Loi du 12 mai 1905, portant modification des art. 205, 767 et 1094 du Code civil en ce qui concerne les droits successoraux du conjoint survivant.

Nous ADOLPHE, par la grâce de Dieu, Grand-Duc de Luxembourg, Duc de Nassau, etc., etc., etc.;

Notre Conseil d'Etat entendu;

De l'assentiment de la Chambre des députés;

Vu la décision de la Chambre des députés du 3 mai 1905, et celle du Conseil d'État du 9 du même mois, portant qu'il n'y a pas lieu à second vote;

Avons ordonné et ordonnons:

Art. 1er.

L'art. 767 du Code civil est ainsi modifié:
«     

Art. 767.

Lorsque le défunt ne laisse ni parents au degré sucessible, ni enfants naturels, les biens de sa succession appartiennent en pleine propriété au conjoint non divorcé qui lui survit et contre lequel il n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée.

Le conjoint survivant non divorcé qui ne succède pas à la pleine propriété et contre lequel il n'existe pas de jugement de séparation de corps passe en force de chose jugée, a sur la succession du prédécédé un droit d'usufruit qui est:

d'une part d'enfant légitime le moins prenant, sans qu'elle puisse excéder le quart, si le défunt laisse des enfants issus d'un précédent mariage;
de la totalité quand il ne laisse que des collatéraux autres que des frères et soeurs ou leurs descendants;
de la moitié dans tous les autres cas.

Si le conjoint est en concours avec des successibles appartenant à plusieurs des catégories indiquées aux n°s 1°, 2 et 3 ci-dessus, la quotité de l'usufruit successoral se fixe en ne tenant compte que des successibles à l'égard desquels cette quotité est la plus faible.

Chacun des successibles en est grevé proportionnellement à ce qu'il reçoit en pleine propriété ou en usufruit.

Le calcul sera opéré sur une masse faite de tous les biens existants au décès du decujus, auxquels seront réunis fictivement ceux dont il aurait disposé, soit par acte entre vifs, soit par acte testamentaire, au profit des successibles, sans dispense de rapport. ne sera pas tenu compte des biens qui seraient l'objet d'un droit de retour légal ou conventionnel.

Toutefois, l'usufruit successoral du conjoint survivant ne s'exerce que sur les biens formant la quotité disponible et dont le prédécédé n'aurait disposé, ni par acte entre vifs, ni par testament, et sans préjudice des droits de réserve ni des droits de retour.

Le conjoint a le droit d'invoquer l'art. 1094 du Code civil.

Le conjoint survivant devra imputer sur son usufruit successoral les libéralités qu'il aurait reçues du défunt, sauf disposition contraire de la part de celui-ci; si le, montant des libéralités reçues était inférieur, il ne pourrait réclamer que le complément.

Si les libéralités ont été faites en pleine propriété, l'imputation se fera en retranchant de l'usufruit successoral le montant de la rente viagère que le conjoint pourrait acquérir au moyen des biens qui lui ont été donnés ou légués.

L'époux survivant aura la faculté de se faire attribuer par préférence, pour se remplir de sa part d'usufruit, l'usufruit de la maison d'habitation occupée par les époux, lorsqu'elle était entrée pour la lotalité dans la communauté ou qu'elle appartient entièrement à la succession du prémourant, et à la condition que sa valeur n'excède pas celle de la part dont il a l'usufruit. Il pourra également se faire attribuer tout ou partie des meubles meublants isolément, sous les conditions exigées pour la maison d'habitation.

Si l'époux entend se faire attribuer l'usufruit de la maison, le droit de preférence peut s'appliquer, sous les mêmes conditions, à tout ou partie des terres que l'occupant de la maison exploitait personnellement et pour son propre compte, du matériel agricole et des animaux attachés à la culture.

Jusqu'au partage définitif et au plus tard jusqu'à l'expiration d'une année depuis le décès, les heritiers peuvent exiger, moyennant sûretés suffisantes, que l'usufruit de l'époux survivant soit converti en une rente viagère équivalente. S'ils sont en désaccord, la conversion sera facultative pour les tribunaux.

La conversion une fois effectuée rétroagit au jour de l'ouverture de la succession.

S'il existe des descendants légitimes du défunt, l'usufruit cesse par le convoi du conjoint.

     »

Art. 2.

L'art. 205 du Code civil est ainsi modifié:
«     

Art. 205.

Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin.

La succession de l'époux prédécédé, même séparé de corps, doit des aliments au conjoint survivant, s'il est dans le besoin.

La pension est supportée par tous les héritiers et, en cas d'insuffisance, par tous les légataires particuliers proportionnellement à leurs émoluments.

Toutefois, si le défunt a déclaré que certains legs doivent être acquittés de préférence aux autres, ces legs ne contribuent à la pension que pour autant que le revenu des autres n'y suffise point.

Si les aliments ne sont pas prélevés en capital sur la succession, des sûretes suffisantes seront données au bénéficiaire pour assurer le paiement de la pension.

Le délai pour le réclamer est d'un an à partir du décès et se prolonge, en cas de partage, jusqu'à son achèvement.

     »

Art. 3.

L'art. 1094 du Code civil est abrogé et remplacé par la disposition suivante:
«     

Art. 1094.

L'époux pourra, soit par contrat de mariage, soit pendant le mariage, dans le cas où il laisserait des enfants ou descendants, disposer en faveur de son conjoint d'un quart en propriété et d'un quart en usufruit, ou de la moitié de tous ses biens en usufruit seulement.

     »

Mandons et ordonnons que la présente loi soit inserée au Mémorial pour être exécutée et observée par tous ceux que la chose concerne.

Luxembourg, le 12 mai 1905.

Pour le Grand-Duc:

Son Lieutenant Représentant,

GUILLAUME,

Grand-Duc Héreditaire.

Le Ministre d'Etat,

Président du Gouvernement,

EYSCHEN.