Loi du 23 avril 1965 portant création d'un Fonds de solidarité viticole.

Nous JEAN, par la grâce de Dieu, Grand-Duc de Luxembourg, Duc de Nassau, etc., etc., etc.;

Notre Conseil d'Etat entendu;

De l'assentiment de la Chambre des Députés;

Vu la décision de la Chambre des Députés du 8 avril 1965 et celle du Conseil d'Etat du 14 du même mois portant qu'il n'y a pas lieu à second vote;

Avons ordonné et ordonnons:

Art. 1er.

Il est créé un Fonds de solidarité viticole nommé ci-après «Le Fonds».

Le Fonds est appelé à contribuer à l'amélioration et à l'orientation de la production viticole du pays et à l'assainissement du marché du vin et à venir en aide aux exploitants viticoles sinistrés. La réalisation de ces objectifs se fait en fonction d'une interdépendance des buts poursuivis par le Fonds.

Art. 2.

Un règlement d'administration publique établira les limites géographiques de l'aire naturelle du pays réservée à la culture de la vigne.

Art. 3.

Sans préjudice des règles établies par la Communauté économique européenne et dans la limite de ses ressources, le Fonds interviendra, par voie de primes, de subventions, de participation aux charges d'intérêts résultant d'emprunts contractés auprès d'un institut financier par les viticulteurs et leurs organismes, et d'assurances collectives, en vue de réaliser notamment:

a) l'amélioration de la production viticole, comprenant:
- la reconstitution des vignes à l'aide de cépages autorisés conformément aux dispositions légales en vigueur;
- l'aménagement des vignobles en terrasses et la construction de chemins dans les vignobles;
- l'équipment rationnel des installations de vinification et de conservation du vin;
b) la protection contre la grêle;
c) la lutte contre les gelées tardives;
d) l'assainissement du marché du vin par le warrantage des récoltes, la constitution de stocks régulateurs de vin, la résorption d'excédents de vin, l'utilisation du raisin à d'autres fins que la vinification et la propagande collective en faveur de la consommation du vin;
e) l'aide à accorder aux exploitants viticoles victimes de sinistres de récolte causés par les forces de la nature, à l'exception des calamités pouvant être assurées et des pertes de récoltes dues à des dégâts causés par des maladies cryptogamiques, des insectes nuisibles ou des viroses.

Le comité-directeur prévu à l'article 5 établira les critères objectifs selon lesquels se feront les interventions du Fonds. Ces critères seront approuvés par règlement d'administration publique.

Art. 4.

Le Fonds est alimenté par:

a)

une contribution obligatoire des exploitants viticoles sous forme d'une redevance perçue, soit au prorata de la superficie des vignes exploitées par eux, soit sous forme d'un prélèvement à opérer sur la recette brute obtenue lors de la commercialisation du vin à l'échelon du producteur, soit conjointement au prorata de la superficie et de la recette brute ci-dessus définies.

Pour les exploitants de vignobles situés sur le territoire luxembourgeois, ces redevances ne pourront dépasser vingt-sept francs par are au nombre indice cent ni cinq pour-cent du produit de la vente; ces redevances seront réduites de cinquante pour-cent en faveur des viticulteurs qui résident à l'étranger et qui exploitent des vignobles sis sur le territoire luxembourgeois mais n'écoulent pas le produit de ces vignobles sur le marché luxembourgeois, ainsi que des viticulteurs qui résident sur le territoire luxembourgeois et qui exploitent des vignobles sis à l'étranger dont le produit est écoulé sur le marché luxembourgeois.

b) les moyens publics alloués par le budget de l'Etat qui, sauf en cas de circonstances imprévues et exceptionnelles, ne pourront dépasser deux fois le montant des recettes perçues en vertu des dispositions sub a);
c) les subventions et donations qui pourraient lui être accordées par des tiers;
d) les intérêts des sommes formant les disponibilités du Fonds.

Le taux annuel de la contribution et les modalités d'exécution concernant les dispositions sub a) sont établis par le comité-directeur, désigné à l'article 5, sous réserve de l'approbation par le ministre ayant dans ses attributions la viticulture.

En cas de sinistres individuels ou généralisés dus aux forces de la nature, tels qu'ils sont visés à l'article 3 et dont l'importance dépasse cinquante pour-cent du rendement moyen général par hectare et par cépage des trois dernières années sans sinistres notables, établi par le comité-directeur, les exploitants sinistrés sont dispensés, pour l'année en question, du paiement de la redevance prévue à l'alinéa 1er.

Art. 5.

Le Fonds est géré par un comité-directeur composé comme suit:

- les cinq membres de la commission viticole du conseil national de l'agriculture, instituée par l'article 3 de l'arrêté grand-ducal du 29 décembre 1960 modifiant et complétant l'arrêté grand-ducal du 10 octobre 1945 portant modification de la loi du 4 avril 1924 concernant la création de chambres professionnelles;
- un délégué à désigner par le gouvernement et justifiant appartenir à une organisation professionnelle viticole ayant un statut légal;
- le délégué de la fédération des associations viticoles à désigner par celle-ci;
- deux délégués des caves coopératives des vignerons, à désigner par le groupement des caves coopératives de la Moselle luxembourgeoise;
- le délégué des viticulteurs indépendants, à désigner par le ministre ayant dans ses attributions la viticulture; dans le cas où au sein du comité-directeur ne siègent pas au moins deux viticulteurs indépendants, le ministre en désignera un deuxième;
- le délégué de la fédération des industries et du négoce des vins, liqueurs et spiritueux, à désigner par celle-ci;
- le délégué de la marque nationale du vin, à désigner par la commission de la marque nationale;
- le directeur de la station viticole de l'Etat;
- le délégué-fonctionnaire, expert en matière d'industries agricoles et viticoles, à désigner par le ministre ayant dans ses attributions la viticulture.

Le comité-directeur élit son président et son vice-président parmi ses membres.

Le Fonds est valablement constitué tant que son comité-directeur réunit au moins neuf des membres visés ci-dessus.

La durée du mandat des membres du comité-directeur est fixée par règlement d'administration publique.

Le comité-directeur arrête son règlement d'ordre intérieur, y compris le fonctionnement du secrétariat.

Il est loisible au ministre ayant dans ses attributions la viticulture de commissionner un fonctionnaire de son département pour assister aux réunions du comité-directeur. Ce délégué peut y prendre la parole chaque fois qu'il le désire et faire des propositions.

Art. 6.

Les décisions du comité-directeur sont prises à la majorité qualifiée des deux tiers des membres présents.

Les décisions applicables à la collectivité des vignerons sont publiées au Mémorial. Les décisions individuelles sont notifiées aux intéressés par lettre recommandée.

Art. 7.

Le Fonds possède la personnalité civile et l'autonomie financière.

Il a le droit de faire tous les actes rentrant dans l'accomplissement de sa mission. Il ne peut toutefois recevoir des dons et legs que conformément à la loi du 11 mai 1892 concernant l'acceptation des libéralités faites au profit de l'Etat, des communes, des hospices, des établissements pauvres d'une commune ou d'utilité publique.

Les valeurs mobilières et immobilières ainsi que les revenus en provenant sont affranchis de tous droits, taxes et impôts de l'Etat et des communes.

Le président ou, à son défaut, le vice-président représente le Fonds dans les actes judiciaires et extra-judiciaires.

Aucune saisie ne peut être pratiquée à charge du Fonds.

Art. 8.

Le Fonds doit constituer une réserve qui ne peut pas être inférieure à la moitié du montant moyen annuel de ses recettes au cours des trois derniers exercices. Les prélèvements annuels au profit du fonds de réserve sont à fixer par le comité-directeur.

Art. 9.

Le comité-directeur est responsable de la gestion du Fonds. Il doit annuellement produire au ministre ayant dans ses attributions la viticulture un rapport de gestion relatif aux opérations effectuées et aux sommes liquidées par groupe d'opérations. Le rapport est à présenter au cours des deux premiers mois qui suivent l'année en question.

Sur la demande du ministre, le Fonds est tenu de présenter ses livres et pièces justificatives, les documents relatifs à la détermination des interventions et les déclarations visées à l'article 10 ci-après.

Les comptes du Fonds sont soumis, avec les pièces justificatives, au contrôle de la chambre des comptes.

Les frais d'administration et de gestion du Fonds sont à charge de celui-ci.

Art. 10.

Les exploitants viticoles sont tenus de remettre au Fonds, endéans les trois mois qui suivent la publication de la présente loi, une déclaration d'exploitation. De même les exploitants doivent chaque année, avant le mois d'août, porter à la connaissance du Fonds tout changement intervenu dans leur exploitation par rapport à leur déclaration précédente.

En outre, les exploitants viticoles et les négociants en vin sont tenus de faire chaque année, au plus tard pour le 30 novembre, une déclaration de récolte et de stocks de vins. Cette déclaration est faite par les caves coopératives pour les exploitants qui leur sont affiliés. Les renseignements individuels obtenus par ces déclarations sont destinés à l'usage exclusif du Fonds et ne peuvent servir à des fins fiscales.

Les déclarations d'exploitation, de récolte et de stocks, sont à faire sur des formules établies par le comité-directeur du Fonds et mises à la disposition des déclarants.

Art. 11.

En cas de sinistre causé par les forces de la nature, l'aide éventuelle aux exploitants viticoles prévue à l'article 3 ne sera accordée que pour autant que la récolte est inférieure à cinquante hectolitres de moût naturel par hectare. Un règlement d'administration publique peut, en cas de besoin, augmenter et diminuer cette norme de vingt-cinq pour-cent au maximum.

Art. 12.

Sont exclus du bénéfice des avantages prévue à l'article 3 ci-dessus:

a) les exploitants de vignes ou de parcelles de vignes établies ou maintenues sans l'autorisation du ministre ayant dans ses attributions la viticulture, conformément aux dispositions légales existantes en matière d'aménagement et de réduction des plantations de vignes;
b) les exploitants de vignes ou de parcelles de vignes portant des cépages interdits, conformément aux dispositions légales existantes en matière de cépages;
c) les exploitants viticoles qui ont fait de fausses déclarations ou fourni de faux renseignements au sujet des dispositions des articles 10 et 11 ci-dessus ou qui n'ont pas fourni au Fonds les renseignements écrits que le comité-directeur leur a demandés pour l'instruction des demandes présentées par eux;
d) les exploitants de vignes situées sur le territoire d'un pays étranger, pour les parcelles établies après la publication de la présente loi.

Art. 13.

A défaut de payement volontaire, le recouvrement des redevances prévues à l'article 4 est fait par l'administration de l'enregistrement et des domaines.

Le recouvrement des redevances est poursuivi et les contestations sont jugées conformément aux règles applicables en matière d'enregistrement.

Art. 14.

Sans préjudice des sanctions prévues à l'article 12 de la présente loi, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de cinq cent un à cent mille francs ou d'une de ces peines seulement, les exploitants viticoles et les négociants en vin qui auront refusé de fournir les déclarations visées à l'article 10 ou qui auront fourni de fausses déclarations. Les dispositions du livre 1er du code pénal ainsi que la loi du 18 juin 1879 portant attribution aux cours et tribunaux de circonstances atténuantes telle qu'elle a été modifiée par la loi du 16 mai 1904 sont applicables.

Mandons et ordonnons que la présente loi soit insérée au Mémorial pour être exécutée et observée par tous ceux que la chose concerne.

Le Ministre de l'Agriculture et de la Viticulture,

Emile Colling

Le Ministre du Budget,

Antoine Wehenkel

Château de Berg, le 23 avril 1965

Jean

Doc. parl. N° 1043, sess. ord. 1963-1964 et 1964-165