Loi du 21 mai 1879, concernant l'organisation et le fonctionnement du Crédit foncier Luxembourgeois.

Nous GUILLAUME III, par la grâce de Dieu, Roi des Pays-Bas, Prince d'Orange-Nassau, Grand-Duc de Luxembourg, etc., etc., etc.;

Notre Conseil d'État entendu;

De l'assentiment de la Chambre des députés;

Vu la décision de la Chambre des députés du 14 mai 1879 et celle du Conseil d'État du 16 du même mois, portant qu'il n'y a pas lieu à second vote;

Avons ordonné et ordonnons:

Art. 1er.

La Société de crédit foncier luxembourgeois jouira des droits et est soumise aux règles suivantes, en ce qui concerne les hypothèques consenties en garantie des prêts faits par le Crédit foncier.

Art. 2.

Pour purger les hypothèques légales connues, la signification d'un extrait de l'acte constitutif d'hypothèque au profit de la Société de crédit foncier doit être faite:

à la femme et au mari;
au tuteur et au subrogé-tuteur du mineur ou de l'interdit;
au mineur émancipé et à son curateur;
à tous les créanciers non inscrits ayant hypothèque légale.

Art. 3.

L'extrait de l'acte constitutif d'hypothèque contient, sous peine de nullité, la date du contrat, les nom, prénoms, profession et domicile de l'emprunteur, la désignation de la situation de l'immeuble, ainsi que la mention du montant du prêt.

Il contient, en outre, l'avertissement que, pour conserver vis-à-vis de la Société de crédit foncier le rang de l'hypothèque légale, il est nécessaire de la faire inscrire dans les quinze jours, à partir de la signification, outre les délais de distance.

Art. 4.

La signification doit être remise à la personne de la femme, si l'emprunteur est son mari.

Néanmoins, la signification peut être faite au domicile de la femme, si celle-ci, sous quelque régime que le mariage ait été contracté, a été présente au contrat de prêt, et si elle a reçu du notaire l'avertissement que, pour conserver vis-àvis de la Société de crédit foncier le rang de son hypothèque légale, elle est tenue de la faire inscrire dans les quinze jours, à dater de la signification, outre les délais de distance.

L'acte de prêt doit faire mention de cet avertissement, sous peine de nullité de la purge à l'égard de la femme.

Art. 5.

Si la femme n'a pas été présente au contrat ou n'a pas reçu l'avertissement du notaire, et si la signification n'a été faite qu'à domicile, les formalités nécessaires pour la purge des hypothèques légales inconnues doivent, en outre, être remplies.

Art. 6.

Si l'emprunteur est, au moment de l'emprunt, tuteur d'un mineur ou d'un interdit, la signification est faite au subrogé-tuteur et au juge de paix du lieu dans lequel la tutelle s'est ouverte.

Dans la quinzaine de cette signification, le juge de paix convoque le conseil de famille en présence du subrogé-tuteur.

Le conseil délibère sur la question de savoir, si l'inscription doit être prise. Si la délibération est affirmative, l'hypothèque est inscrite par le subrogé-tuteur sous sa responsabilité par les parents ou amis du mineur, ou par le juge de paix, dans le délai de quinzaine de la délibération.

Art. 7.

Pour purger les hypothèques légales inconnues, l'extrait de l'acte constitutif d'hypothèque doit être notifié au procureur d'État près le tribunal de l'arrondissement du domicile de l'emprunteur, et au procureur d'État près le tribunal de l'arrondissement dans lequel l'immeuble est situé.

Cet extrait doit être inséré, avec la mention des significations faites, dans l'un des journaux paraissant dans l'arrondissement dans lequel l'immeuble est situé.

L'inscription doit être prise dans les quarante jours de cette insertion.

Art. 8.

La purge est opérée par le défaut d'inscription dans les délais fixés par les articles précédents.

Elle confère à la Société de crédit foncier la priorité sur les hypothèques légales.

Cette purge ne profite pas aux tiers, qui demeurent assujettis aux formalités prescrites par les art. 2193, 2194 et 2195 du Code civil.

Art. 9.

L'hypothèque consentie au profit de !a Société de crédit foncier, par le contrat conditionné de prêt, prend rang du jour de l'inscription, quoique les valeurs soient remises postérieurement.

Cette hypothèque est dispensée de tout renouvellement d'inscription pendant le temps fixé pour le remboursement des prêts.

Art. 10.

Dans la huitaine de la vente, l'acquéreur, soit sur aliénation volontaire, soit sur saisie immobilière, est tenu d'acquitter, à titre de provision, dans la caisse de la société, le montant des annuités dues.

Après les délais de surenchère, le surplus du prix doit être versé à la dite caisse jusqu'à concurrence de ce qui lui est dû, nonobstant toutes oppositions, contestations et inscriptions des créanciers de l'emprunteur, sauf néanmoins leur action en répétition, si la société avait été indûment payée a leur préjudice.

Art. 11.

Il ne pourra être accordé, pendant vingt-cinq années à dater de la promulgation de la présente loi, de nouvelle autorisation de société de crédit foncier dans le Grand-Duché et sauf les droits acquis, que si la Société de crédit foncier luxembourgeois cessait de mettre à la disposition des emprunteurs luxembourgeois une somme d'au moins un million de francs chaque année, à un taux d'intérêt qui ne pourra dépasser cinq pour cent l'an, à moins que, dans des circonstances extraordinaires, ce taux d'intérêt ne soit majoré avec l'autorisation du Gouvernement.

Art. 12.

Le privilége établi par l'art. 11 ci dessus cessera également ses effets, si pendant les dix premières années, à partir de la promulgation de la présente loi, la Société de crédit foncier luxembourgeois n'a pas opéré des prêts pour une somme de dix millions de francs.

Art. 13.

Un règlement d'administration publique déterminera les attributions du commissaire du Gouvernement et la manière dont le contrôle sera exercé par lui.

Mandons et ordonnons que la présente loi soit insérée au Mémorial, pour être exécutée et observée par tous ceux que la chose concerne.

Le Ministre d'État,

Président du Gouvernement,

F. DE BLOCHAUSEN.

Le Directeur général des finances,

V. DE ROEBÉ.

Au Loo, le 21 mai 1879.

GUILLAUME.