Arrêt de la Cour administrative
Audience publique du 23 décembre 2014
Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement
du tribunal administratif du 3 juillet 2014 (n° 32175 du rôle) ayant statué sur le recours
de la société en commandite par actions OLOS FUND S.C.A. SICAV-FIS, Howald,
contre le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 déclarant zone protégée
d’intérêt national la réserve naturelle et le paysage protégé, la vallée «Mamerdall»
sise sur le territoire des communes de Bertrange, Kehlen, Kopstal, Lintgen,
Lorentzweiler, Mamer, Mersch, Steinsel et Strassen en matière
d’actes réglementaires
Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 35034C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 8 août 2014 par Madame le délégué du gouvernement Marie-Anne KETTER, munie à cet effet d’un mandat délivré le 4 août 2014 par la ministre de l’Environnement, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 3 juillet 2014 (n° 32175 du rôle) ayant déclaré recevable et fondé le recours introduit par la société en commandite par actions OLOS FUND S.C.A. SICAV-FIS, établie et ayant son siège social à L-2370 Howald, 1, rue Peternelchen, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 150333, représentée par son gérant commandité en fonctions, pour annuler le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 déclarant zone protégée d’intérêt national la réserve naturelle et le paysage protégé, la vallée «Mamerdall» sise sur le territoire des communes de Bertrange, Kehlen, Kopstal, Lintgen, Lorentzweiler, Mamer, Mersch, Steinsel et Strassen;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 13 octobre 2014 par Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société en commandite par actions OLOS FUND S.C.A. SICAV-FIS, préqualifiée;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 12 novembre 2014 par Madame le délégué du gouvernement Marie-Anne KETTER;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 12 décembre 2014 par Maître André LUTGEN au nom de la société en commandite par actions OLOS FUND S.C.A. SICAV-FIS, préqualifiée;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Le rapporteur entendu en son rapport ainsi que Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES et Maître Jeanne FELTGEN, en remplacement de Maître André LUTGEN, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 décembre 2014.
Au vu des articles 39 à 45 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après «la loi du 19 janvier 2004», de la décision du gouvernement en Conseil du 11 mai 2007 relative au plan national concernant la protection de la nature et ayant trait à sa première partie intitulée «Plan d’action national pour la protection de la nature», de l’avis du conseil supérieur pour la protection de la nature et des ressources naturelles, de l’avis de la Chambre d’agriculture, des avis émis par les conseils communaux de Bertrange, Kehlen, Kopstal, Lintgen, Lorentzweiler, Mamer, Mersch, Steinsel et Strassen après enquête publique, des observations du commissaire de district à Luxembourg, de la fiche financière, après avoir entendu le Conseil d’Etat et après la délibération du gouvernement en conseil, le Grand-Duc, sous le contreseing du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures, du ministre des Finances et du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, arrêta en date du 30 novembre 2012 un règlement grand-ducal déclarant zone protégée d’intérêt national la réserve naturelle et le paysage protégé, la vallée «Mamerdall» sise sur le territoire des communes de Bertrange, Kehlen, Kopstal, Lintgen, Lorentzweiler, Mamer, Mersch, Steinsel et de Strassen, ci-après «le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012», lequel fut publié au Mémorial A, N° 260, du 13 décembre 2012.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 mars 2013, la société en commandite par actions OLOS FUND S.C.A. SICAV-FIS, ci-après «la société OLOS FUND», propriétaire de différentes parcelles situées dans ladite zone protégée d’intérêt national de la vallée du «Mamerdall», fit introduire un recours tendant à l’annulation du règlement grand-ducal précité du 30 novembre 2012, sur base de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après «la loi du 7 novembre 1996».
Par jugement du 3 juillet 2014, le tribunal déclara ce recours recevable et fondé pour annuler en conséquence le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012.
Pour arriver à cette conclusion, le tribunal retint d’abord un intérêt à agir suffisant dans le chef de la société OLOS FUND en tant que propriétaire de parcelles directement visées par le règlement grand-ducal par elle critiqué.
Au fond, le tribunal, après avoir constaté que le dépôt tardif du dossier administratif n’était pas de nature à porter à conséquence concernant les droits de la défense de la société OLOS FUND, cadra la base habilitante sous-tendant le règlement grand-ducal critiqué, à savoir les articles 39 à 45 de la loi du 19 janvier 2004, dont plus particulièrement l’article 40. Le tribunal retint en conséquence qu’en vertu dudit article 40, des parties du territoire peuvent être déclarées zone protégée d’intérêt national seulement si cela correspond à la politique en matière de protection de la nature retenue par un plan national concernant la protection de la nature, ci-après «PNPN», ou, à défaut, par un plan d’aménagement partiel (PAp) concernant l’environnement naturel.
En se référant aux visas du règlement grand-ducal critiqué, le tribunal dégagea que celui-ci avait été basé sur la décision du gouvernement en conseil du 11 mai 2007 relative au plan national concernant la protection de la nature et ayant trait à sa première partie intitulée «Plan d’action national pour la protection de la nature», de sorte à retenir que le règlement grand-ducal en question est sous-tendu par un PNPN et non point pas par un PAp concernant l’environnement naturel.
En conséquence, le tribunal vérifia si, conformément aux dispositions de l’article 40 de la loi du 19 janvier 2004, la politique en matière de protection de la nature, telle que définie par le PNPN en question avait porté sur les territoires de la vallée du «Mamerdall» déclarés zone protégée d’intérêt national à travers le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012, critiqué.
Au niveau du PNPN tel qu’adopté par le gouvernement en conseil le 11 mai 2007, le tribunal constata que la vallée du «Mamerdall» n’y figure point, sauf une mention en son annexe A, énumérant les sites à déclarer zone protégée d’intérêt national, dont le point 4 intitulé «liste alternative/complémentaire de sites en vue d’être déclarés zones protégées en réserve forestière intégrale (RFI)».
Le tribunal fit remarquer encore que ledit PNPN indique que ladite zone, à déclarer RFI, porterait sur une superficie de 285 ha.
Après avoir constaté que le règlement grand-ducal critiqué porte, selon son article 2, sur des parcelles d’une étendue totale de 2.378,63 ha indiquées en tant que situées dans à la vallée du «Mamerdall», le tribunal dégagea que la superficie prévue audit règlement grand-ducal dépasse largement celle visée par le PNPN. De plus, selon le tribunal, le règlement grand-ducal critiqué ne prévoit pas de RFI, telle que pourtant visée par le PNPN, mais déclare la zone «Mamerdall» en zone protégée d’intérêt national en la divisant en deux parties, dont une première partie A, dite réserve naturelle, et une seconde partie B, dite paysage protégé.
Le tribunal en tira la conclusion que la déclaration de la vallée du «Mamerdall» en zone protégée d’intérêt national ne correspond pas à la politique de protection de la nature telle que définie par le PNPN adopté par décision du gouvernement en Conseil le 11 mai 2007. Il en dégagea que le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 déféré devant lui n’est pas conforme à la base légale habilitante, à savoir précisément l’article 40 de la loi du 19 janvier 2004, en ce qu’il déclare des parties du territoire zone protégée d’intérêt national, sans que ladite classification des parties du territoire en question en une telle zone n’ait été prévue par le PNPN adopté par le gouvernement en Conseil le 11 mai 2007. Du coup, le règlement grand-ducal déféré du 30 novembre 2012 a été déclaré nul pour violation de la loi.
Complémentairement, le tribunal retint que l’Etat n’avait pas étayé son moyen suivant lequel le règlement grand-ducal critiqué était conforme à la politique de protection de la nature telle qu’énoncée aux chapitres 4.4 et 4.5 du PNPN, alors que suivant l’analyse du tribunal, la version du PNPN publiée au Mémorial numéro 111 du 5 juillet 2007 en annexe à la décision du gouvernement en Conseil précitée du 11 mai 2007 ne comporte ni un chapitre 4.4, ni un chapitre 4.5, ni par ailleurs les extraits afférents cités par le délégué du gouvernement en première instance.
Le tribunal ajouta que si sur le site interne du ministère de l’Environnement figurait un avant-projet d’un rapport final comportant les chapitres 4.4 et 4.5, ainsi que les extraits cités par le délégué du gouvernement, il n’en restait pas moins que par ailleurs un projet de rapport final était dépourvu de toute valeur légale, de sorte qu’il ne saurait être valablement invoqué pour sous-tendre en tant que base légale le règlement grand-ducal critiqué à partir des exigences de l’article 40 de la loi du 19 janvier 2004.
Enfin, le tribunal répondit à l’argument du délégué du gouvernement, suivant lequel la désignation d’une partie du territoire en zone protégée d’intérêt national d’une surface plus importante que celle initialement prévue par le PNPN ne serait pas contraire au plan d’action, en retenant qu’un tel raisonnement aboutirait à vider l’article 40 de la loi du 19 janvier 2004, ainsi que le PNPN de tout sens.
En conséquence, le tribunal rejeta l’argumentaire du délégué du gouvernement suivant lequel le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 serait conforme au PNPN, ainsi qu’à l’article 40 de la loi du 19 janvier 2004 comme étant non fondé en tous points.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 8 août 2014, l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg a entrepris le jugement précité pour conclure à l’annulation du jugement entrepris et au rejet du recours initial de la société OLOS FUND.
La société OLOS FUND se rapporte à la sagesse de la Cour en ce qui concerne la recevabilité de l’appel sous l’angle de la date de son dépôt.
Il est patent que l’appel déposé le 8 août 2014 qui entreprend le jugement du 3 juillet 2014 a été interjeté dans le délai légal de 40 jours.
La société OLOS FUND soulève formellement l’irrecevabilité de l’appel sous l’angle de l’objet de la demande formulée par la partie appelante en ce qu’elle demande à voir «annuler le jugement» entrepris du 3 juillet 2014 et à voir rejeter le recours initial, tandis que les moyens fournis à l’appui de la requête d’appel auraient trait non pas à la validité du jugement entrepris, mais à la validité de la décision administrative entreprise. Ces moyens tendraient dès lors à voir réformer le jugement dont appel. L’intimée fait valoir que l’annulation d’un jugement ne se conçoit que dans des hypothèses éminemment restreintes d’un maniement défectueux de leurs attributions juridictionnelles par les premiers juges, indépendamment de la qualité ou de l’opportunité intrinsèque de leur décision.
Ainsi, l’annulation d’un jugement ne pourrait être que la censure de la méconnaissance des règles de compétence et de procédure par le juge du premier degré. En conséquence, l’acte d’appel qui conclurait à la seule annulation d’un jugement sans soulever aucun élément tiré d’une irrégularité procédurale encourrait l’irrecevabilité.
La partie intimée fait encore valoir que la Cour serait saisie par le seul dispositif de la requête d’appel et qu’une modification de la demande par rapport audit dispositif, à intervenir en cours de procédure, serait irrecevable.
L’Etat estime que la partie intimée invoquerait à tort l’irrecevabilité de l’appel sous l’angle de l’objet de la demande. Ainsi, l’objet de l’appel se déterminerait d’après l’acte d’appel, combiné avec les conclusions d’appel, l’acte d’appel et les conclusions formant un tout indivisible. De plus, l’objet de la demande devant le juge de première instance serait également déterminant pour apprécier l’étendue de la saisine du juge d’appel.
La procédure contentieuse étant essentiellement écrite, il serait certes interdit à un mandataire de modifier l’objet de la requête d’appel par des conclusions orales, mais rien n’interdirait de compléter l’objet de l’appel par la voie écrite au cours de la procédure contentieuse,
L’Etat souligne que l’appel a un effet dévolutif général et que la Cour est appelée, sur l’appel interjeté, à procéder à un nouvel examen au fond sur les points de fait et de droit, à l’instar des juges de première instance.
La partie intimée soutiendrait dès lors à tort que la Cour ne serait saisie que par le seul dispositif de la requête d’appel. Il ressortirait clairement de l’acte d’appel, combiné avec les conclusions d’appel, que l’objet de la demande formulée consiste à voir annuler, sinon réformer le jugement d’annulation entrepris du 3 juillet 2014 pour avoir à tort annulé le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012.
Le moyen d’irrecevabilité serait dès lors non fondé.
Au dispositif du mémoire en réplique, l’Etat demande à la Cour de déclarer l’appel recevable et fondé pour, quant au fond, faire droit aux moyens d’appel étatiques et annuler, sinon réformer le jugement entrepris du 3 juillet 2014, de déclarer le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 conforme au PNPN, ainsi qu’aux articles 39 et 40 de la loi du 19 janvier 2004 et de donner acte à la partie appelante qu’elle maintient tous autres arguments et observations présentés en première instance.
D’après le dernier état des conclusions des parties, l’appel étatique tend principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation du jugement entrepris.
Des moyens d’appel étant fournis à l’appui de l’appel interjeté, et la recevabilité de l’appel ne dépendant pas du bien-fondé des moyens, il y a lieu de constater par ailleurs que l’appel est recevable pour avoir été interjeté suivant les formes et délai prévus par la loi.
Au fond, il est vrai qu’aucun des moyens proposés par la partie étatique ne sous-tend valablement la demande principale en annulation du jugement dont appel.
Dès lors, l’appel est à déclarer non fondé dans cette mesure.
Quant à la demande en réformation du jugement entrepris, l’Etat propose tout d’abord une réflexion quant à intérêt de l’action de la société OLOS FUND en estimant que si le raisonnement du tribunal relatif à la recevabilité du recours semblait clair, il importerait cependant de rappeler que l’annulation du règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 n’aurait aucune influence sur les possibilités de construire sur les terrains appartenant à la partie intimée.
Selon l’Etat, la présence du Milan noir (Milvus migrans) et de la Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio), espèces figurant toutes les deux à l’annexe 3 de la loi du 19 janvier 2004, ainsi que la proximité de biotopes protégés et de la zone Natura 2000 (LU0001018) rendent le classement des terrains de l’intimée en zone constructible aussi bien suivant la procédure d’adoption et d’approbation du plan d’aménagement général de la commune de Mamer qu’une éventuelle autorisation de construire, conformément aux dispositions de la loi du 19 janvier 2004 (articles 12, 17 et 33), impossibles. Suivant l’Etat, notamment en vertu de l’article 17 de cette loi, les terrains de la partie intimée seraient à considérer en tant qu’habitats d’espèces protégées par renvoi à l’annexe 3 de la loi du 19 janvier 2004, dont la destruction, la réduction ou le changement sont interdits.
La Cour est amenée à retenir à la suite des premiers juges que peu importe que les mesures prévues par le règlement grand-ducal critiqué du 30 novembre 2012 se superposent simplement par rapport à celles d’ores et déjà prévues à travers les instruments existants de l’ordonnancement juridique ou que ces mesures aillent même au-delà, il n’en resterait pas moins qu’en tout état de cause elles sont de nature à affecter directement et de manière dirimante quant aux effets visés les terrains de la partie intimée que celle-ci détient dans l’assiette du règlement grand-ducal en question.
C’est dès lors à juste titre que les premiers juges ont retenu un intérêt suffisant dans le chef de l’intimée sur base des dispositions de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996.
Quant à la question litigieuse de la base légale, l’Etat conclut que le tribunal aurait décidé à tort que le règlement grand-ducal litigieux du 30 novembre 2012 serait contraire à la loi du 19 janvier 2004.
Tout d’abord, le règlement grand-ducal en question trouverait sa base légale dans les dispositions de l’article 39 de la loi du 19 janvier 2004, par ailleurs repris dans ses considérants. Ainsi, ledit article 39 disposerait que les zones protégées d’intérêt communautaire désignées en vertu de l’article 34 de la même loi peuvent être déclarées, en tout ou en partie, zones protégées d’intérêt national et comme telles être grevées de servitudes et de charges définies à son article 44. Suivant l’Etat, le quinzième point de l’annexe 5 de la loi du 19 janvier 2004 reprendrait précisément la zone spéciale de conservation «Vallée de la Mamer et de l’Eisch» (LU0001018), d’une superficie de 6.694 ha, cette zone étant confirmée par la carte 2 en annexe de la même loi, visualisant sur base cartographique la liste nationale relative à la directive 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, ci-après «la directive 92/43/CEE habitats».
En second lieu, le tribunal aurait conclu à tort que la déclaration de la Vallée du «Mamerdall» en zone protégée d’intérêt national ne correspondrait pas à la politique de protection de la nature telle que définie par le PNPN adopté par la décision du gouvernement en conseil le 11 mai 2007 et que dès lors le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 ne serait pas conforme à sa base légale habilitante, à savoir l’article 40 de la loi du 19 janvier 2004. Selon l’Etat, le PNPN en question, tel qu’adopté précisément par le gouvernement en conseil le 11 mai 2007, listerait clairement la zone protégée «Mamerdall» dans son annexe A sous le point 5, où auraient figuré les sites en cours de procédure de désignation voire ceux pour lesquels un dossier de classement était en cours d’élaboration au moment de l’entrée en vigueur du PNPN. Cet argument serait corroboré par le chapitre 3 et par l’action hautement prioritaire (3.1.) du PNPN. Ainsi, la procédure de désignation du site «Mamerdall» aurait été entamée en 1999 et en octobre 2000 une première ébauche du dossier de classement aurait été établie par le bureau ZEYEN et BAUMANN. Ce même dossier indiquerait dans son chapitre 2.2. une taille de 2.157,8359 ha de territoire à être désigné.
Dans le même sens, le PNPN, tel qu’adopté le 11 mai 2007, prévoirait également le classement des parties mésophiles du site «Mamer-Werwelslach», tel que mentionné par son annexe A, sous le point 2) visant la désignation des sites prioritaires supplémentaires ne figurant pas sur la liste de la «DIG 81», sinon désignée, correspondant à la décision du gouvernement en conseil du 24 avril 1981 relative au Plan d’Aménagement partiel concernant l’environnement naturel et ayant trait à sa première partie intitulée «Déclaration d’Intention générale» publiée au Mémorial B n° 69 du 30 avril 1981, ci-après «DIG81». Le PNPN mentionnerait également sous les sites prioritaires en vue d’être déclarés zones protégées nationales, le site «Capellen/Engelsratt» dans la même annexe A, sous le point 3). Ainsi l’intégration de ces deux sites Engelsratt et Werwelslach, ainsi que des terrains de la partie intimée dans la zone protégée «Mamerdall» se trouverait justifiée.
Suivant l’Etat, le tribunal aurait encore conclu à tort que le règlement grand-ducal litigieux ne prévoirait pas de RFI, telle que visée par le PNPN en son annexe A sous le point 4) et que dès lors la zone protégée d’intérêt national «Mamerdall» ne répondrait pas au PNPN en question du seul fait que la zone protégée d’intérêt national serait plus importante en surface que celle prévue expressément par ledit plan d’action.
L’Etat admet que le PNPN liste effectivement le classement du «Mamerdall» comme RFI à désigner avec une surface indicative de 285 ha. Selon lui, les servitudes du règlement grand-ducal litigieux portant sur la partie A, dite de réserve naturelle du «Mamerdall» correspondraient ainsi au dispositif d’une RFI où notamment l’exploitation forestière est interdite dans les forêts publiques et où la circulation en dehors des chemins balisés est également interdite.
L’Etat renvoie ensuite, concernant la désignation du «Mamerdall» en tant que paysage protégé, au rapport final du PNPN et plus particulièrement à son chapitre 4.5 intitulé «les paysages protégés - grands ensembles paysagers». Suivant l’Etat, ce rapport final identifierait deux instruments distincts pour servir à mettre en œuvre la protection légale des paysages, à savoir, d’un côté, le plan directeur sectoriel «Préservation des grands ensembles paysagers et forestiers», et, d’un autre côté, la loi du 19 janvier 2004. Le PNPN citerait précisément les dispositions du chapitre 6 de ladite loi du 19 janvier 2004 permettant au ministre ayant l’environnement dans ses attributions de proposer des fonds en vue de leur classement en tant que paysage à protéger. Ainsi, les zones protégées pourraient avoir une finalité écologique ou une finalité de protection du paysage. Dans ce dernier cas, la réglementation de la zone protégée se limiterait en principe à des interdictions ou restrictions concernant la construction. La délimitation de paysages méritant ce statut particulier de protection devrait être basée sur des critères scientifiques et transparents.
Un élément essentiel en matière de protection des paysages serait la détermination d’objectifs de désignation (Leitziele). Ainsi, le PNPN identifierait plusieurs de ces objectifs de désignation, tels que le maintien de surfaces non fragmentées, la conservation et la restauration de la continuité écologique des paysages, ainsi que la préservation d’espaces pour les besoins de récréation et de détente. Parallèlement, des critères d’exclusion devraient être fixés, identifiant des activités et des infrastructures incompatibles avec la protection des paysages.
Par rapport au constat du tribunal suivant lequel le PNPN, tel que publié au Mémorial, ne comporterait ni un chapitre 4.4, ni un chapitre 4.5, ni d’ailleurs les extraits dudit chapitre 4.5 cités par le délégué du gouvernement en première instance, l’Etat admet que le PNPN n’a été publié qu’en partie au Mémorial, mais qu’il se trouverait entièrement publié sur le site internet gouvernemental. Il ressortirait clairement de l’extrait du procès-verbal du conseil de gouvernement du 11 mai 2007 que c’est cette version complète publiée audit site internet qui aurait été approuvée à l’époque. Si le PNPN n’avait été publié au Mémorial que dans sa première partie comprenant 41 mesures ou actions à réaliser ou à entamer endéans les 5 années à venir, dont 15 hautement prioritaires, aucune disposition ni de la loi du 19 janvier 2004 ni par ailleurs ne prévoirait que le PNPN serait à publier dans son intégralité au Mémorial. Ce qui importerait serait que, finalement, la délimitation des paysages à protéger devra se baser sur des critères de délimitation permettant de tracer les limites exactes des paysages à protéger. L’Etat renvoie ainsi au tableau 4.5. du rapport final du PNPN, identifiant les grands ensembles paysagers à protéger. Le «Mamerdall» figurerait dans ce tableau sur la page 51. De la sorte, la zone protégée «Mamerdall» figurerait bel et bien dans le PNPN en tant que site en cours de procédure de désignation voire pour lequel un dossier de classement était en cours d’élaboration au moment de l’entrée en vigueur du PNPN, dont une partie A, dite de réserve naturelle et une partie B, dite de paysage à protéger étaient prévues, mais incluant également les dispositions d’une RFI pour les forêts publiques et incluant également, de plus, les sites Engelsratt et Werwelslach. Aux yeux de l’Etat, les bases légales appelées à sous-tendre le règlement grand-ducal litigieux seraient dès lors suffisantes.
Si cependant la Cour devait suivre le raisonnement du tribunal suivant lequel le site «Mamerdall», pourtant mentionné sous les points 2), 3), 4) et 5) de l’annexe A du PNPN, ne correspond pas à la politique de protection de la nature telle que définie par le PNPN, il serait évident, suivant la partie étatique, que le classement de la zone protégée d’intérêt national «Mamerdall» participe quand même à la réalisation des objectifs établis par ledit PNPN, les deux objectifs stratégiques afférents étant l’enrayement de la perte de la biodiversité et la persévération et le rétablissement des services et processus écosystémiques à l’échelle paysagère et nationale.
En dernier lieu, si la Cour devait suivre le tribunal et déclarer que le PNPN de 2007 ne constitue pas une base suffisante pour la désignation du «Mamerdall» en tant que zone protégée d’intérêt national la DIG 81 pourrait pallier à ce manque de base légale. Suivant l’Etat, le «Mamerdall» figure à plusieurs reprises à la DIG 81 et ce notamment en ses chapitres 4.1.2, 4.2, 4.3, et 4.4. Pour le moins, le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 trouverait ainsi sa base légale dans la DIG 81, publiée au Mémorial.
Il est constant que le règlement grand-ducal attaqué du 30 novembre 2012 est une expression du pouvoir réglementaire d’exécution, lequel est de droit commun et qu’il ne découle pas d’un exercice spontané du pouvoir réglementaire. S’agissant du pouvoir réglementaire d’exécution, il convient de dégager avec précision les bases habilitantes.
Dans la mesure où elles constituent une délégation de pouvoir conférée par le législateur au pouvoir exécutif, les mesures habilitantes contenues dans une disposition législative sont à appliquer de manière stricte.
Les visa d’un règlement grand-ducal pris en exécution de la loi, loin de se résumer à une simple formalité, sont appelés à relater la concrétisation de la délégation de pouvoir opérée par la loi au pouvoir exécutif et à guider dans cette mesure à la fois le contrôle de la juridiction appelée à en apprécier la légalité et la recherche de toute partie intéressée sur les bases et les modalités suivant lesquelles cette délégation a été concrètement opérée.
Le règlement grand-ducal attaqué du 30 novembre 2012 indique comme base légale les articles 39 à 45 de la loi du 19 janvier 2004. Ces 7 articles forment le chapitre 6 de la loi du 19 janvier 2004 intitulé «zones protégées d’intérêt national». Ce chapitre comporte deux séries de zones protégées d’intérêt national, à savoir celles respectivement prévues par les articles 39 et 40 de la loi.
L’article 39 prévoit que les zones protégées d’intérêt communautaire désignées par l’article 34 de la même loi peuvent être déclarées en tout ou en partie, zones protégées d’intérêt national et comme telles être grevées de servitudes et de charges telles que définies à l’article 44 de la même loi.
L’article 40 prévoit qu’en outre, des parties du territoire peuvent être définies ou déclarées zones protégées d’intérêt national, soit sous forme de réserves naturelles, soit sous forme de paysages protégés et comme telles être grevées également de servitudes et de charges.
La première question qui se pose dès lors face à la base habilitante globale visant les articles 39 à 45 de la loi du 19 janvier 2004, est celle de savoir quelle espèce de zone protégée d’intérêt national le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 a entendu instaurer.
Il est patent que, d’après l’article 1er dudit règlement grand-ducal, l’on est en présence, pour la zone protégée d’intérêt national du «Mamerdall» y instaurée, d’une zone rentrant dans le cadre de l’article 40 de la loi du 19 janvier 2004 en ce qu’elle s’articule à la fois sous forme de réserve naturelle et sous forme de paysage protégé qui sont, d’après ledit article 40, les deux formes possibles sous lesquelles une zone protégée d’intérêt national peut être instituée en vertu de cet article de la loi.
Il convient dès lors de confirmer les premiers juges en ce qu’ils ont retenu que la zone protégée d’intérêt national «Mamerdall» instituée à travers le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 relève de l’article 40 de la loi du 19 janvier 2004 et qu’elle ne s’analyse pas en tant que zone communautaire au sens de l’article 34 de la même loi déclarée zone protégée d’intérêt national en vertu de son article 39.
Cette conclusion reste valable même si en vertu de l’article 34 de la loi du 19 janvier 2004, il existe au niveau de l’annexe 5 à la loi contenant la liste nationale relative à la directive 92/43/CEE habitats au niveau du numéro LU0001018 correspondant au code du site «Habitats» la zone intitulée «Vallée de la Mamer et de l’Eisch» d’une surface de 6.697 hectares qui aurait pu, pour partie au moins, se trouver, par ailleurs, à la base d’une déclaration de cette zone protégée d’intérêt communautaire en zone protégée d’intérêt national. Or, le règlement grand-ducal, suivant ses visa appelés à guider à la fois la juridiction saisie et toute partie intéressée, ne fait pas preuve de ce que le pouvoir réglementaire aurait en l’espèce suivi le cas d’ouverture offert par l’article 39 de la loi du 19 janvier 2004.
Non seulement, en l’espèce, les visa se rapportent-ils d’une manière indifférenciée aux articles 39 à 45 de ladite loi, mais surtout le deuxième visa se réfère directement à la décision du gouvernement en conseil du 11 mai 2007 relative au PNPN.
Or, c’est l’article 40, alinéa 2, de la loi du 19 janvier 2004 qui prévoit obligatoirement que la mesure d’exécution consistant à désigner des parties du territoire en zones protégées d’intérêt national, soit sous forme de réserve naturelle, soit sous forme de paysage protégé «devra répondre à la politique en matière de protection de la nature telle qu’elle est définie par le plan national concernant la protection de la nature établi conformément à l’article 51 ou, à défaut, au plan d’aménagement partiel concernant l’environnement naturel intitulé «déclaration d’intention générale» pris sur base de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire».
Le deuxième visa du règlement grand-ducal attaqué porte précisément sur la décision du gouvernement en conseil du 11 mai 2007 relative au PNPN. Il ne vise point le PAp voire la DIG81.
Les visa d’un règlement grand-ducal n’ont pas une fonction anodine, mais représentent les éléments de preuve de la génération valable de la mesure d’exécution que représente ce règlement par rapport aux normes supérieures dont il découle, en l’occurrence le ou les articles pertinents de la loi du 19 janvier 2004, voire les autres éléments nécessités en vue de sa mise en place valable, en l’occurrence le PNPN.
Dès lors, dès ce stade, il convient de retenir que, tel que le règlement grand-ducal s’est positionné à travers précisément ses visa, la deuxième alternative prévue par l’article 40, alinéa 2, de la loi du 19 janvier 2004 n’est pas vérifiée en l’espèce, c’est-à-dire celle où une base habilitante aurait pu se trouver au niveau du PAp voire de la DIG 81.
Le juge de la légalité est amené à observer en l’occurrence un contrôle strict, étant donné qu’il s’agit d’une délégation opérée par les représentants de la Nation souveraine, à savoir le pouvoir législatif, au pouvoir exécutif et qui s’impose d’autant plus que des servitudes et charges d’une gravité certaine sont appelées à accompagner la mise en place de la zone protégée d’intérêt national instituée à travers le règlement grand-ducal en question. C’est l’article 44 de la même loi qui prévoit les charges et servitudes pouvant aller jusqu’à l’interdiction totale de construire, ou encore l’interdiction du changement d’affectation des sols voire l’interdiction du droit de circuler.
S’il est vrai que l’article 44 en question prévoit ces interdictions sans qu’aucune indemnité n’y soit parallèlement prévue, la question de conformité qui se pose de la sorte, notamment par rapport à la Constitution et au Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, concernant plus particulièrement la protection du droit de propriété n’interfère pas encore directement à ce stade.
En effet, il appartient d’abord à la Cour de voir, après avoir dégagé que la base habilitante choisie par les auteurs du règlement grand-ducal attaqué est l’article 40 de la loi du 19 janvier 2004, si cette base est suffisante et a pu être valablement désignée en l’espèce compte tenu des exigences ailleurs posées par la loi et, le cas échéant, les normes d’essence supérieure, dont d’abord celles de l’alinéa 2 dudit article 40, précité, concernant la question de savoir si la mesure d’exécution répond à la politique en matière de protection de la nature telle que définie par le PNPN.
II appartient dès lors concrètement à la Cour de vérifier si conformément à l’article 40, alinéa 2, de la loi du 19 janvier 2004 «cette mesure d’exécution», c’est-à-dire le règlement grand-ducal attaqué, répond «à la politique en matière de protection de la nature telle qu’elle est définie par le plan national concernant la protection de la nature établi conformément à l’article 51».
Si la partie étatique a versé en instance d’appel nombre d’éléments ayant trait, de près ou de loin, à des objectifs politiques en matière de protection de la nature, la Cour, en tant que juge de la légalité, est amenée à vérifier, d’après les dispositions précises de l’article 40, alinéa 2, de la loi du 19 janvier 2004, si le règlement grand-ducal attaqué répond précisément à la politique en matière de protection de la nature telle qu’elle est définie par le PNPN établi conformément à l’article 51 de la même loi.
L’article 51 en question prévoit en effet que dans les trois ans qui suivent l’entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2004, le ministre établit en collaboration avec d’autres administrations nationales, les communes, les syndicats des communes et les milieux concernés, un PNPN.
Ce plan guide l’orientation politique en matière de protection de la nature et comprend toujours, d’après ledit article 51, les éléments suivants:
«-1. | Des mesures prioritaires concernant la protection de l’environnement naturel |
-2. | Les sites prioritaires en vue d’être déclarés zones protégées d’intérêt national |
-3. | La sensibilisation du public |
-4. | L’estimation des coûts relative à la mise en œuvre du plan.» |
Il est prévu au même article que le PNPN fait l’objet d’une révision générale tous les cinq ans. L’article 52 de la même loi prévoit même que le PNPN peut être déclaré obligatoire par règlement grand-ducal et que la réalisation du plan ainsi déclaré obligatoire est d’utilité publique.
D’après les informations soumises à la Cour, seule a été publiée utilement au Mémorial la décision du gouvernement en conseil du 11 mai 2007, à travers l’article 1er de laquelle «le gouvernement adopte la première partie du plan national concernant la protection de la nature» intitulé «plan d’action national pour la protection de la nature». C’est effectivement cette première partie du PNPN qui a été publiée au Mémorial A, n° 111 du 5 juillet 2007 aux pages 2037 et suivantes.
Si actuellement la partie publique avance qu’une version plus large du PNPN figure sur le site internet du ministère de l’Environnement, force est à la Cour de retenir que pareille publication n’a aucune valeur légale et ne saurait plus particulièrement servir de base utile en matière de détermination de la régularité d’un visa d’un règlement grand-ducal. Si l’intention du Gouvernement avait été celle de voir produire des effets juridiques quelconques au PNPN dans une version plus large que celle adoptée et publiée respectivement les 11 mai et 5 juillet 2007, il aurait fallu qu’il procède aux opérations d’adoption et de publication dans cette mesure élargie. Tel n’a cependant pas été le cas, de sorte que toute personne intéressée et a fortiori la juridiction appelée à vérifier la légalité du texte est amenée à conclure que c’est la version publiée au Mémorial, seul journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, qui fait foi.
Aucune publication au Mémorial d’un PNPN suivant une assiette plus large ni aucune déclaration obligatoire d’un PNPN n’étant vérifiée en cause, la Cour est ramenée à se baser uniquement sur la première partie du PNPN telle que publiée au Mémorial et toujours désignée ci-après, brevitatis causa, «PNPN».
C’est à partir de ce document qu’il convient dès lors de vérifier, en application de l’article 51 de la loi du 19 janvier 2004 prévoyant que «ce plan guide l’orientation politique en matière de protection de la nature et comprend les éléments suivants:
(...)
- | Les sites prioritaires en vue d’être déclarés zones protégées d’intérêt national; (...)», |
si le «Mamerdall», tel que cadré par le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 attaqué, figure parmi ces sites prioritaires.
De la sorte, la Cour est amenée, d’après les développements qui précèdent, à se baser sur la première partie du PNPN telle que publiée au Mémorial. Ainsi, elle constate qu’au niveau de la partie écrite sous le chapitre 2, intitulé «cibles et mesures», la cible 3 intitulée «désignation et gestion appropriée des zones protégées d’intérêt national et communautaire» prévoit au point 3.1 l’«accélération des efforts à investir dans le classement de zones protégées d’intérêt national*» et au point 3.4 la «finalisation des plans de gestion des zones protégées d’intérêt communautaire et national*» pris au point 3.5 la «désignation de sites complémentaires en vue de la finalisation en 2007 du réseau Natura 2000». La version publiée au Mémorial ne porte pas d’informations concernant la signification de l’astérisque marqué in fine des points 3.1 et 3.4.
Si les points 3.1, 3.4 et 3.5 font partie d’une sous-rubrique intitulée «a. gestion et protection», c’est au niveau de la sous-rubrique b intitulée «cadre légal» que se trouve une cible 4, elle-même intitulée «mise à jour des instruments de planification légaux et réglementaires» parmi laquelle figure un point 4.7 libellé «désignation des zones d’intérêt communautaire par la voie d’un règlement grand-ducal».
Au niveau de la cible 4, faisant pourtant partie du «cadre légal», aucune mention parmi les sept «sous-cibles» visées ne concerne une quelconque zone de protection d’intérêt national.
Pour le surplus, le PNPN comprend sous un chapitre 3, intitulé «les mesures ou actions hautement prioritaires», une sous-rubrique 3.1, intitulée «accélération des efforts investis dans le classement de zones protégées d’intérêt national» libellée comme suit:
«(3.1.) Accélération des efforts investis dans le classement de zones protégées d’intérêt national
Bien que le processus d’élaboration du plan national pour la protection de la nature n’a pas permis de réévaluer la totalité des sites figurant dans la «déclaration d’intention générale (DIG)» de 1981 (Décision du Gouvernement en Conseil du 24 avril 1981 relative au plan d’aménagement partiel concernant l’environnement naturel publiée au Mémorial B du 30 novembre 1981), le plan national a identifié 30 sites prioritaires pour être désignés en tant que zone protégée, du fait de leur valeur écologique exceptionnelle ou des menaces immédiates mettant en danger leur préservation à court terme. En outre, 6 sites supplémentaires à ceux de la liste de la «déclaration d’intention générale» de 1981 et répondant aux mêmes critères ont été désignés.
La désignation de ces 36 sites prioritaires (voir liste en annexe A et carte en annexe B), devra être réalisée à un rythme de 5 par an, avec comme objectif un doublement de la surface occupée par des zones protégées d’intérêt national. La désignation des sites pour lesquels l’élaboration d’un dossier de classement ou la procédure de désignation en tant que zone protégée était en cours au moment de l’entrée en vigueur du PNPN sera poursuivie (voir liste en annexe A).»
A partir de ce point 3.1., la Cour est amenée à constater que pour ses auteurs, appelés à définir précisément l’orientation politique en matière de protection de la nature au sens de l’article 51 de la loi du 19 janvier 2004, la DIG 81 se trouve dépassée et intégrée dans le PNPN tel que publié au Mémorial, tandis qu’effectivement 36 sites prioritaires s’y trouvent dégagés.
Il est vrai que d’un point de vue pratique ce constat ne porte pas trop à conséquence, dans la mesure où les sites éligibles prévus par la DIG 81 voire ceux y déclarés prioritaires ont été pour l’essentiel sinon entièrement repris par le PNPN.
L’annexe A comporte la liste des sites prioritaires suivant cinq sous-catégories à savoir 1) les sites prioritaires figurant sur la liste de la DIG 81; 2) les sites prioritaires supplémentaires ne figurant pas sur la liste de la DIG 81; 3) les sites prioritaires en vue d’être déclarés zones protégées en RFI; 4) la liste alternative/complémentaire de sites en vue d’être déclarés zones protégées en RFI; 5) la liste des sites en cours de procédure de désignation ou pour lesquels un dossier de classement était en cours d’élaboration au moment de l’entrée en vigueur du PNPN.
Il appartient dès lors à la Cour de vérifier si l’assiette de la zone protégée d’intérêt national prévue par le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 et désignée par la vallée «Mamerdall» se trouve utilement comprise parmi les 36 sites prioritaires ci-avant dégagés, a priori éligibles comme tels à être revêtus de la qualité de zones protégées d’intérêt national, toutes autres conditions prévues par la loi étant remplies par ailleurs.
Le texte du point 3.1, en son alinéa 2, renvoie aux annexes A et B au PNPN tel que publié au Mémorial.
Malgré le renvoi indifférencié à l’annexe A figurant au point 3.1 en question, il est patent que vu la différence entre le nombre de 36 sites prioritaires et le nombre total des sites énumérés sur les cinq listes précitées, nombre bien plus élevé, la conclusion s’impose que tous les sites figurant sur ces cinq listes ne peuvent dès lors correspondre aux 36 sites prioritaires.
En se rapportant à l’annexe B comportant la carte des sites prioritaires et la légende afférente, l’on se rend compte qu’y figurent les 30 sites prioritaires figurant sur la liste de la DIG 81 correspondant à la liste 1 de l’annexe A, de même que les six sites supplémentaires ne figurant pas sur la liste de la DIG 81 et correspondant à la liste 2 de l’annexe A, faisant précisément au total 36 sites. A ladite légende figurent également 8 sites prioritaires en vue d’être classés zones protégées RFI correspondant à la liste 3 de l’annexe A. Il est dès lors clair que suivant les auteurs du PNPN les sites des listes 4 et 5 ne figurent pas parmi les sites prioritaires.
C’est au niveau de la liste 5 que figurent effectivement la zone RF 21, intitulée «Bertrange/Kehlen/Kopstal/Lintgen/Lorentzweiler /Mamer/Mersch/Steinsel/Strassen», et plus loin la zone «Mamerdall». Or, il résulte de l’intitulé de la liste 5 que celle-ci comporte les sites en cours de procédure de désignation ou ceux pour lesquels un dossier de classement était en cours d’élaboration, au moment de l’entrée en vigueur du PNPN, sans qu’il ne soit possible à la Cour de retracer exactement laquelle des deux hypothèses est pertinente. La solution à cette question importe peu, étant donné que d’après l’agencement choisi par le législateur à travers les articles 40, alinéa 2, et 51 de la loi du 19 janvier 2004, la zone RF 21, outre de constituer une zone de réserve forestière, n’a pas pu être utilement considérée en l’occurrence en ce qu’elle ne fait pas partie des 36 sites prioritaires pour lesquels seulement le classement en zone protégée d’intérêt national pouvait être valablement entamé sous le régime du PNPN.
Cette conclusion est encore confirmée par l’annexe B où, logiquement, aucun des sites de la liste 5 ne figurant, également la zone RF 21 «Mamerdall» n’apparaît pas parmi les sites prioritaires.
Au niveau de la région du «Mamerdall» se trouvent cependant deux sites repris à la carte des sites prioritaires figurant à l’annexe B, à savoir au titre des sites prioritaires supplémentaires ne figurant pas sur la DIG, le site «NEW Mamer-Werwelslach» mentionné à l’annexe B, et au niveau des sites prioritaires en vue d’être déclarés zones protégées en RFI, sous le numéro RFI 24, le site de «Capellen/Engelsratt».
Pour ce dernier site, il y a lieu de souligner d’abord qu’il s’agit d’une réserve forestière intégrale qui figure également sous la liste 3 de l’annexe A en tant que RFI 24 intitulée «Capellen/Engelsratt» d’une contenance de 77 hectares. Outre que d’après les développements qui précèdent, cette zone ne fait pas partie des 36 sites prioritaires en application des articles 40, alinéa 2, et 51 de la loi du 19 janvier 2004, le fait qu’il s’agit pour le surplus d’une RFI et qu’elle ne revêt qu’une contenance de 77 hectares n’est certainement pas de nature à justifier qu’elle ait pu jeter la base à la mise en place d’une zone protégée d’intérêt national de plus de 2.300 hectares.
Au niveau des sites prioritaires supplémentaires ne figurant pas sur la DIG correspondant à la liste 2 de l’annexe A, figure le site de «Mamer/Werwelslach». II est indiqué à la liste 2 comme comprenant des prairies mésophiles, sans qu’une contenance en hectares n’y soit indiquée. Si ce site, en tant que l’un des 36 sites prioritaires utilement visés par le PNPN, avait a priori pu servir de base à un classement en tant que zone protégée d’intérêt national, ce classement aurait, dans cette hypothèse, été appelé à se limiter au site des prairies mésophiles en question. En aucun cas, il ne saurait être valablement déduit de la présence de ce site parmi les 36 sites prioritaires éligibles la possibilité de créer une zone protégée d’intérêt national tel que le «Mamerdall» comprenant à la fois une réserve naturelle et des paysages protégés, allant bien au-delà des prairies mésophiles visées par le site de «Mamer/Werwelslach», le site «Mamerdall» présentant au total une contenance de 2.389,63 ha allant bien au-delà de la surface limitée des prairies mésophiles en question. Pour le surplus, le lien entre ces prairies mésophiles et la protection des deux espèces d’oiseaux apparaissant comme ayant induit en l’occurrence la mise en place de la zone protégée d’intérêt national «Mamerdall», à savoir le Milan noir et la Pie-grièche écorcheur, laisse pour le surplus d’être établi suivant l’ensemble des données fournies au dossier. Sous ce dernier aspect, le fait que ces deux espèces d’oiseaux se trouvent par ailleurs sur la liste de protection, même à la fois au niveau communautaire et au niveau national, n’est pas suffisant pour induire le classement tel qu’il a été opéré, étant donné que d’après les bases légales que le législateur a prévues et qui ont été adoptées par les auteurs du règlement grand-ducal sous analyse, à savoir l’article 40 de la loi du 19 janvier 2004 et, à travers lui, son article 51, le site retenu devait d’abord figurer, en tant que tel, parmi les 36 sites prioritaires, pour ensuite pouvoir être utilement érigé en zone protégée d’intérêt national.
En conclusion, la Cour est amenée à constater à la suite des premiers juges, qu’au niveau du PNPN et des 36 sites valablement dégagés comme pouvant servir de base à un classement en tant que zones protégées d’intérêt national, le site du «Mamerdall» dans une contexture correspondant à celle finalement retenue suivant une double zone de protection A, dite réserve naturelle, et B, dite paysage protégé, ne se trouve en aucune manière vérifiée à partir des bases juridiques préfixées par la loi, à savoir les articles 40 et, à travers lui, 51 de la loi du 19 janvier 2004 successivement analysées par le tribunal et la Cour.
Par voie de conséquence, à la suite du tribunal, la Cour est amenée, par confirmation du jugement entrepris, à annuler le règlement grand-ducal attaqué du 30 novembre 2012 pour défaut de base habilitante suffisante.
Par ces motifs,
la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;
déclare l’appel étatique recevable;
au fond, le dit non justifié;
confirme le jugement dont appel du 3 juillet 2014 portant annulation du règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 déclarant zone protégée d’intérêt national la réserve naturelle et le paysage protégé, la vallée «Mamerdall» sise sur le territoire des communes de Bertrange, Kehlen, Kopstal, Lintgen, Lorentzweiler, Mamer, Mersch, Steinsel et de Strassen;
ordonne la publication du présent arrêt conformément aux dispositions de l’article 7 (3) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation de l’Ordre des juridictions de l’ordre administratif;
condamne l’Etat aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
Francis DELAPORTE, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller,
et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé Arny SCHMIT, greffier en chef du tribunal administratif.
s. Schmit | s. Delaporte |