

Dans le cas où l'enfant est recueilli par un établissement, la délégation de l'autorité parentale peut opérer soit au profit de la personne morale, soit au profit d'un préposé appartenant au personnel de l'établissement.

Art. 387-6.

En cas de délégation de l'autorité parentale, le juge peut, en considération des ressources des parents, leur imposer la charge de tout ou partie des frais nécessités par le placement.

Lorsque, en cas de délégation volontaire ou forcée, totale ou partielle, de l'autorité parentale dans les cas visés aux articles 387-3 à 387-5 les frais d'entretien sont en tout ou en partie à la charge directe ou indirecte de l'Etat ou d'une autre personne morale de droit public, ces frais peuvent être récupérés en tout ou en partie sur les père et mère ou, à leur défaut, sur les ascendants, en considération de leurs revenus disponibles.

Art. 387-7.

La délégation peut, dans tous les cas, prendre fin ou être transférée par un nouveau jugement, s'il est justifié de circonstances nouvelles.

Dans le cas où la restitution de l'enfant est accordée aux père et mère, le tribunal peut mettre à leur charge, en considération de leurs ressources, le remboursemen t de tout ou partie des frais d'entretien.

Quand la demande de restitution a été rejetée, elle ne peut être renouvelée qu'un an au plus tôt après que la décision de rejet sera devenue irrévocable.

Art. 387-8.

Le droit de consentir à l'adoption du mineur n'est jamais délégué.

     »

Art. II.

S'il est établi que l'attributaire d'une prestation sociale, prévue au bénéfice d'un mineur, la détourne de son but naturel ou que les intérêts du mineur sont lésée, le juge des tutelles de la résidence du mineur peut, d'office ou à la requête du ministère public ou de toute personne qui s'occupe en fait de l'enfant, désigner une tierce personne pour toucher la prestation et l'employer aux fins auxquelles elle est destinée. Le juge fixe la durée et les autres modalités de cette mission qui, le cas échéant, peut être prorogée.

L'affaire est instruite et jugée en chambre du conseil.

L'attributaire de la prestation et le requérant sont convoqués et, en cas de comparution, entendus.

L'organisme prestataire est appelé à l'instance.

Un règlement grand-ducal détermine la procédure à suivre.

L'ordonnance est notifiée à l'attributaire de la prestation et à l'organisme prestataire intéressé. Elle sort ses effets dès la notification.

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Elle est susceptible d'appel de la part de l'attributaire suivant les conditions prévues aux articles 882-2 et suivants du Code de procédure civile.

Tous les actes de procédure sont exempts du droit de timbre et dispensés de la formalité de l'enregistrement.

L'article 292bis du Code des assurances sociales et l'article 27 de la loi du 29 avril 1964 concernant les prestations familiales sont sans application lorsque le bénéficiaire de la prestation est un mineur.

Art. III.

Il est introduit au titre IX du livre Ier du code civil un chapitre IV intitulé «De la déchéance de l'autorité parentale» comprenant les dispositions suivantes:
«     

Art. 387-9.

Peut être déchu de l'autorité parentale, en tout ou en partie, à l'égard de tous ses enfants, de l'un ou de plusieurs d'entre eux:

le père ou la mère qui est condamné à une peine criminelle ou correctionnelle du chef de tous faits commis sur la personne ou à l'aide de l'un de ses enfants ou descendants;
le père ou la mère qui, par mauvais traitements, abus d'autorité, inconduite notoire ou négligence grave, met en péril la santé, la sécurité ou la moralité de son enfant. Il en est de même pour le père ou la mère qui épouse une personne déchue de l'autorité parentales.

Art. 387-10.

La déchéance totale porte sur tous les droits qui découlent de l'autorité parentale.

Elle comprend pour celui qui en est frappé, à l'égard de l'enfant qu'elle concerne et des descendants de celui-ci:

l'exclusion du droit de garde et d'éducation;
l'incapacité de les représenter, de consentir à leurs actes et d'administrer leurs biens;
l'exclusion du droit de jouissance prévu aux articles 382 et suivants du code civil;
l'exclusion du droit de réclamer des aliments;
l'exclusion du droit de recueillir tout ou partie de leur succession par application de l'article 746 du code civil.

En outre, la déchéance totale entraîne l'incapacité générale d'être tuteur, subrogé tuteur ou membre d'un conseil de famille.

La déchéance partielle porte sur les droits que le tribunal détermine.

Art. 387-11.

Si la déchéance totale ou partielle est prononcée contre les père et mère ou le survivant d'eux, le juge des tutelles procède à l'organisation de la tutelle.

Si le conseil de famille ne trouve pas la personne à laquelle il estime pouvoir confier la tutelle, le juge des tutelles procède conformément à l'article 433 du code civil.

Art. 387-12.

Dans le cas réglé au premier alinéa de l'article 387-11, les revenus de l'enfant doivent être essentiellement employés à l'entretien et à l'éducation de celui-ci.

Dans le même cas, pour tous les actes spécialement subordonnés par la loi au consentement du père et de la mère, il est procédé comme si les père et mère faisaient défaut.

Art. 387-13.

Ceux qui ont encouru la déchéance, peuvent, sur leur demande, être réintégrés, en tout ou en partie, dans leurs droits par le tribunal du domicile ou de la résidence habituelle de celui à qui ces droits ont été confiés.

Cette demande n'est pas recevable avant l'expiration de cinq ans à compter du jour où la décision est devenue irrévocable.

Art. 387-14.

Lorsque par application de l'article 387-11 l'enfant est confié à une personne autre que les père et mère ou l'un d'eux, à une société ou à une institution de charité ou d'enseignement publique ou privée, le tribunal ou le juge des référés condamne les père et mère et, à leur défaut, les autres ascendants au paiement d'une pension alimentaire, dont il fixe le montant, à moins que le revenu des intéressés ne leur permette pas de contribuer aux frais d'entretien de l'enfant. Cette décision peut toujours être modifiée.

La violation de l'obligation imposée par cette décision est punie conformément aux dispositions de l'article 391 bis du code pénal.

Les dépenses pour l'entretien et l'éducation de l'enfant non couverts par les revenus de ses biens personnels et par cette pension alimentaire, sont avancées par l'Etat et réglées conformément à la législation sur le domicile de secours.

     »

Art. IV.

Les tribunaux luxembourgeois peuvent prendre, à l'égard de mineurs ayant leur résidence sur le territoire du Grand-Duché, toutes les mesures provisoires tendant à la protection de leur personne ou de leurs biens jusqu'à ce que les autorités étrangères compétentes aient pris définitivement de telles mesures.

Le Gouvernement peut accorder, à charge de réciprocité, la remise à des gouvernements étrangers de mineurs de leur nationalité, à l'égard desquels des mesures spéciales d'éducation ont été ordonnées.

Art. V.

Les alinéas 1er et 2 de l'article 2 de la loi du 14 décembre 1887 portant des dispositions additionnelles à la loi organique sur la caisse d'épargne sont remplacés par les dispositions suivantes:

«Le mineur pourra demander la mainlevée de l'opposition prévue à l'article 1er par simple requête adressée au juge des tutelles de son domicile ou de sa résidence. Le juge des tutelles fera convoquer tant le mineur que sont représentant légal par lettre recommandée et les entendre en leurs explications.

La décision du juge des tutelles est notifiée par le greffier au mineur et à son représentant légal. Elle est susceptible de recours dans les conditions et formes prévues aux articles 882-2 et 882-3 du code de procédure civile».

Art. VI.

Les alinéas 4, 5 et 6 de l'article 181 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales sont remplacés par les dispositions suivantes:

«Le tuteur d'un mineur ou d'un majeur en tutelle ne peut, sans y être autorisé par le conseil de famille, intervenir au nom du mineur ou du majeur en tutelle dans une société à responsabilité limitée.

Les administrateurs légaux ne peuvent, même conjointement, affecter les biens du mineur à une participation dans une société à responsabilité limitée, sans l'autorisation du juge des tutelles.

La société dans laquelle participent le mineur et le majeur en tutelle respectivement les personnes qui ont autorité sur eux, est licite».

Mandons et ordonnons que la présente loi soit insérée au Mémorial pour être exécutée et observée par tous ceux que la chose concerne.

Le Ministre de la Justice,

Colette Flesch

Palais de Luxembourg, le 18 avril 1984.

Jean

Doc. parl. n° 2557, sess. ord. 1981-1982 et 1983-1984.