Arrêté grand-ducal du 10 novembre 1944 relatif au contrôle des changes.

Nous CHARLOTTE, par la grâce de Dieu,

Grande-Duchesse de Luxembourg, Duchesse de Nassau, etc., etc., etc.;

Vu les lois du 28 septembre 1938 et 29 août 1939 portant extension de la compétence du pouvoir exécutif;

Vu l'art. 27 de la loi du 16 janvier 1866 sur l'organisation du Conseil d'Etat;

Considérant qu'en vue du rétablissement d'une vie économique normale et de la réorganisation du change il est indispensable de prescrire le contrôle de tous transferts quelconques de biens et valeurs entre le Grand-Duché et l'étranger;

Considérant qu'eu égard aux intérêts en jeu le maximum de l'amende prévu par les susdites lofe de compétence est insuffisant pour assurer l'efficacité de la mesure en question; que dans ces conditions il est nécessaire de prévoir un maximum approprié;

Considérant qu'en présence dé la situation actuelle et du caractère d'urgence de la mesure envisagée il est impossible d'avoir recours à la procédure législative normale;

Sur le rapport et après délibération du Gouvernement en Conseil;

Avons arrêté et arrêtons:

Art. 1er.

Le Gouvernement est autorisé à organiser, par des arrêtés pris en conseil, le contrôle de tous, transferts quelconques de biens et valeurs entre le Grand-Duché et l'étranger.

Il peut notamment, à cette fin, soumettre à contrôle, et plus spécialement à autorisation préalable :

1. Tous actes de disposition concernant des biens que des personnes établies au Grand-Duché possèdent à l'étranger ainsi que tous actes d'acquisition par ces personnes de biens situés à l'étranger;
2. Tous actes de disposition concernant des créances que ces personnes détiennent sur des débiteurs étrangers ainsi que tous actes d'acquisition par ces personnes de créances sur des débiteurs étrangers.
3. Tous actes par lesquels ces personnes aliènent des biens quelconques en faveur d'étrangers, paient des dettes à des étrangers ou en deviennent débiteurs.
4. Tous actes par lesquels ces personnes cèdent ou acquièrent des avoirs libellés en monnaie étrangère
5. Toute importation ou exportation de biens quelconques à l'exception de l'or qui est soumis aux dispositions de l'art. 4 ci-après.

Art. 2.

Le Gouvernement est autorisé à confier ce contrôle à un institut à désigner par Notre Ministre des Finances et à déléguer à cet institut le pouvoir de prendre des règlements relatifs aux matières visées à l'art, 1er et à l'art. 3.

Art. 3.

L'intervention des banques et autres instituts financiers dans les opérations visées à l'art. 1er fera l'objet d'une réglementation à prendre par arrêté ministériel.

Art. 4.

L'importation et l'exportation de l'or, de même que la négociation de l'or dans le Grand-Duché en pièces monnayées ou en lingots, seront organisées en collaboration avec des établissements financiers à désigner par Notre Ministre des Finances.

Art. 5.

Toute infraction aux dispositions du présent arrêté, des arrêtés d'exécution et des règlements pris par l'institut à désigner conformément à l'art. 2 sera punie d'un emprisonnement de 8 jours à 2 ans et d'une amende de 1.000 à 1.000.000 francs ou de l'une de ces peines seulement.

Toutes les dispositions du Livre 1er du Code pénal s'appliquent aux infractions prévues par le présent arrêté.

En cas de récidive, les peines sont portées au double et l'emprisonnement sera toujours prononcé.

La décision judiciaire préverra en outre la confiscation des biens, y compris les créances ayant fait l'objet de l'infraction, pour autant qu'ils appartiennent au délinquant, ainsi que la confiscation des bénéfices que le délinquant a tirés de l'infraction.

Art. 6.

Outre les officiers de police judiciaire, les fonctionnaires et employés de l'administration des contributions et accises, des douanes et de la Trésorerie et les délégués de l'institut à désigner ont qualité pour constater les infractions punissables conformément à l'article précédent. Sont rendues applicables à ces infractions, les dispositions des lois et règlements sur les douanes et accises concernant la rédaction des procès-verbaux et la foi due à ces actes. La poursuite est exercée à la requête de l'institut susmentionné.

Art. 7.

En vue de rechercher et de constater toute infraction aux lois, arrêtés et règlements en matière de contrôle des changes, les délégués de l'institut à désigner peuvent invoquer tout renseignement, pièce, procès-verbal dont ils sont saisis ainsi que tout acte qu'ils connaissent par l'exercice de leurs fonctions.

Les services administratifs de l'Etat et des communes, y compris les parquets et les greffes des cours et tribunaux, doivent d'office transmettre à l'institut susmentionné tout renseignement et document de nature à faciliter la recherche et la constatation de ces infractions.

Les délégués qui ont ouvert une information peuvent exiger la communication de tous renseignements verbaux ou écrits relatifs aux préventions donnant lieu aux recherches qu'ils effectuent.

Ils peuvent exiger, notamment, sans déplacement, la production de toutes écritures et documents comptables susceptibles de permettre la vérification de ces préventions. Toutefois, quiconque est requis de produire des écrits ou documents comptables peut demander au préalable la preuve écrite de l'accord de l'institut susmentionné concernant cette réquisition.

Art. 8.

Les délégués de l'institut à désigner qui divulgueraient par imprudence un renseignement quelconque obtenu dans l'exercice de leurs fonctions, sont passibles d'une peine d'emprisonnement de huit jours à deux ans et d'une amende de 1.000 à 1.000.000 de francs ou d'une de ces peines seulement.

Art. 9.

Notre Ministre des Finances est chargé de l'exécution du présent arrêté qui entrera en vigueur le jour de sa publication au Mémorial.

Le Ministre d'Etat,

Président du Gouvernement,

Ministre des Finances,

P. Dupong.

Le Ministre des Affaires Etrangères,

Jos. Bech.

Le Ministre du Travail,

P. Krier.

Le Ministre de la Justice,

V. Bodson.

Londres, le 10 novembre 1944.

Charlotte.