Loi du 12 avril 1920, ayant pour objet de remédier aux conséquence des dépréciations de change pour les sociétés industrielles et commerciales.

Nous CHARLOTTE, par la grâce de Dieu Grande-Duchesse de Luxembourg, Duchesse de Nassau, etc., etc., etc.;

Notre Conseil d'État entendu:

De l'assentiment de la Chambre des députés;

Vu la décision de la Chambre des députés du 31 mars 1920 et celle du Conseil d'État du 1er avril suivant, portant qu'il n'y a pas lieu à second vote:

Avons ordonné et ordonnons:

Art. 1er.

La présente loi s'applique aux sociétés anonyme, société eu commandite par actions et aux sociétés coopératives.

Les dispositions des art. 2 à 4 ne s'appliquent qu'aux biens et valeurs se trouvant en la possession des sociétés à la date du 11 décembre 1918, ou qui ont été acquis par la suite en remplacement de ceux-ci.

Les dispositions de la présente loi ne s'opposent pas à ce que ces sociétés émettent de nouvelles actions même privilégiées, productives d'un émolument de 5 %, dont elles encaissent l'import effectif et intégral.

Art. 2.

Les sociétés peuvent faire figurer dans leur bilan les immeubles et installations situés à l'étranger pour le montant en Francs luxembourgeois qu'elles ont employé à leur acquisition ou à leur établissement. De ce montant il y a lieu toutefois de déduire un amortissement correspondant à la diminution naturelle de la valeur des objets.

Cette disposition est aussi applicable aux parts sociales et participations de sociétés anonymes, sociétés coopératives, sociétés à responsabilité limitée et organisations analogues étrangères, pourvu que la société possède au moins les trois quarts de l'ensemble des parts sociales de l'entreprise étrangère.

Art. 3.

Les créances en monnaie étrangère, ainsi que les participations luxembourgeoises à des sociétés étrangères auxquelles l'art. 2, al. 2, ci-dessus n'est point applicable, ne peuvent figurer au bilan que pour le montant résultant de la conversion du change étranger en francs luxembourgeois, au cours moyen du mois qui précède la date du bilan et qui sera constaté par arrêté grand-ducal. Si un cours de conversion plus élevé a été garanti au créancier par le débiteur ou par un tiers, il pourra en être tenu compte dans le bilan.

Le montant de la différence de change résultant de l'application de ces dispositions par rapport à la valeur figurant jusque là dans les livres peut être porté comme poste spécial à l'actif du bilan.

En tant que cette différence de change n'est pas couverte par des réserves, les sociétés qui font usage de cette faculté doivent affecter à l'amortissement du poste spécial porté à l'actif, annuellement et jusqu'à la date du bilan de l'année 1960, un montant non exempt d'impôt au moins égal au quotient donné par la différence de change restant à éteindre, divisée par le nombre d'années entre la date du bilan de l'exercice courant et celle du bilan de 1950.

Si la différence de change non couverte par des réserves ateint ou dépasse la moitié du capital social, tout excédent d'exploitation en sus du montant de la quote minimale d'amortissement indiquée à l'alinéa précédent doit être employé intégralement à éteindre la différence.

Si la différence de change non couverte par des réserves comprend moins de la moitié du capital social, tout excédent d'exploitation en sus du montant de la quote minimale d'amortissement petit être déclaré bénéfice net et être affecté à la distribution d'un dividende jusqu'à concurrence de 5 % du capital social.

En tant qu'il n'est pas distribué comme dividende l'excédent d'exploitation doit, être employé à l'amortissement de la différence de change.

Art. 4.

Une société peut faire figurer au bilan des actifs désignés à l'art, 3, al. 1er à un change supérieur à celui prévu dans cette disposition.

Dans ce cas elle doit indiquer dans le bilan même les montant de ces actifs en monnaie étrangère ainsi que le change appliqué.

La société qui fait usage de cette faculté est tenue d'amortir la différence entre la valeur portée au bilan et celle calculée selon l'art. 3, al, 1er ci-dessus après déduction des réserves à teneur de l'art. 3, al. 3; elle doit en conséquence opérer chaque année, sur le montant figurant au bilan, une réduction correspondante à la quote d'amortissement calculée conformément à l'art. 3 al, 3; les al. 4 et 6 du même article sont également applicables.

Les sociétés qui procèdent conformément aux dispositions du présent article sont tenues de fournir dans leur rapport de gestion des justifications détaillées sur le calcul de la différence de change et de sa quote d'amortissement.

Art. 5.

Lorsqu'une société ne se conforme pas aux règles des art. 3 et 4 concernant la justification et l'amortissement de la différence de change, elle est privée du bénéfice de la présente loi et les dispositions légales ordinaires lui sont pleinement applicables.

Art. 6.

Si la différence de change non couverte par des réserves dépasse, seule ou conjointement avec un solde passif du compte de profits et pertes, le montant du capital social, le tribunal peut nommer un curateur, sur la proposition de la société ou d'un créancier.

Lorsqu'un curateur est nommé, son assentiment est nécessaire pour la validité des actes d'administration auxquels procèdent les organes de la société et qui engagent les biens de celle-ci.

Art. 7.

Si les recettes de la société lui permettent de servir les intérêts de ses dettes sans entamer ses capitaux, tandis qu'en raison des différences de change elle ne dispose pas des ressources nécessaires pour acquitter les dettes en capital arrivant à échéance, les tribunaux peuvent accorder à la société, suivant la procédure ordinaire, un sursis jusqu'au 31 décembre 1925 au plus tard, pour le paiement des capitaux échus ou à échoir. Les tribunaux sont autorisés à prendre, s'il y a lieu. Les mesures conservatoires nécessaires pour la sauvegarde des intérêts des créanciers.

La distribution de dividendes est exclue pour la durée du sursis au remboursement des capitaux.

Le sursis cesse de déployer ses effets si les intérêts échus ne sont pas payés.

Art. 8.

Les dispositions légales ordinaires sont sans effet en tant qu'elles se trouvent en contradiction avec celles qui précèdent.

La présente loi a un effet rétroactif au 31 décembre 1919. Les dispositions sur l'établissement des bilans sont applicables à tous les bilans non encore approuvés définitivement au 31 décembre 1919.

Art. 9.

Lorsqu'une société commerciale sera forcée d'augmenter son capital social, il sera loisible au Gouvernement, de l'avis conforme du Conseil d'État, de lui accorder dispense des dispositions qui pourraient entraver la création du nouveau capital ou contrarier le fonctionnement des statuts.

Mandons et ordonnons que la présente loi soit insérée au Mémorial pour être exécutée et observée par tous ceux que la chose concerne.

Le Directeur général des finances,

A. NEYENS.

Le Directeur général du commerce, de l'industrie et du travail,

A. PESCATORE.

Luxembourg, le 12 avril 1920.

CHARLOTTE.