Loi du 30 janvier 1951 ayant pour objet la protection des bois.

Nous CHARLOTTE, par la grâce de Dieu, Grande-Duchesse de Luxembourg, Duchesse de Nassau, etc., etc., etc.;

Notre Conseil d'Etat entendu;

De l'assentiment de la Chambre des Députés;

Vu la décision de la Chambre des Députés du 18 janvier 1951 et celle du Conseil d'Etat du 30 janvier 1951 portant qu'il n'y a pas lieu à second vote;

Avons ordonné et ordonnons:

Art. 1er.

Celui qui voudra procéder au défrichement d'un terrain boisé de plus de 2 ha ou à une coupe considérée comme excessive selon les termes de l'art. 2 devra en faire la déclaration par lettre recommandée au Ministre ayant dans ses attributions l'Administration des eaux et forêts avec désignation exacte de la situation et de la contenance du bois où ces opérations doivent avoir lieu.

S'il habite l'étranger la déclaration contiendra sous peine de nullité élection de domicile dans le canton ou l'un des cantons de la situation du terrain à défricher ou à déboiser.

Le Gouvernement a le droit de s'opposer au défrichement ou à toute coupe excessive dans les bois appartenant à des particuliers et dont la conservation importe à l'intérêt général aux termes de l'art. 4.

Art. 2.

Est considérée comme coupe excessive toute exploitation qui ne laisse pas sur pied par are

a) dans les futaies pleines un matériel ligneux d'au moins 1,50 m3 de bois ayant au minimum 7 cm de diamètre au fin bout et constitué par les essences principales à rajeunir;
b) dans les taillis sous futaie au moins 0,50 m3 de bois de même dimension au fin bout, taillis non compris.

Il pourra toutefois être procédé en tout temps à l'enlèvement des chablis, des bois morts et malades.

Art. 3.

Le droit d'opposition ne s'applique pas à l'exploitation:

a) Des bois feuillus (futaies pleines ou taillis sous futaie) d'une contenance inférieure à 2 ha formant un seul tenant, abstraction faite des numéros cadastraux et appartenant au même propriétaire. Le bénéfice de cette disposition ne s'étend pourtant pas aux bois qui, par l'effet d'un partage ou d'un lotissement intervenu depuis moins de dix ans, ont été détachés d'un bois feuillu qui mesurait avant le partage ou le lotissement plus de 2 ha d'un seul tenant;
b) Des peuplements résineux qui ont dépassé l'âge de 50 ans;
c) Des taillis simples y compris les haies à écorce ou des taillis sous futaie dans lesquels la futaie ne dépasse pas 0,25 m3 par are;
d) Des jeunes bois pendant les dix premières années après leur semis ou plantation, sauf les terrains boisés ou reboisés en exécution de la présente loi.

Art. 4.

L'opposition devra être justifiée par l'intérêt général ou par la nécessité:

de maintenir les terres sur les hauteurs et sur les pentes;
de défendre le sol contre les érosions et les envahissements des eaux;
de sauvegarder l'hygiène et la salubrité publique;
de protéger les sources;
de sauvegarder la surface boisée pour les terrains à vocation forestière.

Art. 5.

Le Ministre compétent commettra un agent du service forestier pour reconnaître la situation et l'état du bois ainsi que pour donner un avis motivé sur l'objet de la déclaration prescrite à l'art. 1er.

La désignation et la mission de l'agent commis sont portées à la connaissance de la partie déclarante dans les dix jours de la réception de cette déclaration. A défaut de désignation d'agent, le déclarant pourra se pourvoir, dès l'expiration du prédit délai, devant le Président du Comité du Contentieux du Conseil d'Etat, par simple requête, sur papier libre, signée d'un avocat inscrit au tableau du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg, pour voir commettre l'agent instrumentaire et fixer la mission prévue par l'alinéa qui précède.

L'agent commis dressera un procès-verbal détaillé de sa mission dans les vingt jours suivant l'expiration du délai de dix jours prévu à l'al. 2 ou, sur pourvoi, dans les vingt jours suivant la notification de l'ordonnance présidentielle.

Les frais de ces opérations sont à charge de l'Etat.

Dans les vingt jours de la réception dudit procèsverbal, le Ministre compétent, sur le vu de l'avis écrit du directeur de l'Administration des eaux et forêts, notifiera au déclarant sa décision qui, en cas d'opposition, devra être motivée.

Dans les vingt jours suivant la notification de la décision d'opposition, l'intéressé devra, sous peine de forclusion, communiquer ses moyens de défense au Ministre compétent qui y statuera par une décision motivée. Cette décision sera notifiée au déclarant dans les vingt jours suivant cette communication.

En cas de confirmation de l'opposition, l'intéressé devra, sous peine de forclusion, se pourvoir dans le mois de la notification de la décision ministérielle devant le Conseil d'Etat, Comité du Contentieux, qui statuera comme juge d'appel, en dernière instance.

A défaut par le Ministre compétent de prendre les décisions imposées par la présente loi ou à défaut par l'agent commis de déposer son procèsverbal, l'expiration de chacun des délais ci-dessus équivaut à décision de rejet et ouvre à l'intéressé le recours devant le Conseil d'Etat, Comité du Contentieux, saisi définitivement de la cause et statuant comme dit ci-avant.

Art. 6.

Il appartient au Gouvernement, et sur recours, au Conseil d'Etat de subordonner en tout état de cause la coupe à des conditions et à des engagements à prendre par le requérant pour l'exploitation, le reboisement, la mise en culture ainsi que les travaux de dégagement ou même de reboisement d'autres parcelles.

Au cas d'inexécution des engagements, l'Administration des eaux et forêts pourra faire procéder d'office à l'exécution des travaux aux frais du propriétaire.

Art. 7.

En cas d'infraction aux interdictions prononcées par le Gouvernement ou le Conseil d'Etat, aux conditions fixées par les décisions intervenues ou aux engagements pris en exécution de ces décisions, le directeur des eaux et forêts pourra faire suspendre l'exploitation par mesure provisoire et mettre sous séquestre, aux frais du contrevenant, les bois abattus et non enlevés. Il pourra requérir à cet effet la force publique.

Art. 8.

Sera puni d'une amende de 200 à 400 francs par are déboisé:

celui qui aura ordonné ou effectué un défrichement ou une coupe considérée comme excessive sans avoir préalablement obtenu l'autorisation prescrite par l'article 1er ou aura contrevenu aux décisions rendues ou aux engagements pris en vertu de la présente loi;
celui qui, dans les bois visés aux dispositions qui précèdent, fait ou laisse mutiler les arbres dans le but d'éluder la loi.

La confiscation des bois abattus ou mutilés sera ordonnée. Si la confiscation ne peut être prononcée, le délinquant sera condamné à payer la valeur des bois au moment de l'infraction suivant la fixation qui en sera faite par le jugement.

Art. 9.

Le jugement de condamnation fixera un délai, qui ne dépassera pas trois ans, endéans lequel le condamné aura à reboiser le terrain à ses frais et sous le contrôle de l'Administration des eaux et forêts. Faute par lui de faire le reboisement dans le délai imparti, il y sera pourvu à ses frais à la diligence de l'Administration forestière. Le reboisement doit être effectué même au cas où la parcelle déboisée aura changé de propriétaire depuis l'époque de l'infraction.

En cas de condamnation de l'exploitant et de l'entrepreneur de l'abatage, le propriétaire ou l'usufruitier à l'époque de l'infraction sera déclaré solidairement responsable des amendes, frais de procédure et frais de reboisement à moins que le propriétaire ou l'usufruitier ne prouve que l'infraction a été perpétrée à son insu.

Art. 10.

Les infractions ci-avant spécifiées sont constatées par les agents de la police générale et locale ainsi que par les agents assermentés de l'Administration des eaux et forêts. Les procès-verbaux réguliers de ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire.

Art. 11.

Les condamnations seront prononcées par le tribunal de police du canton ou de l'un des cantons de la situation du terrain où l'infraction a été commise. L'action publique appartient au ministère public et sera exercée en son nom. Toutefois le service des audiences est confié au chef de cantonnement pour les affaires de son cantonnement forestier.

Art. 12.

L'action publique se prescrit par deux ans à dater de l'époque de la consommation de l'infraction. Le droit de l'Administration forestière de pourvoir au reboisement des lieux conformément à l'article 10, se prescrit par trois ans, à partir de l'expiration du délai imparti au condamné par le jugement de condamnation.

Art. 13.

La loi du 29 mars 1934 ainsi que toutes autres dispositions contraires à la présente loi sont abrogées.

Mandons et ordonnons que la présente loi soit insérée au Mémorial pour être exécutée et observée par tous ceux que la chose concerne.

Le Ministre de l'intérieur,

Eugène Schaus.

Luxembourg, le 30 janvier 1951.

Charlotte.