Arrêté grand-ducal du 31 mars 1937, statuant sur un recours présenté au Conseil d'Etat, comité du contentieux, de la part du sieur Laurent Rink, contre-maître à Belvaux.
Nous CHARLOTTE, par la grâce de Dieu
Grande-Duchesse de Luxembourg, Duchesse de Nassau, etc., etc., etc.;
Vu les pièces du dossier, notamment: l'arrêté grand-ducal du 15 novembre 1935 qui accorde au sieur Laurent Rink, contre-maître à Belvaux, l'autorisation d'opter pour la nationalité luxembourgeoise;
l'arrêté du Directeur général de la Justice du 16 novembre suivant qui fixe à 800 fr. le droit d'enregistrement auquel est assujettie la déclaration d'option;
l'avis du receveur de l'enregistrement d'Eschs.-Alz. du 20 novembre 1935, invitant l'intéressé à se présenter dans la quinzaine à son bureau, muni de l'expédition de l'arrêté ministériel, laquelle lui parviendra de la part de l'administration communale de Sanem ou lui sera remise au secrétariat de cette commune, pour payer les droits de timbre et d'enregistrement au montant de 6,50 fr. et resp. 783,50 fr. redus sur les arrêtés susvisés;
la lettre adressée le 12 décembre 1935 par Me Alfred Loesch, avocat à Luxembourg, au Directeur général de la Justice, par laquelle il l'informe, au nom de Rink, que son client s'est présenté itérativement, mais en vain au secrétariat de la commune pour entrer en possession de l'expédition dont s'agit, et le prie de bien vouloir intervenir à ces fins auprès de l'administration communale;
la réponse du Directeur général de la Justice du 15 janvier 1936 à Me Loesch, portant qu'il ne peut réserver un accueil favorable à sa demande, l'art. 10 de la loi du 23 avril 1934 sur l'indigénat n'autorisant l'option que sur avis conforme du Conseil d'Etat et du Conseil communal de la résidence et l'avis de la commune de Sanem ayant été défavorable en. l'espèce;
la nouvelle lettre de Me Loesch du 28 janvier 1936 invitant derechef le Directeur général à enjoindre à l'administration communale de Sanem de s'exécuter envers son mandant, qui aurait bénéficié du droit d'option suivant l'avis lui transmis par le receveur de l'enregistrement;
la réponse du Directeur général de la Justice du 10 février suivant qui confirme celle du 15 janvier et dans laquelle le Directeur général déclare, en outre, que Rinck n'a un droit acquis à l'arrêté autorisant l'option qu'à partir de la date de sa notification qui jusqu'ici n'aurait pas encore eu lieu;
Vu le recours en annulation des décisions précitées du Directeur général de la Justice en date du 15 janvier et 10 février 1936, présenté par Me Loesch au secrétariat du Conseil d'Etat le 14 mars 1936 et signifié à l'administration communale de Sanem le 11 mars précédent;
Vu le mémoire en réponse du Gouvernement, déposé le 2 juillet 1936;
Sur le rapport de M. le Conseiller-rapporteur fait à l'audience publique du 9 décembre 1936 et sur les observations orales présentées à ladite audience par Me Alfred Loesch pour le demandeur et par M. le délégué du Gouvernement;
Considérant que le demandeur soutient que l'arrêté grand-ducal du 15 novembre 1935 quoique irrégulier pour avoir été pris en dehors des conditions prévues par la loi, lui aurait définitivement conféré le droit d'opter pour la nationalité luxembourgeoise, alors qu'il aurait été porté à sa connaissance par le receveur de l'enregistrement et n'aurait pas fait l'objet d'un recours dans le délai de la loi; que le refus du Directeur général de la Justice de l'exécution constituerait dès lors la violation d'un droit acquis donnant ouverture au recours prévu par l'art. 36 de la loi du 16 janvier 1866 sur l'organisation du Conseil d'Etat;
Considérant que le mémoire en réponse du Gouvernement, tout en admettant la théorie du demandeur sur la validité des décisions administratives, même entachées d'une illégalité qui confèrent des droits au profit des bénéficiaires et qui ne sont pas attaquées dans le délai de la loi, conteste cependant que dans le cas présent l'intéressé ait pu acquérir un droit à l'exécution de l'arrêté grand-ducal du 15 novembre 1935, pour le motif que jusqu'à présent cet arrêté ne lui aurait pas encore été notifié; que l'avis du receveur de l'enregistrement ne pourrait remplacer la notification prévue par la loi, alors qu'il serait complètement muet sur la teneur et les termes de la décision souveraine et que le receveur n'aurait pas eu qualité de faire la notification;
Considérant que la loi n'a pas déterminé la forme de la notification des arrêtés grand-ducaux portant autorisation d'opter pour la nationalité luxembourgeoise; que cette forme a donc pu être valablement déterminée par le Gouvernement;
Considérant qu'il résulte de la procédure établie à ces fins que le Gouvernement entendait faire notifier l'arrêté d'autorisation exclusivement par l'entremise du Commissaire de district et de l'administration communale, le receveur de l'enregistrement étant uniquement chargé de la perception du droit; qu'il en résulte que la communication dont fut touché le requérant de la part dudit receveur ne pouvait avoir ni le caractère ni la portée d'une notification, ce dernier n'ayant eu ni le pouvoir ni l'intention de notifier l'arrêté grand-ducal d'autorisation; que la communication du receveur, en apprenant à l'impétrant l'existence de cet arrêté, ne saurait aucunément remplacer la notification expressément prévue, la jurisprudence formelle et constante du Conseil d'Etat refusant à la connaissance acquise l'effet de la notification;
Considérant qu'entretemps l'arrêté grand-ducal du 15 novembre 1935 a été régulièrement annulé, de sorte que sa notification ne serait plus d'aucun intérêt pour le demandeur; qu'il en découle que les conclusions du demandeur dirigées contre les décisions ministérielles des 15 janvier et 10 février 1936 sont devenues sans objet;
Vu l'art. 23 de la loi du 16 janvier 1866 portant organisation du Conseil d'Etat et les art. 28 et 29 du règlement de procédure du 21 août suivant;
Sur le rapport de Notre Ministre d'Etat, Président du Gouvernement, et après délibération du Gouvernement en Conseil;
Avons arrêté et arrêtons:
Art. 1er.
Le recours introduit par le sieur Laurent Rink contre les décisions de Notre Directeur général de la Justice et de l'Intérieur des 15 janvier et 10 février 1936 est déclaré recevable mais non fondé.
Art. 2.
Les frais de la présente instance sont mis à charge du demandeur.
Art. 3.
Notre Ministre d'Etat, Président du Gouvernement, est chargé de l'exécution du présent arrêté qui sera inséré au Mémorial.
Le Ministre d'Etat, Président du Gouvernement, Jos. Bech. |
Château de Berg, le 31 mars 1937. Charlotte. |