Loi du 27 novembre 1933 concernant le recouvrement des contributions directes, des droits d'accise sur l'eau-de-vie et des cotisations d'assurance sociale.

Nous CHARLOTTE, par la grâce de Dieu Grande-Duchesse de Luxembourg, Duchesse de Nassau, etc., etc., etc. ;

Notre Conseil d'Etat entendu ;

De l'assentiment de la Chambre des députés ;

Vu la décision de la Chambre des députés du 16 novembre 1933 et celle du Conseil d'Etat du 17 du même mois, portant qu'il n'y a pas lieu à second vote ;

Avons ordonné et ordonnons :

Art. 1er.

Le Trésor a pour le recouvrement des contributions directes :

le droit d'exécution sur contrainte administrative ;
un privilège s'exerçant avant tout autre sur tous les meubles et autres effets mobiliers appartenant aux redevables en quelque lieu qu'ils se trouvent ;
une hypothèque légale dispensée d'inscription sur tous les immeubles des redevables.

Le privilège et l'hypothèque légale prennent cours à partir du 1er janvier de l'année d'imposition et cessent leur effet le 31 décembre de la deuxième année qui suit l'année de l'imposition.

L'administration des contributions pourra demander aux étrangers qui viennent s'établir dans le pays et qui n'y possèdent pas d'immeubles, en garantie des impôts d'une année entière à évaluer par l'administration des contributions, la consignation d'une somme ou la présentation d'une caution solidaire solvable.

Art. 2.

Lorsqu'il échet de différer les mesures d'exécution immédiates, l'administration pourra requérir l'inscription de l'hypothèque légale. Cette inscription conserve à la créance du Trésor pendant deux années supplémentaires les garanties et le rang lui assignés par le n° 3 de l'art. 1er, à condition qu'elle soit prise avant le 31 décembre de l'année à la fin de laquelle l'hypothèque légale dispensée d'inscription doit s'éteindre.

Art. 3.

Le recouvrement des impositions communales, des taxes sur les véhicules à moteur mécanique, s'opérera et se poursuivra dans les mêmes formes et avec les mêmes privilège et hypothèque légale que celui des contributions directes.

Il en sera de même du recouvrement des cotisations, avances sur cotisations, amendes d'ordre et autres prestations dues par les employeurs et les assurés à l'association d'assurance contre les accidents, à l'établissement d'assurance contre la vieillesse et l'invalidité, aux caisses de maladie, à la caisse de pension des employés privés ou aux chambres professionnelles.

Art. 4.

Les époux habitant ensemble, même séparés de biens, et les autres personnes imposées collectivement, sont solidairement redevables des contributions directes et des sommes assimilées à ces dernières par l'art. 3, imposées au nom du mari, resp. de la collectivité; les droits du Trésor prévus à l'art. 1er sont exercés pour la cote intégrale indistinctement sur les biens de l'un ou de l'autre membre de la collectivité ou de l'un ou de l'autre époux, quel que soit le régime matrimonial qui régit le mariage.

Art. 5.

Le Trésor a pour le recouvrement des droits d'accise nés après la mise en vigueur de la présente loi :

les droits prévus aux n° 1 et 2 de l'art, 1er de la présente loi. Le privilège prend cours pour les droits d'accise à partir du jour de la déclaration de travail, resp. du jour de la remise d'alcool pour les distilleries pourvues d'appareils de contrôle, et cesse ses effets le 31 décembre de la deuxième année civile après celle pendant laquelle les droits ont pris naissance ;

une hypothèque légale sur les immeubles du distillateur à condition d'inscrire sur les registres du conservateur des hypothèques, par une ou plusieurs inscriptions, le montant des droits d'accise nés ou à naître et autres sommes à recouvrer sur lui du chef de l'exploitation de la distillerie, pour lesquels l'administration entend faire crédit au distillateur, en y ajoutant les intérêts et les frais d'exécution. Ces inscriptions auront effet à partir de leur date et assigneront rang au Trésor pour tous les droits et accessoires à naître postérieurement à l'inscription.

L'inscription de l'hypothèque légale grève tous les immeubles tant actuels que futurs, sans qu'ils soient désignés spécialement; elle conserve rang de la créance du Trésor jusqu'au 31 décembre de la quatrième année civile qui suit celle dans laquelle les droits d'accise ont pris naissance.

Art. 6.

Le Trésor a pour le recouvrement des droits d'accise fraudés et des amendes dues par les personnes qui n'ont pas régulièrement déclaré l'exploitation d'une distillerie resp. par les distillateurs qui ont contrevenu aux prescriptions légales, réglementaires ou administratives sur la matière, les droits et garanties prévus à l'art. 5.

L'hypothèque pourra être inscrite à charge de ces personnes lorsqu'il existe des preuves ou présomptions graves de faits frauduleux. Si l'hypothèque légale prise à charge d'un distillateur se trouve insuffisante pour recouvrer les droits fraudés, les amendes, intérêts et frais, l'administration prendra une inscription supplémentaire qui, toutefois, n'aura d'effet et rang qu'à partir de sa date ; l'hypothèque légale prévue par le présent article aura la même durée que celle prévue par l'art. 5.

Art. 7.

Les art. 4, 5 et 6 de la loi du 27 juillet 1925 sur le régime fiscal des eaux-de-vie sont abrogés et remplacés par les dispositions ci-après :

Pour les déclarations de travail resp. les remises d'alcool postérieures à la mise en vigueur de la présente loi, l'administration des contributions peut accorder aux distillateurs un terme de crédit de six mois au plus si la fortune des redevables et les garanties prévues à l'art. 5 présentent une couverture suffisante pour le paiement des droits dus ou si le redevable fournit une garantie mobilière ou un cautionnement à la satisfaction du receveur ; en cas de désaccord entre ce dernier et le redevable, le directeur des contributions statuera.

Le Gouvernement pourra décréter, par mesure générale, que les sommes dues depuis trois mois et plus seront productives d'intérêt et il fixera le taux des intérêts.

Un règlement d'administration publique déterminera les conditions de la constitution des cautionnements susdits.

Lorsque le débiteur n'acquitte pas les droits dus à l'échéance d'un terme, il pourra être contraint au paiement tant des droits dus et échus que de ceux qui sont dus et non encore échus.

Sans égard aux droits des tiers, l'eau-de-vie sert de garantie au paiement du droit d'accise dont elle est grevée et peut, tant que ce droit n'a pas été acquitté, être saisie ou retenue par l'administration. L'administration des contributions peut vendre l'eau-de-vie saisie soit par soumission, soit de gré à gré, sans autre formalité, sauf à prévenir, par lettre recommandée, le redevable, s'il n'a pas adhéré d'avance aux conditions de la vente. Le redevable peut s'opposer à la vente si dans la huitaine de la date de l'information il verse les sommes dues ou s'il est en mesure de signaler à l'administration un acquéreur solvable qui offre, toutes autres conditions restant égales, un prix plus avantageux.

L'action publique pour infraction aux dispositions de la loi sur le régime des eaux-de-vie se prescrit conformément à l'art. 638 du Code d'instruction criminelle ; les peines pénales se prescrivent conformément à l'art. 92 du Code pénal.

Art. 8.

Tous fermiers, locataires, receveurs, économes, notaires et autres dépositaires et débiteurs de deniers appartenant ou dus aux redevables, seront tenus, sur la demande qui leur en sera faite, de payer en l'acquit des redevables et sur le montant des fonds qu'ils doivent ou qui sont en leurs mains, jusqu'à concurrence de tout ou partie des sommes dues par ces derniers, d'après l'ordre et le rang assignés aux créances du Trésor par la présente loi. Les quittances des receveurs pour les sommes légitimement dues leur seront allouées en compte.

Art. 9.

Le directeur des contributions ou son délégué fera inscrire l'hypothèque légale, s'il y a lieu ; il pourra donner mainlevée totale ou partielle de l'hypothèque légale sur tous les immeubles ou sur ceux qu'il désignera, lorsqu'il jugera que les droits du Trésor resteront suffisamment garantis.

En cas de renonciation au crédit de la part d'un distillateur, le directeur des contributions ou son délégué requerra la radiation des inscriptions prises en faveur du Trésor aussitôt que toutes les sommes à percevoir seront perçues.

L'inscription, la radiation totale ou partielle de l'hypothèque légale sera faite par le conservateur des hypothèques, sur bordereau sur papier libre et sans autres frais que les émoluments du conservateur. Les frais éventuels sont à charge des redevables et sont recouvrés avec les mêmes garanties que le principal.

Art. 10.

La créance du Trésor se prescrit par cinq ans nonobstant la prescription plus courte des privilèges et hypothèque légale. Cette prescription s'applique à tous impôts, taxes, cotisations, droits d'accises, amendes, frais et autres perceptions généralement quelconques dont est chargée l'administration des contributions, sauf la prolongation conventionnelle des droits du Trésor. La prescription prend cours à partir du 31 décembre de l'année pour laquelle la somme à percevoir est due.

Art. 11.

En cas d'insuffisance des perceptions, l'imputation se fait dans l'ordre suivant :

les contributions directes de l'Etat et des communes, les intérêts moratoires et les frais d'exécution ;
les droits d'accise ;
les taxes sur les véhicules à moteur mécanique ;
les cotisations et autres prestations dues aux assurances sociales ;
les cotisations dues à la caisse de pension des employés privés ;
les cotisations et taxes dues aux chambres professionnelles.

Art. 12.

L'exécution pour les créances du Trésor prévues par la présente loi sera exercée au moyen d'une contrainte décernée par le receveur et rendue exécutoire par le directeur des contributions. Il sera procédé à la saisie-exécution par un agent des contributions ou un huissier conformément au Code de procédure civile.

Aucun immeuble ne sera attaqué qu'après que les meubles du contribuable auront été vendus et le produit trouvé insuffisant au paiement, sauf autorisation spéciale du Directeur général des finances.

L'administration des contributions est autorisée à faire vendre, conformément à l'art. 71 de la loi du 2 janvier 1889 sur l'expropriation forcée, les immeubles assujettis à son hypothèque légale, même lorsque celle-ci est dispensée d'inscription ou que l'administration des contributions n'est pas le créancier premier inscrit sur les dits biens. L'administration des contributions ne pourra entamer les poursuites qu'après avoir mis en demeure le créancier premier inscrit, qui jouit des droits prévus à l'art. 71, par une sommation, notifiée soit par un agent de l'administration, soit par un huissier, d'y procéder dans le délai de huit jours francs. Si ce créancier n'a pas obtempéré à la sommation, l'administration des contributions pourra, après l'expiration de ce délai, faire procéder aux poursuites ultérieures ; elle pourra de même procéder aux poursuites lorsque le créancier premier inscrit n'a pas fait les diligences nécessaires pour parvenir endéans un délai de quatre mois, à partir de la mise en demeure susdite, à la vente définitive de l'immeuble saisi.

Les actes de poursuites, y compris les contraintes et commandements, les actes de saisie et les actes de procédure auxquels le recouvrement des créances du Trésor donne lieu, sont dispensés du timbre et sont enregistrés gratis.

Art. 13.

Un règlement d'administration publique pourra édicter toutes les mesures nécessaires pour l'exécution de la présente loi qui entrera en vigueur le 1er janvier qui suivra sa promulgation.

Art. 14. Dispositions transitoires.

Le Trésor a pour le recouvrement :

a)des contributions directes des années antérieures à la mise en vigueur de la présente loi ;
b)des droits d'accise sur l'eau-de-vie nés avant la mise en vigueur de la présente loi,

les droits, garanties et privilèges inscrits dans la loi du 28 mai 1921 resp. dans l'art. 5 de la loi du 27 juillet 1925.

L'administration des contributions pourra, avant cette date, requérir l'inscription de ce privilège, et cette inscription conservera à la créance du Trésor pendant trois années supplémentaires le dit privilège avec le rang lui assigné par la loi du 28 mai 1921.

Les dispositions qui précèdent sont applicables aux cotes et redevances prévues à l'art. 3 qui précède.

Pour les cotisations dues à l'Etablissement d'assurance-invalidité et vieillesse pour les journées de travail antérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 20 novembre 1929, en exécution de l'art. 197 n° 3 nouveau (loi du 6 septembre 1933), la prescription sera acquise deux années après le 31 décembre de l'année dans laquelle la notification des bulletins afférents aura été faite.

Mandons et ordonnons que la présente loi soit insérée au Mémorial pour être exécutée et observée par tous ceux que la chose concerne.

Le Directeur général des finances,

P. Dupong.

Luxembourg, le 27 novembre 1933.

Charlotte.