(N.° 244.) ARRÊTÉ contenant règlement sur le recouvrement des contributions directes et l'exercice des contraintes. Du 16 Thermidor, an VIII de la République une et indivisible.



LES CONSULS DE LA RÉPUBLIQUE, sur le rapport du ministre des finances;

Vu les lois des 1er décembre 1790, 2 octobre 1791, 17 brumaire an V et 3 frimaire an VII, relatives aux contributions directes;

Considérant, que ces lois, en autorisant l'envoi et le séjour des porteurs de contraintes chez les contribuables en retard de payer leurs contributions, ne règlent pas l'emploi de cette mesure; que le Gouvernement doit aux contribuables, autant qu'au trésor public, de la régulariser, pour assurer non-seulement le recouvrement des contributions, mais pour prévenir en même temps les rigueurs qui en résulteraient, si elle était employée sans nécessité ou d'une manière arbitraire;

Considérant aussi qu'il est important de coordonner avec le système actuel de l'administration, les principes consacrés par les lois en matière de contributions;

Le conseil d'état entendu,

Arrêtent:

§. I.erDispositions générales.

ART. I.er

Les contributions directes sont payables à raison d'un douzième par mois.

II.

Il y aura pour leur recouvrement un percepteur par chaque ville, bourg et village ayant son rôle particulier.

III.

L'adjudication de la levée des contributions directes sera faite par les maires, ou, à leur défaut, par les adjoints, avant le 1.er fructidor de chaque année.

IV.

L'adjudication sera faite au rabais, et ne pourra pas excéder cinq centimes par franc.

V.

L'adjudicataire fournira un cautionnement en immeubles, dont la valeur libre sera du quart, au moins, du montant du rôle de la contribution foncière.

VI.

Le receveur particulier de l'arrondissement fera fournir, sous sa responsabilité personnelle, dans la décade qui suivra l'adjudication, le cautionnement exigé par l'article précédent; à l'effet de quoi les maires ou adjoints adresseront, sans délai, au receveur particulier, le procès-verbal d'adjudication.

VII.

Dans les dix jours de la réception de leur cautionnement, les percepteurs seront tenus, à leurs frais,

De le faire inscrire au bureau de la conservation des hypothèques de la situation des biens, et d'en rapporter certificat au receveur particulier;
De lui rapporter, dans le même délai, l'état certifié par le conservateur, des charges et hypothèques inscrites sur lesdits biens, ou le certificat qu'il n'en existe aucune.

VIII.

Aucun percepteur en exercice ne pourra se rendre adjudicataire qu'après avoir justifié de l'entier versement du produit des contributions dont les termes seront échus.

IX.

A défaut d'adjudicataire, le conseil municipal, convoqué extraordinairement par le maire ou son adjoint, nommera d'office, dans la première décade de fructidor, un percepteur dont la solvabilité soit connue.

X.

Le percepteur nommé d'office qui n'aura pas fourni de cautionnement, ne jouira que d'une remise de trois centimes par franc; la remise sera de cinq centimes s'il fournit le cautionnement déterminé par l'article V.

XI.

S'il se trouve un déficit dans la caisse d'un percepteur dont l'insolvabilité soit constatée par la discussion de ses biens et de ceux de son cautionnement, et que le receveur particulier, la maire et les membres du conseil municipal aient satisfait, chacun en ce qui le concerne, aux dispositions ci-dessus, la somme manquante restera à la charge de la communauté, et sera réimposée sur les rôles de la même année.

Le sous-préfet est chargé de l'exécution du présent article.

XII.

Le procès-verbal d'adjudication, ou, à défaut d'adjudication, l'acte de nomination d'office du percepteur, sera envoyé, avant le 15 fructidor, par les maires ou adjoints, au sous-préfet, qui en donnera récépissé.

XIII.

Les rôles de contributions directes seront rendus exécutoires par le préfet, dans la décade, à compter de leur réception; il les remettra ensuite au directeur des contributions, qui les fera passer, par les contrôleurs, aux maires ou adjoints, avant le 1.er vendémiaire de chaque année.

XIV.

Dans les cinq jours qui suivront la réception des rôles, les maires ou adjoints les feront publier, et les remettront au percepteur, qui en donnera sa reconnaissance au bas du procès-verbal.

XV.

Le percepteur ne pourra rien exiger des contribuables, qu'il ne soit porteur d'un rôle rendu exécutoire et publié.

XVI.

Il émargera sur le rôle, en présence du contribuable, la somme qu'il recevra: il croisera les articles entièrement soldés; et s'il en est requis par le contribuable, il lui en donnera quittance sur papier libre, pour laquelle il ne pourra rien exiger.

XVII.

Les percepteurs qui n'auront fait aucune poursuite contre les contribuables en retard, pendant trois années consécutives, perdront leur recours et toute action contre eux.

Après ce délai, les maires, ou adjoints retireront les rôles, et les déposeront aux archives de l'arrondissement communal.

§. II. Organisation des porteurs de contraintes.

XVIII.

A compter de la publication du présent règlement, il sera choisi dans chacun des arrondissemens communaux, des porteurs de contraintes, chargés exclusivement d'exécuter celles qui seront décernées par le receveur particulier pour le paiement des contributions directes.

Les porteurs de contraintes feront seuls les fonctions d'huissier pour les contributions directes.

Ils ne sont pas assujétis au droit de patente.

XIX.

Les porteurs de contraintes seront choisis parmi les citoyens de l'arrondissement, sachant lire, écrire, calculer, et ayant une instruction suffisante pour exécuter toutes les opérations relatives à leurs fonctions.

Les invalides et les anciens militaires réunissant ces conditions, et munis de certificats de bonne conduite, seront choisis de préférence.

Aucun des individus attachés au service du préfet, des sous-préfets et des receveurs, ne pourra remplir les fonctions de porteur de contraintes.

XX.

Les porteurs de contraintes seront nommés par le sous-préfet sur la présentation du receveur particulier.

Les choix du sous-préfet seront soumis à l'approbation du préfet.

Il sera fait un état triple de cette nomination: le premier, pour être déposé aux archives de la préfecture; le second, à celles de la sous-préfecture; et le troisième, pour être remis au receveur, le tout sans frais.

XXI.

Le sous-préfet recevra des porteurs de contraintes la promesse de fidélité à la Constitution, prescrite par la loi; il en sera fait mention sur la commission, laquelle ne sera délivrée qu'après avoir été visée par le préfet.

XXII.

Les porteurs de contraintes devront être munis de leur commission dans l'exercice de leurs fonctions; ils en feront mention dans leurs actes, et la représenteront lorsqu'ils en seront requis.

XXIII.

Le nombre des porteurs de contraintes sera calculé sur la population des communes composant l'arrondissement communal, et il ne pourra pas excéder celui de deux par quinze communes rurales.

Dans les villes et gros bourgs, le nombre des porteurs de contraintes sera calculé proportionnellement à la population de vingt communes rurales.

XXIV.

Dans le cas où les porteurs de contraintes seront injuriés, ou s'il leur est fait rébellion, ils se retireront chez le maire ou l'adjoint du lieu, pour en dresser procès-verbal et l'affirmer.

XXV.

Les receveurs particuliers seront chargés de surveiller et de faire surveiller la conduite des porteurs de contraintes, de prendre à leur égard tous les renseignemens qui pourront leur être fournis soit par les percepteurs, soit par les contribuables, et de les adresser, sans délai, au sous-préfet de l'arrondissement.

Celui-ci surveillera lui-même et fera surveiller les porteurs de contraintes par les maires ou adjoints.

Le directeur des contributions directes fera aussi surveiller par les contrôleurs, les porteurs de contraintes; et il transmettra au sous-préfet les renseignemens qu'il aura recueillis sur la conduite de ceux-ci.

Les contribuables pouront porter directement leurs plaintes au sous-préfet, qui statuera sommairement sur toutes celles qui lui parviendront contre les porteurs de contraintes; il pourra même les révoquer, sauf, dans tous les cas, le recours au préfet.

XXVI.

Si les délits donnent lieu par leur nature, à des poursuites extraordinaires, le préfet adressera les pièces aux juges compétens.

XXVII.

Les porteurs de contraintes ne jouiront d'aucun traitement fixe, et ne seront payés qu'autant qu'ils seront employés.

Le prix de leurs journées sera réglé chaque année par le préfet, sur l'avis des sous-préfets, et ne pourra pas excéder deux francs, ni être au-dessous d'un franc.

L'arrêté du préfet, portant cette fixation, sera imprimé et affiché.

XXVIII.

Les porteurs de contraintes ne pourront rien prétendre pour les jours qu'ils auront été en route en se rendant dans les lieux où ils doivent être employés, non plus que pour le temps qu'ils y auront passé sans travailler; ils ne pourront, étant en activité de service, exiger du percepteur ni des redevables que le logement, la nourriture et une place au feu commun.

Il leur est expressément défendu de se loger à l'auberge aux frais des redevables, même sur la demande de ceux-ci.

Il leur est également défendu de recevoir, ni des percepteurs, ni des redevables, le prix de leur travail, qui ne devra leur être payé que par le receveur particulier, d'après la taxe qui en aura été faite.

XXIX.

Les procès-verbaux et actes des porteurs de contraintes, relatifs à leur séjour chez les percepteurs et chez les redevables, ne seront soumis ni au timbre, ni à l'enregistrement; mais le commandement qui précédera les saisies et ventes, sera assujéti à ces droits.

XXX.

Les receveurs particuliers décerneront, dans leurs arrondissemens respectifs, les contraintes contre les percepteurs et les contribuables en retard de se libérer.

Les contraintes seront signées par le receveur particulier, et ne pourront être mises à exécution qu'après avoir été visées par le sous-préfet de l'arrondissement.

Elles seront conformes au modèle annexé au présent règlement, sous le n.° 1.er.

§. III. Contraintes et poursuites à exercer contre les percepteurs

XXXI.

Les porteurs de contraintes vérifieront, à leur arrivée, en présence du maire ou de son adjoint, la situation du percepteur, d'après les sommes qu'il aura reçues, et les quittances que le receveur lui aura délivrées.

XXXII.

Les porteurs de contraintes s'établiront à domicile réel chez le percepteur, et à ses frais, sans répétition contre les redevables, et avant de pouvoir exercer contre eux aucune contrainte ni poursuite, dans les cas suivans:

Si sur les informations que prendront d'abord les parieurs de contraintes, les maires ou adjoints leur attestent, par écrit, que le percepteur n'a pas fait toutes les diligences auxquelles il est obligé pour dispenser le receveur de poursuivre les redevables;
Si le percepteur a recouvré et conservé entre ses mains le tiers de la somme exigée par la dernière contrainte;
Si le percepteur a commis un divertissement de deniers, constaté par un procès-verbal des porteurs de contraintes, affirmé devant le maire ou son adjoint.

XXXIII.

Aussitôt que le receveur particulier aura été informé d'un divertissement de deniers, il fera faire à l'instant toutes les saisies et actes conservatoires.

Il pourra, en outre, décerner une contrainte par corps contre le percepteur, laquelle ne pourra néanmoins être mise à exécution qu'avec le visa du juge de paix.

XXXIV.

Le receveur particulier enverra aussi le procès-verbal et les pièces à l'appui au sous-préfet, qui ordonnera au maire ou à son adjoint, de procéder sans retard, sous peine de responsabilité, à une nouvelle adjudication de ce qui restera à recouvrer sur les rôles; en conséquence, le receveur particulier fera remettre, dans le jour s'il est possible, au maire ou à son adjoint, les rôles avec l'état des sommes à recouvrer.

A défaut d'adjudicataire, le conseil municipal nommera d'office un percepteur.

XXXV.

Si dans les cinq jours suivans la somme divertie n'est pas remplacée, le receveur particulier fera procéder à la vente des meubles et effets du percepteur, même à l'expropriation forcée de ses immeubles, pardevant les juges compétens, jusqu'à concurrence de ladite somme; et en cas d'insuffisance, il sera procédé par les mêmes voies sur le cautionnement.

XXXVI.

Les mesures prescrites par les articles qui précèdent, n'empêcheront pas les poursuites extraordinaires auxquelles le divertissement de deniers pourrait donner lieu.

XXXVII.

Tous les frais faits à l'occasion d'un divertissement de deniers, seront à la charge des percepteurs, et seront réglés par les sous-préfets, sauf le recours au préfet, à l'exception des frais faits devant les tribunaux, lesquels seront réglés en la forme ordinaire.

XXXVIII.

Les maires ou adjoints vérifieront, toutes les décades, les rôles du percepteur.

Ils dresseront, chaque mois, un procès-verbal de leurs vérifications, conformément au modèle annexé au présent sous le n.° 2, et l'enverront au sous-préfet.

XXXIX.

Les porteurs de contraintes ne pourront rester plus de cinq jours consécutifs chez le même percepteur.

§. IV. Contraintes et poursuites à exercer contre les redevables.

XL.

Les porteurs d'une contrainte la présenteront, à leur arrivée, au maire ou à son adjoint, et en demanderont la publication.

XLI.

Après que les porteurs de contraintes auront vérifié que le percepteur ne se trouve pas dans le cas prévu par l'article XXXII, ils feront sur le rôle le relevé des contribuables en retard, les porteront sur un bulletin, et distribueront à chacun des redevables un avertissement sur papier non timbré, conforme au modèle annexé au présent réglement sous le n.° 3.

Il ne sera payé que cinq centimes pour chaque avertissement, par le redevable qui l'aura reçu.

Les porteurs de contraintes passeront successivement dans les autres communes comprises dans la contrainte, pour y faire la même opération.

XLII.

Le percepteur, à la première réquisition faite en présence du maire ou de son adjoint, indiquera aux porteurs de contraintes la demeure et les facultés connues des redevables. En cas de refus de la part du percepteur, les porteurs de contraintes s'établiront à domicile réel chez celui-ci, à ses frais, et sans répétition contre les redevables.

XLIII.

Quand les porteurs de contraintes auront distribué leurs avertissemens dans toutes les communes qui y seront désignées, ils viendront en rendre compte au receveur, particulier, lui présenteront de nouveau la contrainte à viser, et partiront ensuite pour séjourner chez les redevables qui n'auront pas satisfait à l'avertissement.

XLIV.

Les porteurs d'une contrainte ne pourront séjourner plus de dix jours dans la même commune, et plus de deux jours chez un redevable.

Ils s'établiront d'abord à domicile chez le plus fort contribuable en retard, et successivement chez les autres, toujours en continuant par le plus fort.

Les porteurs de contraintes ne pourront pas s'établir à domicile chez les redevables qui paieront moins de quarante francs de contributions directes.

Les frais de séjour des porteurs de contraintes, seront répartis sur tous les redevables de la commune, en proportion de leurs débets.

XLV.

Après les dix jours fixés par l'article précédents le bulletin conforme au modèle annexé au présent règlement sous le n.° 4, sera rempli et fait double: il sera signé par les porteurs de contraintes, et certifié par les maires ou adjoints; il sera ensuite remis cacheté au percepteur, qui le portera au receveur particulier, avec les sommes que le séjour des porteurs de contraintes lui aura procurées.

XLVI.

A mesure que les bulletins parviendront au receveur particulier, il les adressera au sous-préfet pour en régler la taxe, qui se fera sans frais, et ne pourra jamais excéder le huitième de la somme due.

XLVII.

Le sous-préfet renverra, sans retard, les bulletins taxés, au receveur particulier, qui en gardera un double, et remettra l'autre, quittancé de lui, au percepteur, après lui en avoir retenu le montant, dont celui-ci se remboursera sur les redevables, en leur donnant quittance.

XLVIII.

Le receveur particulier paiera sur le bulletin taxé, resté entre ses mains, les salaires des porteurs de contraintes, qui lui en donneront quittance.

XLIX.

A la fin de chaque année, le receveur particulier rendra au sous-préfet un compte général des frais établis en recette et dépense par les quittances, des porteurs de contraintes.

L.

Les porteurs de contraintes ne pourront, dans aucun cas ni sous aucun prétexte, recevoir aucune somme des percepteurs ni des contribuables pour les porter au receveur particulier, à peine de destitution, et de restitution des sommes reçues.

Il est défendu aux percepteurs et aux redevables de leur en confier, à peine de payer deux fois.

LI.

Après les dix jours fixés par l'article XLIV, le percepteur pourra faire procéder par voie de saisie et vente des meubles et effets, même des fruits pendans par racines, contre les contribuables qui n'auront pas acquitté leurs contributions échues.

LII.

Ne pourront être saisis pour contributions arriérées et pour frais faits à ce sujet, les lits, vêtemens nécessaires au contribuable et à sa famille, les chevaux, mulets et bêtes de trait servant au labour, les harnais et instrumens aratoires, ni les outils et métiers à travailler.

Il sera laissé au contribuable en retard, une vache à lait, à défaut de vache une chèvre, ainsi que la quantité de grains où graines nécessaire à l'ensemencement ordinaire des terres qu'il exploite.

Les abeilles, les vers à soie, les feuilles de mûrier, ne seront saisissables que dans les temps déterminés par les lois sur les biens et usages ruraux.

Les porteurs de contraintes qui contreviendront à ces dispositions, seront condamnés à cent francs d'amende.

LIII.

Les fonctions attribuées aux sous-préfets et aux receveurs particuliers par le présent règlement, seront respectivement exercées par les préfets et receveurs généraux dans l'arrondissement communal du chef-lieu du département.

LIV.

Le ministre des finances est chargé de l'exécution du présent arrêté, qui sera imprimé au Bulletin des lois.

Le premier Consul, signé BONAPARTE. Par le premier Consul: le secrétaire d'état, signé HUGUES B. MARET. Le ministre des finances, signé GAUDIN.