Arrêté du Gouverneur général du 20 août 1814 concernant la police des inhumations.

Plusieurs plaintes qui me sont parvenues, m'ont convaincu que le décret français du 23 prairial an XII, relatif à la police des inhumations et des lieux de sépulture, n'est pas exécuté par les autorités locales avec cette exactitude que son importance exige. Je crois en conséquence devoir vous rappeler les principales dispositions dudit décret, ainsi que les autres ordonnances et instructions y relatives, et vous inviter à tenir la main à leur stricte exécution.

Aucune inhumation n'aura lieu dans les églises, temples, synagogues, hôpitaux, chapelles publiques, et généralement dans aucun des édifices clos et fermés où les citoyens se réunissent pour la célébration de leur culte , ni dans l'enceinte des villes et bourgs. Les terrains consacrés à l'inhumation des morts dans les villes et bourgs, devront être situés à la distance de 35 à 40 mètres au moins de leur, enceinte ; — les terrains les plus élevés et exposés au nord seront choisis de préférence; ils seront clos de murs de deux mètres au moins d'élévation. On y fera des plantations, en prenant les précautions convenables pour ne point gêner la circulation de l'air.

Quoiqu'il ne soit pas de rigueur que dans les villages les cimetières soient établis hors de leur enceinte, ils devront cependant l'être à la distance ci-dessus déterminée, lorsque la salubrité publique l'exige.

Les terrains servant maintenant de cimetières, lorsque les communes n'en auront plus besoin, peuvent, après un laps de tems de 5 ans, et après avoir été dûment autorisées, être affermés, échangés ou vendus par les communes aux-quelles ils appartiennent, mais à condition qu'ils ne seront qu'ensemencés ou plantés. Il est expressément défendu d'y faire aucune fouille ou fondation pour des constructions de bâtiment.

Nul ne pourra, sans autorisation, élever aucune habitation, ni creuser aucun puits, à moins de 100 mètres des nouveaux cimetières transférés hors des communes en vertu des lois et réglemens. Les batimens existans ne pourront également être restaurés ni augmentés sans autorisation. Les puits pourront, après visite contradictoire d'experts, être comblés, en vertu de mon ordonnance, sur la demande de la police locale.

Chaque inhumation aura lieu dans une fosse séparée; chaque fosse qui sera ouverte , aura 1 mètre 5 décimètres à 2 mètres de profondeur, sur 8 décimètres de largeur, et sera ensuite remplie de terre bien foulée. Les fosses seront distantes les unes des autres de 3 à 4 décimètres sur les côtés , et de 3 à 5 décimètres à la tête et aux pieds. La police locale aura à prendre les mesures nécessaires, pour que ces dispositions soient exactement exécutées par les fossoyeurs dont la nomination, appartient aux autorités locales qui doivent aussi déterminer l'indemnité qu'ils sont en droit de percevoir pour l'ouverture des fosses.

L'ouverture des fosses pour de nouvelles sépultures n'aura lieu que de 5 années en 5 années; en conséquence les terrains destinés à former les lieux de sépulture, seront 5 fois plus étendus que l'espace nécessaire pour y déposer le nombre présumé de morts qui peuvent y être enterrés chaque année.

Comme dans les communes où l'on n'exerce publiquement qu'un seul culte , et où par conséquent il ne se trouve que des cimetières affectés à l'enterrement des individus décédés dans ce même culte , il s'arrête très-souvent des familles qui professent un autre culte, et qui peuvent y mourir, il a été ordonné qu'on partagera les cimetières par des murs, haies ou fossés, en autant de parties qu'il y a de cultes différens, avec une entrée particulière pour chacun , et en proportionnant cet espace au nombre d'habitans de chaque culte. Dans le cas où les autorités locales auraient négligé l'exécution de cette disposition, l'on devra enterrer ces familles, ainsi que cela a lieu partout où l'on professe des principes libéraux sur le cimetière commun, à côté des personnes décédées dans la religion dominante, et non dans des coins écartés. On fait principalement observer que M M . les ecclésiastiques n'ont aucune qualité pour se mêler de cet objet , ni pour donner des ordres aux fossoyeurs d'enterrer les morts à l'endroit qu'ils auraient déterminé, parce qu'aux termes des articles 16, 17 et 19 du décret précité, les lieux consacrés aux inhumations sont placés sous la surveillance de la police de l'autorité civile qui est chargée de faire porter et enterrer les morts.

Comme il convient, de rendre aux morts les derniers honneurs, dus à la dignité de l'homme , il est du devoir des autorités locales , ainsi que cela est conforme à la lettre et à l'esprit du décret , qu'un des membres de la municipalité accompagne jusqu'au tombeau les personnes qui ne peuvent pas l'être par un ecclésiastique de leur religion, parce qu'il ne s'en trouve pas dans la commune.

Les fabriques des églises et les consistoires, aux termes de l'article 22 du décret , jouissant seuls du droit de fournir les objets nécessaires pour les enterremens, et pour la décence ou la pompe des funérailles, les fabriques du culte catholique dans les communes où il n'y a pas de consistoire, ne pourront refuser à qui que ce soit, et quelque religion qu'il puisse professer, les objets et ornemens réclamés par la famille du décédé , et dont on se sert ordinairement pour les funérailles des catholiques, en payant le droit fixé par le tarif; si elles s'y refusaient, les particuliers intéressés s'adresseront à l'autorité locale qui devra sur-le-champ donner l'ordre de mettre lesdits objets à leur disposition.

Lorsque le ministre d'un culte refuse son ministère pour l'inhumation d'un corps , l'autorité civile, soit d'office, soit sur la réquisition de la famille, commettra un autre ministre du même culte pour remplir ces fonctions.

Les décédés doivent être enterrés dans le cimetière de leur commune. S'il n'y a pas de cimetière, ils devront être inhumés dans un des cimetières de la mairie dont dépend la commune du décédé , parce qu'il est du devoir de chaque bourguemaître de faire inhumer ceux qui meurent dans son ressort, et qu'il n'a rien à commander dans une autre mairie, et que par conséquent il n'y peut exercer aucune surveillance sur l'exécution dudit décret. Comme les lieux affectés aux inhumations des individus attachés à une paroisse sont quelque-fois situés dans une mairie autre que celle où le décédé avait son domicile, messieurs les ecclésiastiques sont invités à se concerter entre eux, pour que cette circonstance ne donne lieu à aucun différend, et que chacun soit enterré dans sa commune, ou du moins dans sa mairie. Lorsqu'une commune a son cimetière particulier, le curé ne pourra pas refuser son ministère pour l'inhumation du décédé dans le cimetière du lieu de son domicile , sous prétexte qu'un autre cimetière est assigné à la paroisse. Il est d'ailleurs plus convenable, qu'une seule personne se déplace pour se rendre dans une commune, que la famille entière du décédé , ou bien souvent toute une communauté se mette en mouvement pour inhumer le corps dans une autre commune, étrangère au décédé.

Il est défendu à tous maires, adjoints et membres d'administrations municipales , de souffrir le transport, présentation, dépôt , inhumation des corps, ni l'ouverture des lieux de sépulture; — à toutes fabriques d'église et autres ayant droit de faire les fournitures requises pour les funérailles, de livrer lesdites fournitures; — à tous curés et desservans, d'aller lever aucun corps, ou de les accompagner hors des églises, qu'il ne leur apparaisse de l'autorisation donnée par l'officier de l'état civil pour l'inhumation, à peine d'être poursuivis et punis comme contrevenant aux lois. Et cette autorisation ne pourra être délivrée par cet officier qu'après s'être transporté auprès de la personne décédée , pour s'assurer du décès, et que 24 heures après le décès , hors les cas prévus par les réglemens de police. La contravention à ces dispositions sera punie de 6 jours à deux mois d'emprisonnement, et d'une amende de 16 à 50 francs, sans préjudice de la poursuite des crimes dont les auteurs de ce délit pourraient être prévenus dans cette circonstance.

Enfin je dois encore faire observer que rien, n'est alloué aux ministres du culte et autres individus attachés aux églises, pour leur assistance à l'inhumation des individus indigens, qui devront êtres enterrés gratis.

Je charge principalement M M . les directeurs des cercles, de me faire chaque trimestre, un rapport détaillé sur l'objet de cette instruction, et de me signaler les autorités locales et les ecclésiastiques qui contreviennent aux dispositions y prescrites.

Luxembourg , le 20 août 1814.

Le Commissaire de gouvernement du département des Forêts,

Le Baron de SCHMITZ-GROLLENBOURG.