Arrêté grand-ducal du 5 février 1941, complétant l'arrêté du 28 février 1940 concernant l'administration des sociétés commerciales et holding en temps de guerre.

Nous CHARLOTTE, par la grâce de Dieu

Grande-Duchesse de Luxembourg, Duchesse de Nassau, etc., etc., etc.;

Vu les lois du 28 septembre 1938 et du 29 août 1939 concernant l'extension du pouvoir exécutif;

Vu Notre arrêté du 28 février 1940, concernant l'administration des sociétés commerciales en temps de guerre; Considérant que l'article 6 du susdit arrêté suspend les pouvoirs des organes statutaires des dites sociétés, si les personnes qui les composent résident dans une partie du territoire occupé par une puissance étrangère et s'il s'agit de biens ou droits s'étant trouvés en dehors de cette partie du territoire avant l'occupation;

Considérant que le susdit article 6 parle uniquement des biens et droits; qu'il ne mentionne pas les personnes; qu'on peut admettre que les personnes sont implicitement comprises dans les dispositions actuellement en vigueur de l'article 6; que cependant pour éviter toute contestation, il échet de les mentionner expressément;

Considérant que le susdit article 6 ne prévoit l'incompétence des organes statutaires que pour les liens et les droits s'étant trouvés en dehors du territoire occupé au moment de l'occupation; qu'il est nécessaire de faire disparaître cette restriction et de soustraire à la compétence des dits organes tous droits, biens et personnes se trouvant en dehors du territoire occupé, même s'ils s'y sont trouvés encore au moment de l'occupation, voire même plus tard;

Considérant que bien qu'aucune disposition formelle de l'arrêté du 28 février ne règle expressis verbis la gestion des intérêts sociaux en dehors des territoires occupés, il est cependant évident que les administrateurs se trouvant en pays nonoccupé ont la compétence nécessaire pour gérer les affaires de la société, lorsqu'ils sont dans les conditions requises par les statuts pour l'exercice de leur mandat; qu'on pourrait éventuellement soutenir que tel n'est plus le cas, si ces mêmes administrateurs ne sont pas en nombre suffisant pour constituer les quorums nécessaires à la validité de leurs délibérations ou pour engager la société vis-à-vis d'un tiers; qu'il est indiqué d'écarter par un texte formel cette interprétation qui est contraire à l'esprit et au but de l'arrêté du 28 février;

Considérant que, pour éviter tout abus de la part de personnes mal intentionnées, il importe de préciser les conditions de résidence auxquelles doivent satisfaire les administrateurs pour gérer les biens, droits ou personnes se trouvant en dehors du territoire occupé;

Considérant que les personnes se trouvant dans un territoire dont les communications avec l'extérieur sont contrôlées par la puissance occupant le pays, respectivement ses alliés, ne peuvent assurer librement la gestion d'intérêts situés en dehors de ces territoires; qu'il est donc indiqué de suspendre leurs pouvoirs;

Vu l'article 27 de la loi du 16 janvier 1866 sur l'organisation du Conseil d'Etat et considérant qu'il y a urgence;

Sur le rapport et après délibération du Gouvernement en Conseil;

Avons arrêté et arrêtons:

Art. 1er.

L'article 6 de l'arrêté grand-ducal du 28 février 1940 est remplacé par le texte suivant:

Les pouvoirs de l'assemblée générale, des administrateurs, en général de tous ceux qui à un titre quelconque, ont le droit de disposer des biens ou droits de la société, sont suspendus en tant que cette assemblée se réunit ou que ces personnes résident dans une partie du territoire occupé par une puissance ennemie et qu'il s'agit de biens, droits ou de personnes se trouvant en dehors de cette partie du territoire.

Art. 2.

Le susdit arrêté du 28 février 1940 est complété par les dispositions suivantes qui en constituent les article 6bis, 6ter et 6quater.

Art. 6bis.

Les administrateurs, gérants ou toute autre personne dont la signature, au nom de la société, a la même valeur et peut être apposée dans les mêmes cas que celle des administrateurs et gérants, résidant en dehors des territoires occupés par une puissance ennemie, peuvent exercer les pouvoirs attribués par la loi et les statuts à l'organe d'administration de la société, en vue d'assurer la gestion des biens et des droits de celle-ci, et, éventuellement, l'activité sociale en dehors des dits territoires. Ces pouvoirs peuvent être exercés même si les quorums requis par les statuts ne sont pas réunis.

Art. 6ter.

Sont considérés comme résidant en dehors des territoires occupés par une puissance ennemie, les personnes habitant en dehors de ces territoires depuis au moins le 1er mai 1940.

L'habitation doit être effective et continue.

Des dispenses peuvent être données par Notre Ministre de la Justice.

Art. 6quater.

Pour l'application du présent arrêté sont considérés comme territoires occupés par une puissance ennemie, les pays dont les communications sont contrôlées par l'Allemagne et ses alliés.

Art. 3.

Notre Ministre de la Justice est chargé de l'exécution du présent arrêté qui entrera en vigueur le 5 février 1941. L'entrée en vigueur des dispositions de l'article 1er est cependant fixée au 9 mai 1940.

En attendant sa publication au Mémorial, le texte du présent arrêté sera affiché durant trente jours consécutifs au moins, à Notre Légation à Washington.

Le Ministre d'Etat,

Président du Gouvernement,

Ministre des Finances,

P. Dupong.

Le Ministre des Affaires Etrangères,

Jos. Bech.

Le Ministre du Travail,

P. Krier.

Le Ministre de la Justice,

V. Bodson.

Montréal, le 5 février 1941.

Charlotte.