Loi du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques.

Nous CHARLOTTE, par la grâce de Dieu, Grande-Duchesse de Luxembourg, Duchesse de Nassau, etc., etc., etc.;

Vu la loi du 3 août 1953 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques;

Notre Conseil d'Etat entendu;

De l'assentiment de la Chambre des Députés;

Vu la décision de la Chambre des Députés en date du 19 janvier 1955 et celle du Conseil d'Etat en date du 1er février 1955 portant qu'il n'y a pas lieu à second vote;

Avons ordonné et ordonnons:

Art. 1er.

Un règlement d'administration publique prescrira les mesures de police auxquelles sera soumise la circulation sur les voies publiques et sur les voies ouvertes au public.

Il établira notamment:

les dispositions concernant l'identification, l'immatriculation, le contrôle et l'aménagement des véhicules y compris celui de leurs chargements;
les règles concernant le transport des personnes, les permis de conduire et les conditions à remplir par les conducteurs et les instructeurs;
les prescriptions relatives aux voies publiques et à la signalisation routière.

Art. 2.

Les permis de conduire civils seront délivrés, renouvelés et retirés par le Ministre des Transports ou son délégué.

Les permis de conduire militaires seront délivrés, renouvelés et retirés par le Chef d'Etat-Major ou son délégué.

Les instructeurs civils seront agréés par le Ministre des Transports ou son délégué.

Les instructeurs militaires seront agréés par le Chef d'Etat-Major ou son délégué.

Les cartes d'immatriculation pour tous les véhicules automoteurs, pour les remorques et les véhicules forains, ainsi que les cartes d'identité spéciales pour véhicules munis d'un signe distinctif particulier, seront délivrées par le Ministre des Transports ou son délégué.

Les fiches caractéristiques pour les véhicules de l'Armée seront établies par le Chef d'Etat-Major ou son délégué.

Art. 3.

Le Ministre des Transports est habilité à délivrer des autorisations individuelles et à édicter des prescriptions spéciales concernant:

l'augmentation du nombre des remorques à traîner par un véhicule automoteur;
l'augmentation, pour des cas exceptionnels, des maxima légaux des dimensions et poids des véhicules;
l'emploi de signaux acoustiques spéciaux et de signes d'identité spéciaux pour des usages et des services déterminés;
le maintien en service d'autobus et d'autocars sans l'observation de certaines dispositions à édicter par règlement d'administration publique;
la dispense pour certains véhicules appartenant à l'Etat de porter le signe d'identité spécial qui pourra être prescrit pour ces véhicules;
l'usage de signes distinctifs particuliers pour des besoins spéciaux;
les compétitions sportives sur les voies publiques;
la faculté de frapper, lors du remplacement du moteur ou d'une partie du moteur, du châssis ou d'une partie du châssis d'un véhicule automoteur, dans le nouveau moteur, dans le nouveau châssis ou dans la nouvelle pièce le numéro de fabrication de la pièce remplacée ou un autre numéro.

Un règlement d'administration publique déterminera les cas où le Ministre des Transports, les ingénieurs d'arrondissement et les commissaires de district pourront temporairement interdire ou restreindre la circulation et fixera les conditions sous lesquelles ces interdictions ou restrictions pourront être ordonnées.

Des règlements d'administration publique pourront limiter sur certaines routes d'une façon permanente la circulation à certaines catégories de véhicules.

Art. 4.

Le Ministre des Transports est autorisé à réglementer les matières suivantes par voie d'arrêté ministériel:

les modalités du certificat médical pour l'obtention du permis de conduire;
les conditions d'admission des instructeurs agréés, les matières de l'examen auquel les candidats-instructeurs devront se soumettre ainsi que le matériel et les locaux dont les instructeurs doivent disposer;
les matières d'examen pour le permis de conduire de la catégorie «chauffeur professionnel»;
le fonctionnement d'un système de contrôle pour véhicules automoteurs et remorques et le prix des contrôles;
le prix des leçons des instructeurs.

Un arrêté du Ministre des Affaires Etrangères et du Ministre des Transports déterminera les catégories de personnes qui pourront bénéficier de l'autorisation de munir leurs véhicules automoteurs de plaques portant les lettres latines CD.

Art. 5.

Les autorités communales pourront réglementer et même interdire en tout ou en partie, temporairement ou d'une façon permanente, la circulation sur tout ou partie d'une voie publique du territoire de la commune cependant les mesures concernant les véhicules sur rails autres que les tramways communaux ou intercommunaux sont soustraites à leur compétence. Les autorités communales pourront en outre régler les conditions auxquelles seront soumis les taxis.

Les règlements communaux concernant les matières visées à l'alinéa qui précède sont soumis à l'approbation des Ministres de l'Intérieur et des Transports.

Cette approbation n'est pas requise pour les règlements ou interdictions d'une durée inférieure à 15 jours qui, en cas d'urgence, peuvent être édictés par le bourgmestre,

Art. 6.

Les commissaire de district, les officiers de la police judiciaire, les agents de la gendarmerie et de la police ainsi que les agents de l'Administration des Ponts et Chaussées spécialement habilités à cet effet par l'Ingénieur en chef-Directeur de l'Administration des Ponts et Chaussées sont chargés d'assurer l'exécution des dispositions légales et réglementaires et de dresser procès-verbal des infractions à ces dispositions.

Art. 7.

Les infractions aux prescriptions édictées en vertu des articles 1, 4 et 5 et aux conditions fixées dans les autorisations individuelles délivrées ou aux prescriptions spéciales édictées conformément à l'article 3, ainsi qu'aux interdictions de circuler ordonnées sur la base de l'article 3 de la présente loi, seront punies d'une amende de 200 à 500 francs et d'un emprisonnement d'un jour à sept jours ou d'une de ces peines seulement.

En cas de récidive, l'amende sera de 500 francs.

Art. 8.

Les articles 58, 565 et 566 du code pénal sont applicables aux infractions punies par l'article 7 de la présente loi.

Art. 9.

Tout usager de la voie publique qui, sachant qu'il a causé ou occasionné un accident, aura pris la fuite pour échapper aux constatations utiles, sera puni, même si l'accident n'est pas imputable à sa faute, d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de 501 à 10.000 francs ou d'une de ces peines seulement.

Art. 10.

Le conducteur et le propriétaire d'un véhicule automoteur qui conduiront ou laisseront conduire ce véhicule sans être couverts par un contrat d'assurance conclu dans le pays auprès d'une compagnie agréée dans le Grand-Duché et représentant des garanties suffisantes pour couvrir les risques des accidents causés aux tiers, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une anrende de 501 à 10.000 francs ou d'une de ces peines seulement.

Un règlement d'administration publique pourra étendre la prescription de l'assurance obligatoire prévue à l'alinéa qui précède aux conducteurs et propriétaires d'autres véhicules et prévoir des exceptions à l'assurance obligatoire pour les véhicules automoteurs d'un poids propre inférieur à 400 kg et destinés principalement à exécuter des travaux.

Les conditions auxquelles les contrats d'assurance doivent satisfaire seront fixées par un règlement d'administration publique.

Toutefois les véhicules immatriculés à l'étranger et appartenant à des personnes non domiciliées dans le Grand-Duché ainsi que les véhicules automoteurs immatriculés au Luxembourg et appartenant à des missions diplomatiques ou des membres du Corps diplomatique accrédités au Grand-Duché de Luxembourg, sont admis à circuler aux conditions à fixer par règlement d'administration publique.

Art. 11.

Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de 501 à 10.000 francs ou d'une de ces peines seulement, celui qui se sera sciemment servi d'un véhicule automoteur ou d'un cycle, sans le consentement exprès ou tacite du propriétaire ou de la personne qui l'a sous sa garde.

Art. 12.

Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an ou d'une amende de 501 à 10.000 francs ou d'une de ces peines seulement celui qui, en état d'ivresse, aura conduit un véhicule automoteur ou un cycle.

En cas de récidive dans l'année, l'interdiction de conduire et la confiscation spéciale ou l'amende subsidiaire prévue à l'article 14 de la présente loi, seront toujours prononcées.

S'il existe des indices graves faisant présumer qu'une personne qui conduit ou s'apprête à conduire un véhicule automoteur ou un cycle se trouve en état d'ivresse, cette personne pourra être astreinte à subir un examen médical portant sur le degré d'intoxication alcoolique. Cet examen pourra être complété par une prise de sang pour autant que l'intéressé ne s'y oppose pas. L'examen médical et la prise de sang ne pourront être effectués que par un médecin figurant sur la liste publiée au Mémorial en exécution de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1901 sur l'exercice de l'art de guérir. L'examen médical sera ordonné en cas d'opposition du conducteur, soit par le juge d'instruction, soit par le Procureur d'Etat, soit par les agents de la gendarmerie ou de la police qui auront constaté le fait. Les modalités de l'examen médical et de la prise de sang seront fixées par un règlement d'administration publique. Les questionnaires à remplir par le médecin à l'occasion de l'examen médical et de la prise de sang seront déterminés par arrêté ministériel.

Celui qui, dans les conditions de l'alinéa qui précède, refuse de se prêter à l'examen médical sera puni des peines prévues à l'alinéa premier du présent article.

Art. 13.

Le juge saisi d'une ou de plusieurs infractions contre la réglementation de la circulation des véhicules sur les voies publiques ou de délits ou de crimes qui se sont joints à ces infractions, pourra prononcer une interdiction de conduire de huit jours à un an en matière de contraventions et de trois mois à quinze ans en matière de délits et de crimes.

Le juge qui prononcera l'interdiction de conduire spécifiera dans tous les cas les catégories de véhicules auxquels elle s'appliquera.

L'interdiction de conduire pourra être prononcée à titre provisoire par le juge d'instruction sur requête du Procureur d'Etat contre une personne poursuivie pour infraction à la présente loi ou pour délit ou crime joints à une ou plusieurs contraventions contre la réglementation de la circulation des véhicules sur la voie publique. L'ordonnance du juge pourra être attaquée par le Procureur d'Etat, conformément aux dispositions de l'art. 119 du Code d'instruction criminelle, modifié par l'art. 19 de la loi du 19 novembre 1929 sur l'instruction contradictoire.

L'interdiction de conduire produira ses effets à partir du jour où la décision qui l'a prononcée aura acquis l'autorité de la chose jugée. Les dispositions Concernant les modalités, les effets et l'exécution de l'interdiction de conduire seront déterminées par règlement d'administration publique. L'interdiction provisoire prononcée par le juge d'instruction n'est pas imputée sur l'interdiction de conduire prononcée par jugement ou arrêt.

Lorsque plusieurs interdictions sont prononcées à charge de la même personne, elles doivent être subies successivement.

Toute personne qui conduira un véhicule sur les voies publiques malgré l'interdiction de conduire judiciaire ou le retrait des permis de conduire ordonné par décision administrative, sera condamnée à une peine d'emprisonnement de huit jours à un an et à une amende de 501 à 10.000 francs ou à une de ces peines seulement.

En cas d'interdiction de conduire judiciaire, le Procureur d'Etat fera retirer les permis de conduire qui se trouvent en possession de la personne qui fait l'objet de la mesure d'interdiction. Le refus de remettre les permis de conduire aux agents chargés de l'exécution du retrait sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un mois et d'une amende de 501 à 10.000 francs ou de l'une de ces peines seulement.

Art. 14.

Pour autant qu'il n'en est pas autrement disposé dans la présente loi, la loi du 18 juin 1879 sur l'appréciation des circonstances atténuantes, modifiée par celle du 16 mai 1904 ainsi que le livre 1er du Code pénal sont applicables aux infractions prévues par la présente loi.

La confiscation spéciale prévue par les articles 42 et 43 du Code pénal est facultative pour le juge.

Les agents de la gendarmerie ou de la police qui constatent l'infraction ont le droit de saisir le véhicule susceptible d'une confiscation ultérieure; cette saisie ne pourra être maintenue que si elle est validée dans les cinq jours par ordonnance du juge d'instruction.

La mainlevée de la saisie et de l'interdiction de conduire prononcées par ordonnance du juge d'instruction peut être demandée en tout état de cause, à savoir:

à la chambre du conseil pendant l'instruction;
au tribunal correctionnel, lorsque celui-ci se trouve saisi par l'ordonnance de renvoi ou par la citation directe;
à la cour supérieure de justice, section correctionnelle, si appel a été interjeté ou s'il a été formé un pourvoi en cassation.

La requête sera déposée au greffe de la juridiction appelée à y statuer. Il y sera statué d'urgence et au plus tard dans les trois jours du dépôt, le ministère public et l'inculpé ou son défenseur entendus en leurs explications orales ou dûment appelés.

Le jugement qui ordonne la confiscation du véhicule prononcera, pour le cas où celle-ci ne pourrait être exécutée, une amende qui ne dépassera pas la valeur du véhicule. Cette amende aura le caractère d'une peine.

Art. 15.

En cas de contraventions légères punies par l'article 7 de la présente loi, les agents de la gendarmerie habilités à cet effet par le Chef de la gendarmerie et les agents de la police habilités à cet effet par le Directeur de la police peuvent donner un avertissement taxé, si le contrevenant est âgé de plus de 18 ans et verse immédiatement entre leurs mains une taxe dont le montant ne peut être supérieur au maximum de l'amende prévue pour ces contraventions. Le montant de cette taxe sera fixé par un règlement d'administration publique qui déterminera les modalités d'application de ces dispositions.

Le versement de la taxe aura pour effet d'arrêter toute poursuite, sauf si l'officier du ministère public près les tribunaux de police notifie à l'intéressé dans le mois à partir de la perception de la taxe qu'il entend exercer des poursuites. L'ordonnance pénale ou le jugement qui statuera sur la prévention ordonnera, en cas d'acquittement, que la taxe versée sera remboursée et, en cas de condamnation, qu'elle sera imputée sur l'amende prononcée.

Art. 16.

Si le Procureur d'Etat estime qu'une ou plusieurs infractions aux articles 9, 10, 11, 12 al. 1er et 4, et 13 al. 6 et 7 de la présente loi sont de nature à n'entraîner ni une peine d'emprisonnement, ni la confiscation du véhicule, ni une interdiction de conduire et qu'il n'y ait pas de partie civile en cause, il saisira le tribunal correctionnel d'un réquisitoire écrit tendant à l'application des peines.

Le tribunal y statuera par une ordonnance écrite rendue en chambre du conseil. Dans ces cas il pourra prononcer des amendes de 501 à 10.000 francs. La même ordonnance statuera sur les contraventions constatées à la même occasion que le délit, ainsi que sur les frais et la contrainte par corps.

Si le tribunal n'agrée pas le réquisitoire du Procureur d'Etat, celui-ci portera l'affaire à l'audience.

L'ordonnance indiquera, outre les condamnations qu'elle porte, les circonstances constitutives des infractions et les dispositions légales qu'elle applique.

La notification de l'ordonnance sera faite à la requête du Procureur d'Etat par les soins du greffier du tribunal d'arrondissement dans les formes prévues par la loi du 15 juillet 1914 sur les significations en matière répressive.

L'ordonnance sera assimilée dans ses effets à un jugement par défaut.

L'opposition écrite entre les mains du Procureur d'Etat devra être faite dans les délais fixés par l'article 187 du Code d'instruction criminelle. A défaut d'opposition dans ce délai l'ordonnance deviendra exécutoire.

L'ordonnance n'est pas susceptible d'appel.

Les frais des actes prévus, établis conformément aux règles qui régissent le calcul des frais en matière d'ordonnance pénale, seront liquidés dans l'ordonnance à charge du prévenu.

Mention du texte des alinéas 6, 7 et 8 qui précèdent doit être faite sur l'expédition de l'ordonnance signifiée. Le Procureur d'Etat et le greffier du tribunal d'arrondissement observeront en outre les prescriptions réglementaires concernant l'organisation des ordonnances pénales.

Cette procédure est applicable aux infractions prévues aux articles 5, 6, 7, 8 al. 1er, 9 al. 3 de la loi du 3 août 1953 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, pour lesquelles les prévenus ne sont pas encore cités ou renvoyés devant le tribunal correctionnel au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 17.

L'article 1er, al 3d de la loi du 31 juillet 1924 concernant l'organisation des ordonnances pénales est abrogé.

Art. 18.

La loi du 3 août 1953 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques est abrogée. Elle reste applicable pour l'appréciation des infractions commises avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

Les dispositions de l'arrêté grand-ducal du 23 novembre 1950 portant règlement de la circulation sur les voies publiques modifiées par l'arrêté grand-ducal du 23 décembre 1950, resteront applicables jusqu'à la mise en vigueur des règlements d'administration publique prévus par les articles 1er, 3, 10, 12, 13 et 15 de la présente loi.

Mandons et ordonnons que la présente loi soit insérée au Mémorial pour être exécutée et observée par tous ceux que la chose concerne.

Le Ministre des Transports, des Travaux Publics et de la Justice,

Victor Bodson.

Le Ministre des Affaires Etrangères,

Joseph Bech.

Le Ministre de l'Intérieur,

Pierre Frieden.

Le Ministre des Finances et de la Force Armée,

Pierre Werner.

Luxembourg, le 14 février 1955.

Charlotte.