Arrêt de la Cour constitutionnelle - Arrêt n° 130 du 24 novembre 2017.
Dans I'affaire n° 00130 du registre
ayant pour objet une question préjudicielle introduite, conformément à I'article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, par Ie Conseil supérieur de la sécurite sociale suivant arrêt No 2017/0198 du 1er juin 2017 (No. du reg. : COMIX 2016/0265), parvenu au greffe de la Cour constitutionnelle Ie 7 juin 2017, dans un litige opposant
Monsieur X, né Ie 18 août 1963, demeurant à Y,
à
l'État du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par le Ministre d'État,
La Cour,
composée de
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Sur Ie rapport du magistrat délégué et les conclusions déposées au greffe de la Cour constitutionnelle Ie 6 juillet 2017 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, pour I'État du Grand-Duché de Luxembourg, et celles déposées Ie 7 juillet 2017 par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, pour X,
ayant entendu les mandataires des parties en leurs plaidoiries à l’audience publique du 6 octobre 2017,
rend Ie présent arrêt :
Considérant que, saisie par Ie Contrôle médical de la sécurité sociale – Ie médecin-conseil ayant estimé que nonobstant Ie fait de ne pas être invalide au sens de la loi, X était susceptible de présenter une incapacité pour exécuter les tâches correspondant à son dernier poste de travail – la Commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail avait, suivant décision du 24 mars 2016, déclaré la demande en reclassement de X irrecevable sur base de I'article L. 551-1, paragraphe 1, alinéa 2, du Code du travail, au motif que l'intéressé avait occupé son dernier poste de travail depuis moins de trois ans et qu’il n’était pas en possession d'un certificat d'aptitude à ce poste de travail établi par le médecin du travail lors de son embauche ;
Considérant que, saisi du recours dirigé par X contre la décision précitée, Ie Conseil arbitral de la sécurité sociale avait, suivant jugement du 25 novembre 2016, rejeté la demande tendant à voir saisir la Cour Constitutionnelle d'une question préjudicielle et avait confirmé la décision entreprise ;
Considérant que sur appel interjeté par X contre ce jugement, Ie Conseil supérieur de la sécurité sociale, réformant, a, par arrêt du 1er juin 2017, saisi la Cour constitutionnelle de la question préjudicielle suivante :
« L 'article L. 551-1. (1), alinéa 2, du Code du travail
-tel qu'il a été modifié par la loi du 23 juillet 2015 portant modification du Code du travail et du Code de la sécurité sociale concernant Ie dispositif du reclassemen t interne et externe
-en ce qu'il impose aux salariés qui occupent leur dernier poste de travail depuis moins de trois ans d'être en possession d'un certificat d'aptitude au poste de travail établi par Ie médecin du travail compétent lors de I'embauche à ce dernier poste de travail, afin d'être éligibles pour Ie reclassement professionnel,
-en ce qu'il opère dès lors une distinction entre les salariés engagés de moins de 3 ans à leur dernier poste et ceux engagés de plus de 3 ans à leur dernier poste de travail,
-est-il conforme à I'article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution luxembourgeoise aux termes duquel « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi » ? » ;
Considérant que I'article L. 551-1, paragraphe 1, du Code du travail, tel qu’issu de la loi du 23 juillet 2015, dispose que :
« Le salarié qui n'est pas à considérer comme invalide au sens de I'article 187 du code de la sécurité sociale, mais qui par suite de maladie ou d'infirmité présente une incapacité pour exécuter les tâches correspondant à son dernier poste de travail, peut bénéficier, dans les conditions prévues au présent Titre, d'un reclassement professionnel interne ou d'un reclassement professionnel externe, ainsi que du statut de personne en reclassement professionnel.
Les salariés qui occupent leur dernier poste de travail depuis moins de trois ans ne sont éligibles pour Ie reclassement professionnel que sous condition qu'ils soient en possession d'un certificat d'aptitude au poste de travail, établi par Ie médecin du travail compétent lors de I'embauche à ce dernier poste de travail . Le médecin du travail compétent en informe la Commission mixte lors de la saisine. » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi » ;
Considérant que Ie législateur peut, sans violer Ie principe d'égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que la différence instituée procède de disparités objectives et qu'elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but ;
Considérant que Ie législateur, en subordonnant, par la loi du 23 juillet 2015,l’éligibilité du salarié qui occupe son dernier poste de travail depuis moins de trois ans pour un éventuel reclassement à la possession d’un certificat d'aptitude à ce poste de travail établi par le médecin du travail lors de l’embauche, a voulu contrecarrer la collusion entre l’employeur et le salarié consistant, pour l’employeur, à embaucher des salariés qui, dès le début des relations de travail, étaient médicalement inaptes à exercer leur emploi, et ce en vue de faire supporter, par Ie biais du reclassement, tout ou partie de leur rémunération par la collectivité ;
Considérant qu'il peut être présumé que Ie salarié qui a occupé son dernier poste de travail depuis trois ans est un salarié médicalement apte au travail depuis Ie début des relations de travail ;
Considérant que Ie risque de collusion que Ie législateur entend combattre n'existe donc pas relativement au salarié, candidat au reclassement, qui a occupé son dernier poste de travail depuis trois ans au moins ;
Considérant que la différence de régime entre Ie candidat au reclassement occupant son dernier poste de travail depuis moins de trois ans et devant présenter un certificat d'aptitude au travail et Ie candidat au reclassement occupant son dernier poste de travail depuis trois ans au moins et ne devant pas présenter ce certificat, procède dès lors de disparités objectives et est rationnellement justifiée ; qu’elle est également adéquate et proportionnée à son but, dès lors qu'elle ne soumet pas Ie salarié, candidat au reclassement, devant présenter Ie certificat d'aptitude, à une contrainte majeure, ce salarié disposant normalement d'un tel certificat d'aptitude en raison des dispositions pénales édictées en vue d'en assurer l’établissement et des possibilités d'intervention de I'lnspection du Travail et des Mines pour remédier à la carence de I'employeur ;
Considérant, dès lors, que par rapport à la question préjudicielle posée, I'article L. 551-1, paragraphe 1, alinéa 2, du Code de travail, tel qu'il a été modifié par la loi du 23 juillet 2015 portant modification du Code du travail et du Code de la sécurité sociale concernant Ie dispositif du reclassement interne et externe, est conforme à I'article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution ;
Par ces motifs,
dit que I'article L. 551-1, paragraphe1, alinéa 2, du Code du travail, tel qu'il a été modifié par la loi du 23 juillet 2015 portant modification du Code du travail et du Code de la sécurité sociale concernant Ie dispositif du reclassement interne et externe, est conforme à I'article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution ;
dit que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt sera publié au Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, Mémorial A ;
dit qu'il sera fait abstraction des nom et prénoms de X lors de la publication de l'arrêt au Journal officiel ;
dit que l'expédition du présent arrêt sera envoyée par Ie greffe de la Cour constitutionnelle au Conseil supérieur de la sécurité sociale dont émane la saisine et qu'une copie conforme sera envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur Ie président Jean-Claude WIWINIUS en présence de Madame le greffier en chef Lily WAMPACH.
Le greffier en chef, Lily WAMPACH |
Le président, Jean-Claude WIWINIUS |