Arrêté grand-ducal du 26 septembre 1945 ayant pour objet le redressement de certains cas de rigueur nés de l'échange et de la conversion monétairee.
Nous CHARLOTTE, par la grâce de Dieu, Grande-Duchesse de Luxembourg, Duchesse de Nassau, etc., etc., etc.;
Considérant que l'échange monétaire institué par l'arrêté grand-ducal du 14 octobre 1944 prévoyait généralement la reprise par l'Etat de la monnaie allemande à la valeur de 5 fr. le Rm., sans prendre en considération ni l'origine des avoirs ni la situation de fortune des détenteurs;
Considérant cependant que des quantités de ces Rm. proviennent de la réalisation d'anciens avoirs ou de valeurs réelles et que certaines circonstances dues à l'occupation avaient obligé nombre de personnes à garder à vue des avoirs anormalement élevés en Rm., ce qui a eu pour suite de léser les intérêts légitimes de certains détenteurs;
Considérant qu'il y a lieu de redresser à charge de l'Etat les cas susvisés;
Vu notre arrêté du 14 octobre 1944 concernant l'échange monétaire;
Vu les lois des 28 septembre 1938 et 29 août 1939 portant extension de la compétence du pouvoir exécutif;
Vu l'article 27 de la loi du 16 janvier 1866 sur l'organisation du Conseil d'Etat et considérant qu'il y a urgence;
Sur le rapport et après délibération du Gouvernement en Conseil;
Avons arrêté et arrêtons:
Art. 1er.
Les personnes physiques ou morales de nationalité luxembourgeoise qui par suite de circonstances dues à l'occupation ennemie ont détenu au moment de l'échange monétaire des avoirs en Rm. anormalement élevés, sont admis, à charge de l'Etat, au taux d'échange: un Rm. = 10 fr., dans la mesure où ces avoirs proviennent notamment:
a) | de la réalisation de valeurs réelles, telles que immeubles et meubles de toute nature; |
b) | du remboursement d'anciennes créances nées avant le 5 février 1941; |
c) | du transfert de sommes ayant originairement eu le caractère d'anciens avoirs; |
d) | du remboursement d'assurances-vie, du paiement d'assurances-incendie et autres, du paiement de dommages de guerre; |
e) | du paiement de fournitures effectuées et de travaux exécutés. |
Art. 2.
Les sommes employées durant l'occupation à l'achat de titres luxembourgeois annulé dans la suite sont admises au bénéfice du présent arrêté en tant que les sommes employées proviennent d'opérations visées à l'article premier.
Art. 3.
Sont admis au taux d'échange 1 Rm. = 12,50 fr.:
a) | les montants qui, en dépit des opérations intervenues à leur sujet, n'ont pas perdu le caractère d'anciens avoirs; |
b) | les avoirs des instituts d'épargne et de crédit non-bancaires transformés ou dissous par l'occupant, dans la mesure où l'accroissement de fortune réalisé après le 10 mai 1940 ne suffira pas pour remplir les obligations assumées envers leurs déposants. |
Art. 4.
Les montants admissibles à l'échange en vertu du présent arrêté ne seront admis que dans la mesure où les pertes essuyées par le déclarant sur les échanges 1 Rm. = 5 fr. n'auront pas été compensées par les gains réalisés à la suite d'opérations d'échange et de conversion monétaires.
Art. 5.
Les montants susceptibles de bonification lors de la fixation de l'impôt extraordinaire sur les accroissements de revenus réalisés pendant la guerre ne tombent pas sous l'application du présent arrêté.
Art. 6.
Sauf disposition ultérieure contraire le présent arrêté ne s'applique ni aux montants inférieurs à 200 Rm., ni à ceux supérieurs à 200.000 Rm. Cette restriction ne s'applique pas aux cas visés à l'art. 3. lit. b du présent arrêté.
Art. 7.
Le Gouvernement est autorisé à conclure avec les Gouvernements des nations alliées et neutres des conventions étendant le bénéfice du présent arrêté aux ressortissants de leurs pays respectifs.
Art. 8.
En vue d'obtenir les avantages prévus aux articles 1 à 3 du présent arrêté, les intéressés présenteront au Gouvernement, Département des Finances, une demande sur un formulaire spécial qui leur sera fourni par ce département.
Art. 9.
Les demandes seront instruites par une commission de cinq membres à instituer par arrêté ministériel.
Les décisions qui devront être motivées seront prises par la Commission.
Elles sont susceptibles d'un recours à adresser au Ministre des Finances dans le mois de leur notification.
Art. 10.
Pour couvrir la dépense résultant de l'application du présent arrêté, il sera inscrit sous l'article 441 du budget de 1945 un crédit non limitatif de 100.000.000, - fr.
Art. 11.
Les personnes qui, moyennant fausses déclarations, faux ou autres machinations auront tenté de se procurer ou auront obtenu les avantages prévus au présent arrêté, seront passibles d'une peine d'amende de 2000 à 20.000 fr. et d'une peine d'emprisonnement de 3 mois à 3 ans ou d'une de ces peines seulement.
La restitution des sommes indûment accordées sera ordonnée.
Lorsqu'il s'agit de personnes morales, la poursuite sera dirigée contre les gérants ou tout autre agent responsable.
Art. 12.
Notre Ministre des Finances est chargé de l'exécution du présent arrêté qui sera publié au Mémorial.
Les Membres du Gouvernement: P. Dupong. P. Krier. N. Margue. V. Bodson. P. Frieden. R. Als. G. Konsbruck. |
Luxembourg, le 26 septembre 1945. Charlotte. |