Arrêté grand-ducal du 21 août 1913, concernant l'exécution de la loi sur les bureaux de placement.

Nous MARIE-ADÉLAÏDE, par la grâce de Dieu Grande-Duchesse de Luxembourg, Duchesse de Nassau, etc., etc., etc.;

Revu la loi du 2 mai 1913, ayant pour objet de réglementer les bureaux de placement, et dont l'art. 1er est conçu comme suit:
«     

Le Gouvernement est autorisé à soumettre l'ouverture et le mode d'exploitation des bureaux de placement à des prescriptions spéciales à déterminer dans un règlement d'administration publique

     »
;

Notre Conseil d'Etat entendu;

Sur le rapport de Notre Ministre d'Etat, Président du Gouvernement, et après délibération du Gouvernement en conseil;

Avons arrêté et arrêtons:

Art. 1er.

Personne ne peut exercer la profession de placeur s'il n'est autorisé spécialement et par écrit par le Gouvernement.

L'impétrant devra présenter:

une demande sur timbre;
un extrait du casier judiciaire;
un certificat de résidence constatant qu'il a résidé dans le pays depuis trois années au moins.

Art. 2.

La demande ne sera accordée que s'il est constaté que l'impétrant présente des garanties de moralité et d'honnêteté nécessaires pour l'exercice de la profession de placeur.

L'autorisation est révocable sans indemnité pour celui qui l'a obtenue.

L'arrêté d'autorisation est personnel; le bureau ne pourra être tenu que par le titulaire lui-même. Toute succursale est prohibée.

Art. 3.

Le placeur qui désire tenir une entreprise de logements ou de lits ou qui veut fournir la nourriture aux personnes qui cherchent à se procurer un emploi par son intermédiaire, doit être autorisé spécialement conformément aux art. 1er et 2.

Art. 4.

Les décisions portant refus ou retrait des autorisations prévues aux art. 1er et 3 peuvent être déférées au Conseil d'Etat, comité du contentieux, qui y statuera avec juridiction directe.

Art. 5.

Il est défendu aux placeurs de faire usage dans leur enseigne des armoiries de l'Etat grand-ducal ou d'autres mentions recomman - datives. L'enseigne ne pourra porter que le mot «Placeur» et le nom du propriétaire autorisé.

Il leur est défendu d'annoncer, de quelque façon que ce soit, des emplois qu'ils n'auraient pas mandat de procurer.

Il leur est encore interdit de racoler des demandeurs d'emploi dans les gares, rues, places publiques et débits de boissons.

Art. 6.

Il est interdit à quiconque exerce la profession de placeur d'exercer, soit par lui-même, soit sous le nom de son conjoint, soit de toute autre personne interposée, un débit de boissons, la vente en détail de boissons alcooliques, un commerce de vêtements, d'objets d'usage personnel, de denrées de consommation ou d'alimentation, de billets de loterie, un commerce de barbier ou de coiffeur, un commerce de changeur, de prêteur sur gages ou de courtier en prêts sur gages.

Il est interdit au placeur d'entrer en relations d'affaires avec d'autres personnes exploitant une entreprise de location de logements ou de lits ou un des commerces visés ci-dessus, de telle sorte qu'il se fasse donner ou promettre par ces personnes des commissions de quelque nature que ce soit, à raison de l'exercice de son industrie. Cette interdiction ne s'applique pas au cas où ces personnes ont recours à l'industrie du placeur pour les besoins de leur propre exploitation.

Il est interdit à quiconque exerce la profession de placeur d'en tirer parti pour favoriser d'autres exploitations lui appartenant ou appartenant à des tiers.

Il est interdit au placeur d'obliger ou d'inciter le demandeur d'emploi à se fournir de marchandises dans les exploitations ou magasins lui appartenant ou désignés par lui.

Art. 7.

Sont nulles les conventions par lesquelles un employé ou un employeur s'oblige ou s'est obligé à se servir à l'avenir de l'intermédiaire d'un placeur déterminé.

Art. 8.

Les placeurs doivent publier dans leurs bureaux et dans les salles d'attente du public en grands caractères et à un endroit bien visible en langues allemande et française le tarif des placements. Le tarif doit spécifier les taxes à charge de l'employeur ou de l'employé, et, s'il y a lieu, la part payable avant l'indication d'un emploi et celle après la réalisation de l'engagement.

En dehors du tarif, le placeur ne pourra rien exiger à titre de port de lettre, correspondances, soins spéciaux, etc. Toute convention contraire est nulle.

En cas d'affichage ou d'annonce des places offertes ou de demandes d'emploi, l'affiche ou l'annonce devront indiquer la taxe afférente du placeur.

Nous Nous réservons de fixer un tarif maximum dès que la nécessité se fera sentir.

Les placeurs qui sont pourvus de l'autorisation prévue à l'art. 3 doivent afficher dans le bureau le tarif de l'entretien et dans chaque chambre le tarif du logement.

Art. 9.

Les placeurs ne peuvent retenir, contre la volonté de leur propriétaire, les livrets de gens de service (livrets de domestique), livrets de travail, certificats, pièces d'identité et autres objets parvenus en leur possession à l'occasion du placement, ni exercer sur de tels objets un droit de rétention ou de gage.

Art. 10.

Chaque placeur devra tenir avec la plus grande régularité deux registres; l'un, destiné à l'inscription des demandes d'emploi, mentionnera les noms, prénoms, âge, profession et domicile de la personne à placer ainsi que les nom, profession et domicile de la personne chez qui elle aura été placée et la date du placement; l'autre, destiné à l'inscription des offres d'emploi, mentionnera les nom, profession et domicile de l'employeur, la nature et les conditions de la place offerte, le taux du salaire offert, les nom, prénoms, âge, profession et domicile de la personne à placer, la date du placement et la somme versée.

Ces registres doivent être tenus sans rature, blanc ou surcharge, et devront être présentés à toute réquisition des agents de surveillance.

Ces registres devront être conservés trois ans après la date de la dernière inscription.

Art. 11.

Une copie du présent règlement sera affichée en langues allemande et française dans tout bureau de placement et de façon que le public puisse en tout temps en prendre facilement connaissance.

Art. 12.

Les personnes qui exploitent un bureau de placement au moment de la mise en vigueur de la loi du 2 mai 1913 devront solliciter l'autorisation prévue à l'art. 1er du présent règlement dans les trois mois de la date fixée pour son entrée en vigueur. Ces personnes peuvent continuer l'exploitation du bureau jusqu'à la notification de la décision administrative.

Art. 13.

Sera puni d'une amende de 26 à 200 fr. et d'un emprisonnement de huit jours à trois mois, celui:

qui entreprend ou continue d'exploiter un bureau de placement, sans être muni de l'autorisation prévue à l'art. 1er, ainsi que le placeur qui loge ou nourrit des clients sans y être autorisé spécialement conformément à l'art. 3 du présent règlement; qui ne cesse pas l'exploitation du bureau de placement après la notification d'un arrêté de refus ou de retrait d'autorisation, ou qui exerce sa profession contrairement aux conditions spécifiées dans l'autorisation. Tout tenancier, gérant ou employé d'un bureau clandestin sera puni de la même peine;
qui contrevient aux dispositions des art. 2 al. 3, 5, 6, 9,10 et 11 du présent règlement;
qui contrevient aux prescriptions de l'art. 8 du présent règlement ou qui perçoit des droits supérieurs à ceux du tarif affiché;
qui incite un employé à rompre un contrat de travail; toute tentative verbale ou écrite sera punie de la même peine.

Sont passibles de la même peine les personnes exploitant les commerces visés à l'art. 6, qui essaient d'inciter un placeur en lui donnant ou en lui promettant des commissions de quelque nature que ce soit, à un acte de sa profession contraire aux intérêts de l'employé.

Sont applicables à ces infractions le livre I du Code pénal, de même que la loi du 18 juin 1879, portant attribution aux cours et aux tribunaux de l'application des circonstances atténuantes, modifiée par la loi du 16 mai 1904.

Les décisions judiciaires prononçant des condamnations dans les cas susindiqués, en tant que passées en force de chose jugée, seront immédiatement portées à la connaissance du Gouvernement.

Art. 14.

Le présent règlement n'est pas applicable aux bourses de travail créées par l'Etat ou les communes. Le placement par les bourses de travail publique, est gratuit.

Les agents des bourses de travail publiques qui commettent les infractions prévues aux art. 6 et 9 et à l'art. 13, n° 4, et les tiers qui se rendent coupables à l'égard de ces agents de l'infraction prévue à l'art. 13, n° 5, sont punissables des peines prévues par l'art. 13.

Art. 15.

Le présent règlement entrera en vigueur le 1er octobre 1913.

Art. 16.

Notre Ministre d'Etat Président du Gouvernement, est chargé de l'exécution du présent arrêté, qui sera inséré au Mémorial.

Le Ministre d'Etat,

Président du Gouvernement,

EYSCHEN.

Hall, le 21 août 1913.

MARIE-ADÉLAÏDE.