Arrêté ministériel du 13 juin 1946 relatif à la preuve de la propriété non ennemie des titres luxembourgeois déclarés à l'étranger.

Le Ministre des Finances,

Le Ministre des Affaires Etrangères,

Vu l'article 18 de l'arrêté grand-ducal du 4 novembre 1944 relatif au recensement des titres luxembourgeois et étrangers, qui frappe les titres luxembourgeois déclarés à l'étranger d'une interdiction de disposition et de transfert aussi longtemps qu'il n'est pas justifié, dans les conditions à déterminer par le Ministre des Finances, que ces titres sont, depuis le 10 mai 1940, et sans interruption, la propriété de ressortissants luxembourgeois, alliés ou neutres;

Vu les arrêtés ministériels des 29 août 1945 et 26 mars 1946 relatifs à la libre circulation des titres luxembourgeois et étrangers;

Arrêtent:

Art. 1er.

L'interdiction résultant de l'article 18 de l'arrêté grand-ducal du 4 novembre 1944 relatif au recensement des titres luxembourgeois et étrangers sera levée, sous les conditions déterminées par le présent arrêté, en ce qui concerne les titres qui, depuis le 10 mai 1940, n'ont été, à ancun moment, la propriété de ressortissants ennemis.

Art. 2.

Pour l'application du présent arrêté sont considérés comme ressortissants ennemis:

les personnes physiques de nationalité allemande ou japonaise;
les personnes physiques et les personnes morales de droit public ou de droit privé résidant sur le territoire allemand ou japonais ou y exerçant leur activité;
les sociétés de personnes ou de capitaux, associations ou organismes dont 25% des intérêts ou plus sont détenus par des personnes mentionnées sous le 1. ou le 2.

Art. 3.

En ce qui concerne les titres luxembourgeois déclarés à l'étranger, qui n'ont fait l'objet d'aucune transmission entre vifs postérieurement au 9 mai 1940, l'intermédiaire qui a reçu ou souscrit la déclaration de ces titres établira une attestation constatant:

1" qu'ils appartiennent au propriétaire indiqué dans la déclaration soit pour les avoir acquis avant le 10 mai 1940, soit pour les avoir recueillis dans la succession d'un ressortissant non-ennemi qui les avait acquis avant le 10 mai 1940;
2" que le propriétaire indiqué dans la déclaration n'est pas ressortissant ennemi.

Art. 4.

Lorsque le propriétaire indiqué dans la déclaration ou la personne dont il est l'ayantcause par voie de succession a acquis les titres après le 9 mai 1940 il produira:

a) une liste indiquant les nom, prénoms, profession, nationalité et résidence de chacune des personnes qui ont été successivement propriétaires des titres;
b) une attestation établie par chacune de ces personnes indiquant la date, la nature et les conditions de l'aliénation qu'elle a consentie;
c) une attestation délivrée soit par un banquier un agent de change ou un établissement financier, soit par la société émettrice, constatant que le plus ancien propriétaire indiqué dans la liste visée au littéra
d) ou la personne dont il est l'ayant-droit par voie de succession était propriétaire des titres au 10 mai 1940;
e) un certificat de nationalité et un certificat de résidence établis en son nom et, le cas échéant un certificat de résidence et un certificat de nationalité établis au nom de la personne dont il est l'ayant-droit par voie de succession.
f) un certificat de nationalité et un certificat de résidence établis dans le chef de chacun des propriétaires mentionnés dans la liste prévue au littéra a).

Art. 5.

Les attestations visées à l'article 3 doivent contenir toutes les indications permettant l'identification des titres et mentionner les numéros des titres.

Les attestations visées à l'article 4 littéra b) et c) doivent contenir tontes les indications permettant l'identification des titres et des personnes pour qui les opérations ont été faites; elles doivent mentionner les numéros des titres et la date des opérations auxquelles elles se réfèrent.

Les attestations visées aux articles 3 et 4 littéras b) et c) indiquent en outre la date et le numéro de la déclaration à laquelle elles se réfèrent, ainsi que l'intermédiaire qui a reçu ou souscrit la dite déclaration.

Le Ministre des Finances peut, suivant les pays et aux conditions à fixer par lui, dispenser de l'indication des propriétaires antérieurs à une acquisition régulière en bourse survenue après le 10 mai 1940 et de la production de toutes ou de certaines des attestations prévues à l'article 4 b) c) e) en ce qui les concerne.

Est considérée comme acquisition en bourse, au sens du présent arrêté, celle qui a eu lieu dans une bourse ou un marché organisé ou contrôlé par les pouvoirs publics.

Art. 6.

Lorsqu'un propriétaire repris dans la liste prévue au littéra a) de l'article 4 a recueilli les titres dans une succession, le fait de la transmission successorale doit être attesté soit par le fonctionnaire compétant, au vu de la déclaration faite pour l'impôt de succession, soit par un acte de notoriété dressé par un officier public ou une autorité locale.

Art. 7.

Les attestations visées à l'article 3 sont dans chaque pays transmises à la représentation diplomatique ou consulaire luxembourgeoise qui les fait suivre au Ministère des Finances, Service du recensement des titres.

Dans le cas visé à l'article 4 l'intéressé remet les pièces justificatives à l'établissement financier qui a reçu les titres en dépôt en exécution de l'arrêté grand-ducal du 4 novembre 1944. Après s'être assuré de la régularité de ces pièces et de la concordance des numéros y mentionnés avec ceux des titres déposés, le dit établissement transmet le dossier à la représentation diplomatique ou consulaire luxembourgeoise qui le fait suivre au Ministère des Finances à Luxembourg, Service du recensement des titres.

Art. 8.

Lorsque le propriétaire mentionné dans la déclaration ou l'un des propriétaires mentionnés dans la liste visée à l'article 5 littéra a) est une personne morale, l'envoi à la représentation diplomatique ou consulaire comprendra, le cas échéant en lieu et place des certificats de nationalité et de résidence:

a) s'il s'agit d'une personne morale de droit public, un document attestant l'identité et la qualité de cette personne et le lieu où elle exerce son activité;
b) s'il s'agit d'une société de personnes ou de capitaux, association, organisme, ou toute autre personne morale de droit privé:
la copie des actes officiels relatifs à la constitution de la société, de l'association ou de l'organisme, et aux modification apportées à son capital;
la copie du procès verbal de la dernière assemhlée générale;
la composition du conseil d'administration et de surveillance en 1939-1940-1941-1942- 1943-1944-1945 et actuellement.

Art. 9.

Dans chaque pays la représentation diplomatique ou consulaire luxembourgeoise fixe les délais endéans lesquels les attestations et justifications doivent lui être transmises.

Art. 10.

Si les justifications sont estimées suffisantes, le service du recensement des titres au Ministère des Finances à Luxembourg établit pour chaque titre le certificat d'identification prévu par l'arrêté ministériel du 29 août 1945. Ce certificat est transmis à l'établissement financier détenteur des titres par l'entremise de la représentation diplomatique ou consulaire luxembourgeoise qui appose son sceau à l'endroit réservée au sceau de la Commission de la Bourse sur le modèle annexé à l'arrêté ministériel du 29 août 1945. La signature du Chef du service d'identification prévue au même modèle est remplacée par celle d'un délégué du Ministre des Finances.

Art. 11.

A partir du moment ou ils sont revêtus du certificat d'identification, les titres luxembourgeois déclarés à l'étranger peuvent être négociés et aliénés et la banque dépositaire peut les restituer aux ayants-droit.

Ils ne sont réguliers et de bonne livraison qu'aussi long-temps qu'ils restent munis du dit certificat. dont, en aucun cas, il ne sera délivré de duplicata.

Art. 12.

Les pièces à délivrer au Luxembourg en exécution du présent arrêté sont exemptes du droit de timbre.

Art. 13.

Le présent arrêté entre en vigueur le jour de sa publication au Mémorial.

Luxembourg, le 13 juin 1946.

Le Ministre des Finances,

P. Dupong.

Le Ministre des Affaires Etrangères.

Jos. Bech.