Loi du 1er avril 1968 ayant pour objet de supprimer la réglementation officielle de la prostitution et de renforcer la lutte contre la prostitution et le proxénétisme.

Nous JEAN, par la grâce de Dieu, Grand-Duc de Luxembourg, Duc de Nassau, etc., etc., etc.;

Notre Conseil d'Etat entendu;

De l'assentiment de la Chambre des Députés;

Vu la décision de la Chambre des Députés du 12 mars 1968 et celle du Conseil d'Etat du 19 mars 1968 portant qu'il n'y a pas lieu à second vote;

Avons ordonné et ordonnons:

Art. 1er.

L'article 379 du Code pénal est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes:
«     

Art. 379.

Sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans:

Quiconque aura attenté aux moeurs en excitant, facilitant ou favorisant, pour satisfaire les passions d'autrui, la débauche, la corruption ou la prostitution de la jeunesse de l'un ou de l'autre sexe, au-dessous de l'âge de vingt et ans dont l'état de minorité lui était connu.

Il sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans s'il ignorait l'état de minorité pas sa négligence.

La tentative sera punie d'un emprisonnement de six mois à trois ans ou de trois mois à deux ans, suivant que l'état de minorité était connu ou ne l'était pas par suite de négligence.

Le fait sera puni d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans s'il a été commis envers un mineur âgé de moins de quatorze ans, et de la reclusion s'il a été commis envers un mineur de moins de onze ans.

La tentative sera punie d'un emprisonnement de six mois à quatre ans, si le fait a été commis envers un mineur âgé de moins de quatorze ans et d'un emprisonnement de six mois à cinq ans, s'il a été commis envers un mineur de moins de onze ans.

     »

Art. 2.

La disposition suivante est introduite dans le chapitre VI du titre VII, livre II du Code pénal:
«     

Art. 379 bis.

Sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans:

1.

Quiconque, pour satisfaire les passions d'autrui, aura embauché, entraîné ou détourné, même avec son consentement, une autre personne en vue de la prostitution ou de la débauche, soit sur le territoire du Grand-Duché, soit dans un pays étranger.

La tentative sera punie d'un emprisonnement de trois mois à deux ans.

Si la victime a été embauchée, entraînée ou détournée par fraude ou à l'aide de violences, menaces, abus d'autorité ou tout autre moyen de contrainte ou si elle a été effectivement livrée à la prostitution ou à la débauche, l'emprisonnement sera d'un an à cinq ans.

Le fait sera puni de la reclusion s'il a été commis avec deux des circonstances prémentionnées.

2. Quiconque détient, directement ou par personne interposée, qui gère, dirige ou fait fonctionner une maison de débauche ou de prostitution.
3. Tout propriétaire, hôtelier, logeur, cabaretier, en général toute personne qui cède, loue ou met à la disposition d'autrui ou tolère l'utilisation de tout ou partie d'un immeuble, sachant que les lieux cédés, loués ou mis à la disposition servent à l'exploitation de la prostitution d'autrui.
4. Le proxénète.

Est proxénète celui ou celle

a)qui d'une manière quelconque aide, assiste ou protège sciemment la prostitution d'autrui ou le racolage en vue de la prostitution;
b)qui, sous une forme quelconque, partage les produits de la prostitution d'autrui ou reçoit des subsides d'une personne se livrant à la prostitution;
c)qui sciemment vit avec une personne se livrant habituellement à la prostitution;
d)qui, étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à la prostitution, ne peut justifier de ressources correspondantes à son train de vie;
e)qui embauche, entraîne ou entretient, même avec son consentement, une personne même majeure en vue de la prostitution ou la livre à la prostitution ou à la débauche;
f)qui fait office d'intermédiaire, à un titre quelconque, entre les personnes se livrant à la prostitution ou à la débauche et les individus qui exploitent ou rémunèrent la prostitution ou la débauche d'autrui;
g)qui, par menace, pression, manoeuvre ou par tout autre moyen entrave l'action de prévention, de contrôle, d'assistance ou de rééducation entreprise par les organismes qualifiés en faveur de personnes se livrant à la prostitution ou en danger de prostitution.

En le condamnant le juge pourra mettre le proxénète à la disposition du Gouvernement, pour un terme de un an au moins et de cinq ans au plus, à prendre cours à l'expiration de sa peine.

La tentative sera punie d'un emprisonnement de trois mois à deux ans.

Les faits énoncés aux numéros 1° à 4° du présent article seront punis chacun d'un emprisonnement de un à cinq ans s'ils ont été commis envers un mineur âgé de moins de vingt et un ans, d'un emprisonnement de deux à cinq ans, s'ils ont été commis envers un mineur âgé de moins de quatorze ans, et de la reclusion, s'ils ont été commis envers un mineur de moins de onze ans.

La tentative sera punie d'un emprisonnement qui sera de six mois à trois ans, si le fait a été commis envers un mineur de moins de vingt et un ans, de six mois à quatre ans, si le fait a été commis envers un mineur de moins de quatorze ans, de six mois à cinq ans, si le fait a été commis envers un mineur de moins de onze ans.

     »

Art. 3.

L'article 380 du Code pénal est abrogé et remplacé par la disposition suivante:
«     

Art. 380.

Le minimum des peines portées par les articles 379 et 379bis sera élevé conformément à l'article 266:

Si les coupables sont les ascendants de la personne prostituée ou corrompue;

S'ils sont de la classe de ceux qui ont autorité sur elle;

S'ils sont ses instituteurs, ses serviteurs à gages ou serviteurs des personnes ci-dessus désignées;

S'ils sont fonctionnaires publics ou ministre d'un culte.

Dans les cas prévus par les articles 379 et 379bis les peines seront prononcées alors même que les divers actes qui sont les éléments constitutifs de l'infraction auraient été accomplis dans des pays différents.

     »

Art. 4.

L'article 381 du Code pénal est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes:
«     

Art. 381.

Dans les cas prévus par les articles 379 et 379bis les coupables seront en outre condamnés à une amende de cinq cent et un à trente mille francs et à l'interdiction des droits spécifiés aux numéros 1, 3, 4, 5 et 7 de l'article 31.

Les tribunaux pourront interdire aux condamnés frappés d'une peine d'emprisonnement d'un mois au moins, pour un terme de un an à dix ans, de tenir ou de continuer comme propriétaire ou comme gérant, un hôtel, une pension de famille, un bureau de placement, ou y

être employé à quelque titre que ce soit. Toute infraction à cette interdiction sera punie d'un emprisonnement de huit jours à un mois et d'une amende de cinq cent et un à dix mille francs ou de l'une de ces peines seulement.

Si, dans les cas visés à l'alinéa 1er, l'infraction a été commise par le père ou la mère, le coupable sera, en outre, privé des droits et avantages à lui accordés sur la personne et les biens de l'enfant par le Code civil, livre 1er, titre IX « De la puissance paternelle ».

Les coupables pourront de plus être placés sous la surveillance spéciale de la police, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus.

     »

Art. 5.

L'article 382 du Code pénal est abrogé et remplacé par la disposition suivante:
«     

Art. 382.

Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de cinq cent et un à dix mille francs ou de l'une de ces peines seulement, quiconque par gestes, paroles, écrits ou par tous autres moyens procéderait publiquement au racolage de personnes d'un ou de l'autre sexe en vue de les provoquer à la débauche.

     »

Art. 6.

Il est ajouté à l'article 563 du Code pénal un numéro 9 ayant la teneur suivante:
«     

Art. 563.

Ceux dont l'attitude sur la voie publique est de nature à provoquer à la débauche.
     »

Art. 7.

Il est introduit dans le livre I, chapitre V du Code d'instruction criminelle un article 49bis ayant la teneur suivante:
«     

Art. 49bis.

Les membres du corps de police, du corps de gendarmerie et ceux du service de sûreté publique, ayant la qualité d'officier de police judiciaire conformément à l'article 9 du Code d'instruction criminelle, pourront entrer en tout temps dans les lieux livrés notoirement à la débauche.

     »

Art. 8.

L'article 1er N° 18 de la loi du 13 mars 1870 sur l'extradition est abrogé et remplacé par la disposition suivante:
«     

Art. 1er.

18°pour attentat aux moeurs, en excitant, facilitant ou favorisant, pour satisfaire les passions d'autrui, la débauche, la corruption ou la prostitution d'un mineur de l'un ou de l'autre sexe; embauchage, entrainement ou détournement d'une personne de l'un ou de l'autre sexe en vue de la prostitution ou de la débauche, pour satisfaire les passions d'autrui; détention contre son gré d'une personne dans une maison de débauche; contrainte sur une personne pour la prostitution; tenue d'une maison de débauche ou de prostitution; cession, location ou mise à la disposition de tout ou partie d'un immeuble en vue de la prostitution; acte de proxénète; exploitation habituelle de la débauche ou de la prostitution d'autrui.
     »

Art. 9.

Le N° 1 de l'article 2 de la loi du 2 août 1939 sur la protection de l'enfance est abrogé et remplacé par la disposition suivante:

Les père et mère condamnés par application des articles 372 à 377 et des articles 379 à 381 du Code pénal, telles que ces dispositions ont été modifiées par la loi du 1er avril 1968 ayant pour objet de supprimer la réglementation officielle de la prostitution et de renforcer la lutte contre la prostitution et le proxénétisme.

Art. 10.

Le N° 2 t, de l'article 25 de la loi du 12 août 1927 sur le régime des cabarets est abrogé et remplacé par la disposition suivante:

t)actes d'exploitation de la prostitution d'autrui et de proxénétisme prévus aux articles 379 et 379bis du Code pénal, tels qu'ils ont été modifiés par la loi du 1er avril 1968; provocation publique à la débauche prévue à l'article 382 du Code pénal, tel qu'il a été modifié par la loi du 1er avril 1968; outrages publics aux bonnes moeurs prévues aux articles 383 et 386 du Code pénal.

Art. 11.

Le N° 5 de l'article 4 de la loi du 31 juillet 1924 concernant la modification de la loi électorale, modifiée par la loi du 10 juillet 1950, est abrogé et remplacé par la disposition suivante: 5° ceux qui tiennent ou ont tenu une maison de débauche ou de prostitution.

Art. 12.

L'article 54 de la loi du 24 février 1843 sur l'organisation des communes - police administrative, le règlement du 5 juin 1855 concernant les maisons de débauche et les personnes qui se livrent à la prostitution, et l'article 385, 2° alinéa du Code pénal, sont abrogés.

Mandons et ordonnons que la présente loi soit insérée au Mémorial pour être exécutée et observée par tous ceux que la chose concerne.

Le Ministre de la Justice,

Jean Dupong

Palais de Luxembourg, le 1er avril 1968

Jean

Doc. parl. n° 1150, sess. ord. de 1964-1965 et 1967-1968.